Après 18 éditions, le Critérium de Tourisme Paris-Nice organisé par l’Automobile Club de Nice et Côte d’Azur, disparaît.
Pour recentrer les médias sur la ville de Nice, Nicolas Porsi, trésorier du Club niçois, eut l’idée d’un Tour de France Auto à l’instar du TDF cycliste.
C’était parti. La première édition eut lieu en 1951.
Mais pour nous, panhardistes, l’intérêt se porte immédiatement sur la deuxième édition de 1952 qui vit la victoire au classement général de Marc Gignoux et de sa femme sur un DB en tole : le coupé Gignoux.
Elle est déjà la plus importante épreuve réservée aux voitures particulières de série.
Le parcours est constitué de 3 longues étapes qui totalisent 5.533km à parcourir en sept journées.
La moyenne imposée est de 60 km/h avec interdiction de dépasser les 80 km/h de moyenne. Chaque épreuve possédant son propre coefficient, ce TDF-52 apparaît, comme une épreuve sévère, judicieuse et passionnante.

110 équipages seront au départ. Parmi ces engagés, on note la présence de pilotes notoires et de débutants bientôt célèbres : Rédélé, De Cortanze, Lucien Bonnet (sur 11 BL), Armagnac (sur SIMCA 9), Lucien Bianchi, Picard, Storez (Porsche), etc…
Cette participation de qualité prouve bien que le TDF est déjà considéré comme « une classique ».
Le 9 septembre, à partir de 21h, les concurrents s’élancent pour la première étape qui les mènera jusqu’à La Baule, soit 2.352 km, en passant par les Pyrénées pour la course de côte (Peyresourde) et une épreuve de vitesse : Le mans.
Cette épreuve sera déjà néfaste à 16 concurrents : 60 de moyenne dans les Pyrénées, il faut le faire avec les voitures du début des années cinquante et leur pneus de « vélo » !
Cette première nuit à franchir les Pyrénées donnera le ruban jaune du premier au scratch à Péron sur OSCA devant Pagnibon sur Ferrari 225 Berlinette.

La deuxième nuit et les 1.381 km séparant Pau de La Baule se fera sous la pluie et dans le brouillard. Elle entrainera l’abandon de 15 nouveaux concurrents. Beaucoup sont très fatigués et le sommeil commence à gagner les moins aguerris. Certains plongent dans un sommeil profond et se réveillent que peu de temps avant le contrôle. D’autres poursuivent leur route et font des rencontres insolites, comme le marseillais Bianco au volant de sa Porsche qui s’octroie le meilleur tableau de chasse en percutant : un lièvre, un lapin, une poule, un rat et trois oiseaux ! C’est vrai qu’il est restaurateur, mais quand même !
Puis, c’est l’épreuve de vitesse au Mans sur la ligne droite des Hunaudières : 3km, départ arrêté et arrivée lancée. C’est Pagnibon et sa Ferrari qui l’emporte.

77 concurrents sont encore en lice au départ de La Baule, après une nuit de repos salutaire. C’est l’épreuve du 500m départ et arrivée arrêtés.

Gignoux commence à pointer le museau de son DB, grâce à de belles prestations : ils sont 3ème.

Puis, c’est la route vers la capitale. Contrôlés par l’A.C. de l’ile de France, 75 équipages quittent Paris dès 21h pour Reims, terme de la deuxième étape.
Nouvelle épreuve des 500m à Roubaix.

A l’arrivée à Reims, 5 équipages sont pénalisés pour retard et un a abandonné sur accident consécutif à un état de somnolence au volant de sa 4cv.

La cinquième journée se déroule exclusivement sur le circuit de Gueux. Une décision de dernière minute, unanimement approuvée, remplace les courses prévues par catégorie (100km soit 14 tours du circuit) par celles mettant en compétition trois séries établies en fonction des résultats de l’épreuve des 3 km du Mans.
Si Pagnibon l’emporte encore avec sa Ferrari, la deuxième série est gagnée pas Estager (Porsche) devant Dannemuller et sa Panhard à plus de 110 de moyenne !

A l’issue de cette épreuve de classement, et à la surprise générale, l’équipage Gignoux, 5ème de sa série, s’empare du ruban jaune !

A Nancy, au départ de l’épreuve suivante de classement (1.500 m départ et arrivée lancés) et à la suite de la course de Reims qui a malmené les mécanique et surtout les embrayages, 66 concurrents seulement sont présents.
C’est Péron et son OSCA qui récupère le ruban jaune. Pas pour longtemps hélas ! Entre Nancy et Strasbourg, il est en butte à des ennuis électriques (distributeur) et se présente au contrôle avec 7 mn de retard. Il perd son ruban jaune que récupère de nouveau Marc Gignoux.

