Au lendemain de la libération, Panhard troqua son haut-de-forme pour la casquette et s’imposa tout d’un coup dans le domaine de la petite voiture populaire.

A vrai dire, la doyenne n’avait guère le choix.

A peine née, la Dyna X s’envola pour la notoriété, pétaradant de ses deux coursiers, telle une calèche aux courbes gracieuses et richement ornée.

En 1953, nouveau pavé : abandonnant le style Louis XV suranné pour une esthétique plus coléoptère, voire cloportesque, Panhard lance la Dyna Z, et part à l’assaut des grandes routières avec un moteur de… 850 cc !

Remarquablement efficace sur le plan de la performance que de l’habitabilité, la nouvelle Dyna annonce 130 km/h, 7 litres aux 100 et 6 places assises.

Prodige ? Non point : cette Panhard est le fruit de recherches aérodynamiques et techniques, menées respectivement par Louis Bionnier, le père de la Dynavia, et Louis Delagarde, créateur du « flat-twin » Panhard.

En dépit d’une apparence simpliste, notre moteur bicylindre recèle un nombre impressionnant d’innovations et de perfectionnement techniques destinées à améliorer le rendement, la longévité et le confort, réservant par là-même aux non-initiés, quelques bonnes surprises…

FLAT-TWIN OUI, MAIS 4 TEMPS

C’est en ces termes que Panhard parlait de son étonnant petit moteur à sa naissance en 610 cc , préférant sans doute mettre l’accent sur le cycle Beau de Rochas que sur le simple jumelage de deux pistons, techniquement plutôt motocyliste, et pour cause, car ce bijou de mécanique avait été créé par l’ingénieur Maison Louis Delagarde, un fan de ces cycles motorisés apparus dès les années quarante et dont j’ai l’honneur et le privilège de possèder une Motobécane de 1936 lui ayant appartenue.

Quoiqu’il en soi, il s’agit bien d’un bicylindre à plat, refroidi par air et entièrement réalisé en alu.

Le carter et le bloc sont coulés en une seule pièce.

Les cylindres chemisés en acier traités sont montés sur le bloc, sans joint.

Les cylindres sont borgnes, sans culasse détachable.

Les soupapes en V sont enfilées dans la chambre hémisphérique; la distribution est assurée par un arbre engrené et culbuteurs.

Les pipes d’échappement servent de support moteur et sont reliés à une traverse tubulaire du châssis par deux gros silents-blocs.

La boite-pont, les Panhard d’après-guerre sont des tractions avant, est montée avec un démultiplicateur.

Extérieurement, l’architecture de ce moteur semble plutôt traditionnelle et simple, surtout pour nos détracteurs qui le comparent à celui de la 2 CV Citroën, en forme de moquerie !

Mais, on ne leur en veut pas, les « pôvres », comme on dit chez moi à Marseille, notre moteur est un peu spécial !

EMBIELLAGE A ROULEAU

Louis Delagarde, père géniteur de ce moteur, était un homme pratique : il détestait les pannes, les bielles coulées et les joints de culasse claqués, fréquents à cette époque d’après guerre où les huiles n’avaient pas la qualité de celles d’aujourd’hui.

Son moteur devait être à l’abri de telles avaries.

Le joint de culasse fut purement et simplement supprimé : culasse et cylindres sont fondus d’une seule pièce.

Quant aux coussinets régulés, souvent à l’origine des casses de bielles, il les remplaça par des rouleaux de conception personnelle.

En effet, les roulements à rouleaux classiques souffrent d’une usure certaine, de par le frottement des rouleaux entre eux.

Afin de supprimer ce frottement, il dessina des roulements intercalant des gros rouleaux et des petits rouleaux de diamètre inférieur.

Ces petits rouleaux servent de rouleaux inverseurs et permettent aux gros rouleaux de rouler sans frotter entre eux; la différence de diamètre permet au maneton de vilebrequin et à la tête de bielle de tourner librement sans toucher les inverseurs.

