LE MANS 1961
98 demandes, 55 voitures dont 5 DB-Panhard, les débuts de la Junior à moteur arrière, les victoires de 4 gentlemen : Hill-Gendebien à la distance et Laureau-Bouharde à l’indice. La « der » de la fameuse association Bonnet et Panhard : tout un symbole !
Parmi les quelques 98 demandes d’engagement, la Commission des Invitations de l’Automobile Club de l’Ouest a sélectionné les 55 voitures qui, les 10 et 11 juin se sont affrontées sur le circuit de la Sarthe.
Avant cette date, des défections peuvent survenir, c’est pourquoi 15 suppléants ont été également désignés.
LES FORCES EN PRESENCE
A la lecture de la, liste officielle, on cherchait vainement le nom de Jaguar qui, pour la première fois depuis 1951, ne participeront pas à l’épreuve.
La sortie du nouveau modèle GT a provoqué un surcroit de travail, à Conventry.
Autre absent de marque, celle des voitures américaines, Briggs Cuningham engageant des Maserati, la Général Motors n’a pas voulu tenter seule l’aventure.
Forfait également des petites Stanguellini pourtant si fidèles à la piste mancelle.
Notons enfin que Colin Chapman, respectant sa promesse, n’a engagé cette année, que des modèles Grand Tourisme.
Parmi les 55 voitures, les Ferrari sont venues en force avec 10 voitures. On cannait toute l’importance qu’attache le Commendatore à une brillante représentation au Mans.
Une voiture était réservée à un équipage 100% français, la n°8 avec Tavano et Schlesser.
Pour la victoire à la distance, il ne semble pas que les deux Aston-Martin sport puissent inquiéter les Ferrari.
Et pour les équipes de pointe : Hill-Gendebien et Mairesse-Von Trips, un fameux quatuor, la menace ne viendra que de… Modène.
Dans le juste milieu, il y a 4 Porsche engagées, dont on ne connaît rien, mais avec Bonnier, G. Hill, Gurney, Hermann et Barth, l’équipe allemande a fière allure !
Parmi les nouveaux engagés, saluons la venue de deux Sunbeam Alpine.
Triumph et Bristol, des habitués, compteront cette année encore, faire la démonstration de leur robustesse et de leur régularité, tout comme Austin-Healey qui, encouragé par la bonne performance réalisée par la Sprite l’an dernier, entend recommencer…
Une inconnue : la Cooper Monaco qui avait étonné aux mains de Jim Russel, avant l’accident de celui-ci l’an passé.
Enfin, dans le domaine des petites cylindrées qui nous intéresse, l’explication Fiat-Abarth – DB-Panhard connaîtra son troisième épisode après les 24 Heures et les 1000 km de Paris en 1960.
La nouvelle 1000 italienne est très rapide, mais tiendra-t-elle 24 heures ?
René Bonnet a présenté 3 modèles de cylindrées différentes : 702, 848 et 954 pour se parer à toutes les attaques.
C’est dans son archaïque atelier de Champigny qu’une poignée d’hommes animés par le génie de la mécanique, tiennent en échec, depuis la fin de la seconde Guerre Mondiale, des usines entières qui, à l’étranger, fourbissent des armes formidables.
Loin d’être réduit à ces barouds d’honneur, l’équipe DB-Panhard fait jouer La Marseillaise sur tous les circuits. La fera-t-elle résonner encore cette année ?
Il n’y a pas si longtemps, descendre en-dessous des 5’ au tour était chose impossible pour un modèle de moins de 1000cc.
La Fiat-Abarth a réussi 4’52’’6 (165,617 km/h). A cette menace, René Bonnet répond en lançant la 954 qui plafonne autour des 5’.
Son bicylindre développe 70 ch et sa solidité est prouvée. Au pis aller, reste les 848 et 702cc qui ne partent pas battues.
LA COURSE…
Je vous le disais, depuis le début de sa participation au Mans, René Bonnet n’avait pas connu pareille opposition.
Durant 23 heures, il lui a fallu livrer une terrible bataille aux rapides Abarth qui affichèrent une résistance de bon augure.
Si une seule restait en course à l’arrivée, il est bon de souligner que toutes les autres disparurent de la course à la suite de défaillance de transmission.
Abarth connaît maintenant le point faible de sa voiture et, s’il peut être satisfait de la victoire de catégorie qui lui apportent Hulme et Hyslop, il se souviendra plus longtemps encore de ses 23 heures de lutte pour arracher une victoire à l’indice dont le prolongement à l’échelon commercial est extrêmement important.
Si dans les deux camps on s’est constamment battu avec la plus grande vigueur, il y eut pourtant des moments de grands espoirs chez Abarth lorsque, dès les premières heures de course, toutes les DB se succédèrent au stand pour se faire pulvériser des jets d’extincteur dans les embrayages déficients à la suite des classiques fuites d’huile des boites Panhard, puis, ensuite, lorsque la voiture de Masson-Armagnac, en tête de l’indice durant 12 heures, fut retirée de la course à la suite d’un bris de soupape, laissant le relais à Laureau-Bouharde assez attardés .
Mais chez DB aussi, l’espoir succédait à l’angoisse, lorsque l’Abarth de Condriller-Foltek, privée d’embrayage, s’avérait incapable de suivre le train et devait finalement abandonner à la 23ème heure, la boite de vitesses bloquée.