Puis c’est la traversée des Alpes dans la nuit du 15 au 16 septembre. Le plus dur est à venir avec les cols du Galibier, de l’Isoard et d’Allos. Cette dernière épreuve sera fatale à pas mal de concurrents et Péron, le plus sérieux adversaire des Gignoux, sera de nouveau en prise avec son système électrique qui le privera de phares ! Gênant pour une épreuve nocturne entre rochers et précipice ! Au lever du jour, il ne pourra combler un retard qui lui enlève toute chance de succès.

LE RUSH FINAL

Le couple Gignoux se présente alors au départ de l’ultime épreuve de classement : la course de côte de la Turbie.

En tête suffisamment d’avance devant ses concurrents, il doit assurer pour conserver le ruban jaune. Ce qu’il fit et avec une 22ème place. Cette épreuve sera néfaste à ne nombreux concurrents qui se lancent à corps perdu pour grignoter quelques points décisifs. Un Porsche heurte un mur, les 4cv se retournent comme celle d’Escoffier qui prendra ensuite feu et si les occupants s’en tirent sans trop de bobo, la voiture est complètement détruite.

Les 57 équipages épargnés devront ensuite regagner Nice (150 km) où est installé le contrôle final sur la promenade des Anglais.

Marc et Françoise Gignoux seront accueillis en vainqueurs.

Grâce à l’utilisation habile de leur DB Panhard de 610 cm3 dont le moteur à peine préparé développe seulement 36 cv à 6 .000 t/mn. Ils devancent la Ferrari de Pagnibon qui elle développe 210 cv (chercher l’erreur !). Jean Rédelé est 3ème avec sa 4cv et Stempert-Schwartz sur leur Dyna Panhard est 4ème.

Dans la catégorie strictement de grande série, c’est la Dyna Panhard de Fabre-Cazon qui l’emporte clôturant ainsi la brillante prestation de la mécanique Panhard.

La DB-Panhard de Barraquet-Embe

La Rafale X86 de Bousquet-Dubor

MORALITE :

Ce 2ème TDF aura été nettement plus sélectif que le précédent avec 48% d’abandons, favorisant les petites cylindrées. Ces dernières, grâce à une formule avantageuse mais aussi à leurs propres qualités d’efficacité et de fiabilité bien exploitées par les pilotes purent s’imposer « tranquillement » face aux véhicules sportifs de plus de 2 litres.
Si cette disposition devait persister, le TDF verrait la disparition des voitures puissantes, ce que ne voulait pas l’organisation : un nouveau règlement verra le jour pour équilibrer tout cela.

LE VAINQUEUR ET SA VOITURE: LE COUPE DB-GIGNOUX.

En effet cette voiture vainqueur de ce deuxième TDF a été pensée et dessinée par Marc Gignoux. Industriel Lyonnais, Marc est en grand sportif (ancien champion de ski) et grand amateur de rallye.
Je l’avais rencontré à la veille d’un Rétromobile en 1988 dans son appartement rue Violet dans le 15ème à Paris.
Le thème de ce Rétromobile était : Les Mille Miles dont il a été vainqueur cette même année 1952 (je vous raconterai).
Tout un après-midi il déroula devant mes yeux ébahis le film de sa longue carrière : photos, souvenirs, coupes, coupures de journaux, insignes, carnets de bord.
« Prenez ce qui vous intéresse » me disait-il aimablement. Des photos plein les bras, des histoires d’homme en tête, je venais de faire un merveilleux voyage dans la vie sportive de ce grand pilote. Il est mort au début de l’année 1992, terrassé par la maladie : j’avais ce jour là, serré la main d’un grand Monsieur.

En 1951, il souhaitait posséder un véhicule qu’il pourrait engager en Grand Tourisme. C’est une fois encore une base Panhard qui retient son choix. Il dessine la carrosserie qui sera réalisée chez DB.
Le châssis était une cage en tubes soudés qui formait une monocoque. L’ensemble sera donc réalisé à Champigny.
Le montage mécanique se fera à Lyon dans l’atelier de son ami Roland Touzot. 3 voitures seront ainsi réalisées et livrées à la fin premier trimestre 1952.

Elle avait la calandre d’une Dyna X

et se distinguait à l’arrière par une forme en queue de castor.


DB eut un moment l’intension d’en sortir une série, mais l’échec du coupé DB-Citroën et les moyens financiers, ne lui permirent pas de concrétiser.

Cette voiture sera surnommée le coupé « Panhard-Gignoux ».

Charly RAMPAL