Afin d’éviter tout jeu latéral, les bielles sont montées avec deux roulements.

Ce montage de l’embiellage était réalisé exclusivement par l’Usine et réputé inusable.

Aujourd’hui, à cause de cet état de fait, les embiellages neufs sont introuvables.

Par la suite, plusieurs entreprises ont tenté de « réparer » les vilebrequins usagés avec plus ou moins de bonheur, je dirai par expérience, plutôt moins !

De nos jours, avec des entreprises pointues de précision et la numérisation, il semble que l’on voit le bout du tunnel : mais la polémique fait toujours rage si j’en juge les joutes oratoires qui empoisonnent les forums où chacun croit détenir la vérité !

PIGNONS A CHEVRONS

L’arbre à cames est relié au vilebrequin par une pignonnerie en chevrons.

Ce montage offre deux avantages : d’une part le silence de fonctionnement, et d’autre part, la suppression de tout jeu latéral de l’arbre à came, permettant de monter libre, le vilebrequin étant fixé par les paliers.

En revanche, du point de vue pratique : il faut extraire les pignons ensemble.

D’origine en Celoron, il est conseillé de les remplacer par des pignons dural, plus solide et moins polluant. Certains les trouvent aussi plus bruyant : entre deux maux, il faut choisir le moindre !

Inconvénient majeur, ces pignons celoron se désagrègent, par usure, en fines particules qui obstruent toutes les canalisations d’huile et notamment les larmiers du vilebrequin.

Les larmiers sont des rainures pratiqués dans les masses du vilebrequin, rainures qui récupèrent l’huile sous l’action de la force centrifuge et alimentent les roulements.

Sans conteste, les larmiers doivent être impeccablement nettoyés pour un remontage correct, et il est même recommandé d’ouvrir le moteur tous les 80.000 km pour les nettoyer : la vie du vilebrequin en dépend.

SOUPAPES ET CULBUTEURS

Etant donné l’aspect borgne des cylindres, les soupapes doivent être montées sur le cylindre, avant d’introduire le tout sur le piston.

Le montage des soupapes nécessite un lève-soupape spécial, dont le maniement n’est pas des plus aisé, puisqu’il s’agit de compresser à l’aide d’un levier, la soupape et de l’autre main, le claveter du bout des doigts.

Le rappel des soupapes est assuré, non pas par des ressorts classiques, mais par une barre de torsion pour deux soupapes.

Ce système évite l’affolement des soupapes, et limite le nombre de pièces en mouvement préjudiciable au confort et au rendement.

Les culbuteurs pivotent sur une rotule, et sont de plus guidés par une série de petites cales qu’il convient de remonter minutieusement.

Ci-dessous l’ensemble des composants de la commande des soupapes :

LE RJH

Une autre particularité du moteur Panhard, est le rattrapage hydraulique du jeu des culbuteurs.

En théorie, le principe est simple et astucieux : il s’agit de maintenir constamment en pression le pivot sur lequel s’articule le culbuteur, en utilisant l’huile sous pression.

En pratique, le montage est assez minutieux, et comporte des risques de fuite : tous les, joints (1 cuivre et 2 toriques par cylindre) doivent être remplacés en neuf.

LE REFROIDISSEMENT

Le refroidissement par air, fut assuré au départ par deux petites hélices,

puis par une grosse centrale :

Mais le grand pas en avant a été l’amélioration en 1957 par le système Aérodyne de refroidissement par air forcé.

L’hélice a été remplacée par une turbine consommant moins d’énergie et débitant plus d’air.

Un carénage en alu a enveloppé la turbine et cylindres dans un même élan protecteur; en outre, une couche de laine de verra a été intercalée entre le carénage et les ailettes des cylindres.

Ainsi, le refroidissement des cylindres a été accru, tout en abaissant le niveau sonore du moteur.

