GILBERTE STEMPERT : COURIR DE PLAISIR

La Barboni, vous connaissez ? Non ? Mais si, rappelez-vous le temps des courses VEC dans les années 80 / 90 vous avez vu ce petit coupé blanc à bandes blanches mené avec dextérité par Denise Philippe ! Un petit coach en aluminium d’une allure très année cinquante, propulsé par un 850 Panhard vitaminé par son mari Georges !

La voici à la course de côte de Savigny les beaunes en 1988 :

Mais avant d’en arriver là, cette berlinette fut la monture préférée de Gilberte Stempert.

Remontons dans le temps pour nous apercevoir que Gilberte Stempert est née le 6 novembre 1915 à Clermont-Ferrand de M. et Mme Contamine. Dès le lendemain, elle regagnait ses parents nourriciers au pied du Puy de Dôme à bord d’une De Dion Bouton.

En effet, son père est à la guerre et sa mère très malade. C’est peut-être là que le virus de l’automobile la pique, pas encore vaccinée aux sottises qui ont fait de nos voitures des objets ménagers !

En 1926, la famille Contamine doit regagner la Côte d’Azur, son père ayant besoin de l’astre méridional pour soigner les bleus que la guerre a fait à son âme. Cette fois-ci le moyen de transport ayant pris la forme d’une Donnet-Zedel.

Entre le ski et l’auto, Gilberte hésite : deux profondes passions que l’amour pour Raymond Stempert fera basculer vers la seconde. Cet amour qui l’habillera de blanc en décembre 1936.

Aussitôt, elle passe son permis, sans problème, douée déjà dans une époque où la tendance n’est pas encore au féminisme !

Au contact de son mari, bricoleur, doué en mécanique et bon pilote, elle apprend ce que « bouger » veut dire.

L’allure est trouvée : sport et élégance.

Mais pas moyen d’exploiter à fond le belle Hotchkiss de son mari : la guerre est encore là ! il faut ressortir les vélos et pour « bouger », il reste le ski !

La saison s’ouvre sur les neiges d’Auron. Son talent sur deux étroites planches et son côté acrobate du volant, laisse un certain Louis Chiron, venu là skier en voisin ; admiratif.

Jean Marais est là aussi, mais lui ne se contente pas de simples compliments de bon aloi, il propose à Gilberte de doubler une scène automobile dans un de ses films. Elle ne se fait pas prier et se complait dans cette ambiance chaleureuse.

En 1943, son activité est ralentie par la naissance de sa fille.

En 1946, elle rencontre Jean-Pierre Wimille venu jouer le starter d’une compétition de ski à Auron.

Mais le tournant de sa vie sportive restera l’accident de ski qui, en 1948, l’éloignera définitivement de toute compétition dans cette discipline.

Alors, tout naturellement elle quitte les bâtons pour le volant.

Elle se fait la main… et les bras… au volant d’une traction lors d’épreuves régionales. Mais la véritable révélation sera la Panhard Dyna X ! Les caractères de cette petite auto calquent exactement les siens !

En effet, c’est dans les descentes des cols que Gilberte retrouve ses sensations de skieuse.

La Dyna X se prête à merveille à son tempérament, à, sa dextérité, à son talent d’équilibriste.
La petite « pan-pan » saute de virage en virage avec agilité et légèreté. Les cols sont dévalés à toute allure.

Chiron lui-même est époustouflé, et pourtant, elle court uniquement pour le plaisir, en détente, ne supporte pas la pression et ne veut en aucun cas sacrifier sa vie de famille, ni son magasin de vaisselles qu’elle possède à cannes, allant même jusqu’à la composition artistique.

Ses voitures n’ont jamais été des Top-modèles, c’est celles que son mari n’utilise plus.
Mais de toutes, c’est la Dyna X carrossée en 1953 par Barboni à la demande de M. Stempert, qui reste sa préférée et de très loin !

Elle ne la prend en main qu’en 1955, la voiture a deux saisons de course, dont une 22ème place au Mans 1953 et une 2ème de catégorie aux Mille Miles de 1954.

Elle attaque la saison 55 dans l’Ecurie « Ile de France » dirigée par René Cotton. Elle a pour camarade : De Cortance, Chancel, Houel, Becquart, Lemerle,…pour les plus connus.

L’ambiance est excellente et sa frimousse blonde devient célèbre grâce aux Mille Miles où elle fait une course d’anthologie, sans navigateur, se frayant un passage au milieu de tifosis déchaînés. La petit Barboni-Panhard est dans la zone rouge sur tous les rapports de boite. Gilberte se classe 4ème au général et première de sa classe, malgré de multiples arrêts à cause d’une consommation d’huile excessive : l’exploit !

A la remise des prix, les plus grands se précipitent pour la féliciter, et… pour l’embrasser. Ils avaient pour nom : Fangio, Moss, Castellotti,…

Puis se précipitent : Liège-RomeLiège, Le Marathon de la Route…
L’usine Porsche la courtise, ainsi que d’autres grandes marques. Mais sa famille passe avant tout et sa santé lui joue quelques tours.

Lorsque je l’avais rencontré au Castelet fin des années 80 où elle venait nous voir courir, son dynamisme était resté intact, son élégance aussi : la vraie classe ! Les années n’avaient que peu de prise sur ce bout de femme.

Aujourd’hui, je l’ai perdu de vue, mais je n’oublierai jamais ses exploits et sa gentillesse, elle et son mari. Elle devait avoir sa place dans le livre d’or des pilotes Panhard.

Charly RAMPAL