Le temps fut cette année là relativement clément, mais la petite pluie qui tomba par intermittence provoqua de nombreux dérapages.
C’est ainsi que la petite DB-Junior de Moynet-Vidille, le député volant dont je vous ai tracé le portrait dans la « Saison2 » des « Hommes », se trouva plusieurs fois en tête à queue et s’ensabla à Mulsanne, ce qui tend à prouver avec quelle ardeur il voulait défendre ses chances !
UNE NOUVEAUTÉ CHEZ DB : LA JUNIOR A MOTEUR ARRIERE
Petite révolution chez DB avec la tentative du passage en position centrale du moteur qui, ne l’oublions pas, est refroidi par air.
C’est aux essais d’Avril, que Jacques Hubert fut convaincu du bien fondé de cette position en suivant l’idée et les performances de Ferrari nouvellement présentée : la 246 SP.
Il réussit à convaincre René Bonnet de la plus grande vitesse de passage en courbe de ce type de voiture, ce qui, au Mans, n’est pas négligeable…
On était alors le 8 avril et le 7 juin à 10h, soit 8 semaines et demi seulement plus tard, la barquette DB à moteur central se présente aux contrôles techniques.
Elle prendra le départ le samedi 10 Juin et termine première des 850 à 1000 cc… malgré quelques déboires dus à des ressorts (avant surtout) qui s’affaissaient au fil des heures, entraînant quelques têtes à queue et surtout un ensablement à Mulsane où André Moynet qui avait baptisé cette voiture « la toupie », a été contraint à une séance de pelletage qui sera plus tard l’apanage des concurrents du Paris-Dakar…
On conçoit qu’en si peu de temps, le seul vrai roulage de la voiture n’ait été que celui qui l’a amenée, comme souvent à l’époque, de Champigny au Mans par la route et par ses propres moyens ! Ce qui ne permet pas pour autant de faire réellement de la mise au point… !
Le retour se fera lui aussi par les mêmes moyens mais ce sera moins glorieux : victime d’un banal accident de la route, l’arrière de la voiture sera écrasé.
Résultat : capot arrière détruit, arrière du châssis tordu et roue arrière droite arrachée.
Son moteur était un 848 Tigre, avec carénage et turbine de refroidissement. L’entrée de la turbine avait été légèrement modifiée par une bande d’alu pour raccorder le moteur au tunnel du châssis au moyen d’un manchon souple en tissu.
La prise d’air se fait sous la coque entre les roues avant.
L’arrière du compartiment moteur étant fermé par-dessous, la ventilation n’aurait pas été suffisante pour le moteur à culasses détachables, qui a toujours été monté à l’avant.
Du côté fixation moteur-boite également, le système se fait par les échappements de façon analogue à la série Panhard, avec fixation avant sur les tubes, AR par une pièce en tôle située à l’arrière de la boite et une biellette anti-cabrage sous l’embrayage.
C’est la seule DB de compétition montée de cette manière.
Mais au contraire de Panhard, l’arrière de l’échappement passait au-dessus de la boite, la jonction des 2 tubes, caissonnés, formant pot de détente.
Ce système de fixation est un autre argument pour ne pas monter le moteur à culasses détachables qui n’a pas les mêmes échappements (sorties déviées de 5° par rapport à l’axe moteur-boite) et qui ne permettent pas une fixation AV en face des supports.
En ce qui concerne la boite 5 vitesses, celle-ci n’a jamais été montée sur cette voiture, du moins chez DB, car la boite 5 n’a jamais été utilisée en compétition.
Cette boite a été vendue en même temps que la voiture, mais c’est le seul rapprochement.
Autre originalité, les cardans de transmission étaient en tube de section carré, avec amortisseurs de torsion en caoutchouc.
En ce qui concerne le capot arrière, c’était un capot d’une seule pièce assez haut pour faire appuie-tête et articulé derrière les roues AR.
L’encoche au dessus du capot part en s’élargissant sur l’arrière pour conserver le champ de vision.
A l’extrême arrière, une trappe a été réalisée pour recevoir une valise de 80 x 50 x 30 imposée par le règlement.
Toujours pour le capot arrière, une fente verticale permettait de rabattre le capot vers l’AR en laissant passer l’échappement.
Les tambours de roues sont des Alfin.
Les freins AV sont de type double pistons avec plateau modifié à Champigny.
Côté chiffre intéressant : la garde au sol est de 13cm, le poids total est de 440 kg.
La capacité du réservoir est de 79 litres, le n° de châssis : 5.117 et l’immatriculation 3273 LE 75.
Les pilotes sont : André Moynet et Jean Claude Vidilles.
Les mécanos : De Marchio Bruno, Couplé Jacques et Rance Maurice.
Le préposé au carburant : Repas René.
Pour plus de détails et de photos, reportez-vous à mes 3 articles dans les rubriques « Voitures » et « Sport-proto ».
Notons la bonne performance de l’HBR-surbaissé de Caillaud-Mougin qui terminera 22ème
Mais aussi de la Vitrine n°47 de Rollin-Bartholoni, 21ème.
LA VIDEO RESUMEE PAR PATHE-CINEMA
Charly RAMPAL
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