La Dyna devenait silencieuse et son chauffage par cet air chaud canalisé au travers de l’habitacle pour le plus grand bien des passagers qui gelaient l’hiver et bouillaient l’été !

En compétition, notons que les Racers n’ont pas besoin de ces artifices de refroidissement, ouvrant leur large proue au vent de la course.

Par contre les MEP X2 avaient conservé la turbine qui aspirait ce qu’elle pouvait derrière le dos du pilote !

Aussi, beaucoup l’ont enlevé et copié les écopes que j’avais réalisées sur mes MEP n°69 et n°70, facilitant les interventions mécaniques inévitables sur les circuits.

Par conte le CD qui a une bouche très réduite, adopte un entonnoir venturi devant la turbine.

Cette turbine demandant 3 cv quand même, nous avions enlevé une ailette sur deux sur ma 24 CT V.H.C. : la compétition n’étant pas polluée par les embouteillages propres à la circulation dans les agglomérations.

L’EFFET CHALUMEAU

Une attention toute particulière doit être apportée au remontage des tubulures d’admission.

Celles-ci sont fixées au cylindre par une bride en fer maintenue par trois boulons.

Sous l’effet de la chaleur et des serrages excessifs des bucherons de la mécanique, il arrive que cette bride se déforme en s’arrondissant.

Avant de procéder au remontage, il faut vérifier la planimétrie des brides et les « rectifier », si besoin est, par un solide coup de masse sur la tête.

Si l’on ne prend pas garde de ce détail, on risque de laisser un espace qui, avec l’aspiration, prendra la forme d’un appel d’air et d’effet chalumeau sur le piston : en général, il perce avant la fin du rodage.

Il faut serrer les brides sans les écraser, ni les déformer.

La pression doit se répartir sur toute la surface de la collerette et non sous les têtes d’écrous.

DES OUTILS TRES SPECIAUX

Le démontage et le remontage du moteur Panhard suppose un outillage particulier :

– extracteur de palier arrière.

extracteur de pignons

Calage jeu latéral

Lève-soupapes

Clé, à bougie

Collier spécial segments

Clé de calage du dépresseur

L’allumeur et la pompe à essence sont montés sur un axe relié à l’arbre à came.

Cet axe comporte un dépresseur qui s’ouvre vers le reniflard pendant le temps d’échappement, afin d’évacuer la surpression et l’huile en suspension.

Ce dépresseur doit être calé sur le PMH avec un angle variable  selon le type de moteur.

Ce calage nécessite une clé très spéciale comportant un repère étalonné que l’on monte à la place de l’allumeur;  le moteur étant au PMH (repère sur le volant moteur), il faut tourner l’axe, jusqu’à ce que la partie pivotante de la clé coïncide avec le repère porté sur la platine support.

Ce calage est difficile et précis.

Un mauvais calage entraine des pertes d’huile au niveau des joints de paliers.

UN ENSEMBLE HOMOGENE

La réussite, tant commerciale que sportive de la Dyna, confirme les possibilités et les performances de cet étonnant Falt-Twin, qui plus que tout autre peut avancer un très bon rendement (75 cv au litre pour le dernier moteur de série et plus en compétition), une sobriété exemplaire et une résistance dans les tours à toute épreuve !

Mais le succès de la Dyna tient aussi à la conception de la caisse.

A l’origine, et à l’image de l’AFG dont elle est inspirée (voir mon précédent article) la Dyna fut conçue en aluminium (la caisse de la Dyna X pesait 280 kg), permit de mettre largement en valeur les possibilités de la mécanique, plaçant les Dyna ; au point de vue accélération, bien avant les 203, Aronde, Frégate et autre Vedette !

En compétition, Racer, MEP et barquettes, grâce à leur légèreté (le fameux rapport poids / puissance), donnent à ce bicylindre la possibilité de démontrer tout son incomparable potentiel encore aujourd’hui.

Charly  RAMPAL