Henri Julien et la course automobile est une longue histoire.

Né le 18 septembre 1927, on lui avait toujours raconté que dans son village de Gonfaron dans le Var, les ânes volaient !

Son père était charron (les mécanos de l’époque) et c’est logiquement qu’il se forme à la mécanique chez divers concessionnaires automobiles à Toulon et chez son père à Gonfaron.

C’est là qu’il apprend la rude réalité du monde du travail et lui forge ce caractère bien trempé qu’il gardera toute sa vie.

Le déclic pour le sport automobile est né à l’occasion d’un Grand Prix de Nice en 1946. Sur le chemin du retour, il n’a plus qu’une idée en tête : posséder une voiture de course et piloter.

Mais sans argent la démarche est impossible et au sortir de la guerre, il n’y a pas grand chose à se mettre sous la dent. Bricoleur de génie, il n’a plus qu’une solution : il faut la construire soi-même !

C’est ainsi que Julien construit sa toute première voiture sur la base d’un châssis et d’un moteur SIMCA, animé par le prometteur « Mouvement 500 ».

Dans ce petit village essentiellement tourné vers la production viticole, la cuvée du fils Julien détonne un peu. Mais bientôt elle fera la réputation de ce terroir !

Dès lors, il peut participer à des courses comme il s’en organise par exemple à Draguignan, par trop loin de chez lui en 1951.

Dès l’année suivante, il réalise un engin plus léger, équipé d’un moteur d’un moteur BMW en position centrale arrière.

Les années passent et il apprend toujours et met en pratique ses nouvelles connaissances.

Dans les années cinquante, la mécanique Panhard brille de tous ses feux. En 500, les Racer DB sont les seules voitures françaises à pouvoir donner la réplique aux indéboulonnables Cooper anglaises.

La marche du temps et du progrès, va faire évoluer la Formule 500 en Formule Junior.

Une nouvelle fois, l’Angleterre montre la voie. Julien construira donc en 1959 une nouvelle monoplace dédiée à ce challenge : ce sera la Julien-Panhard.
Il courra avec le GP de Monaco Junior : il terminera à la 17ème place à 4 tours du vainqueur.

En 1960, Henri Julien modifie sa Julien-Panhard et s’engage à nouveau en Formule Junior pour le 2ème GP de Monaco Junior.

Mais hélas, cette fois, il ne pourra pas se qualifier. Il faut dire que le niveau a passé la barre supérieure et la mécanique Panhard est à bout de souffle.
Le meneur de cette génération s’appelle Jim Clark et avec les Lotus 18, ils revoient toutes les monoplaces artisanales dans la galerie des ancêtres !
Pour l’histoire, cette course sera remportée par Henry Taylor sur une Cooper-BMC-T52 que l’on appelé aussi la « Baby-Cooper » et elle était engagée par Ken Tyrrel himself !

Henri Julien a compris et décide de passer au niveau supérieur qui est en 1968 la Formule France.

Il crée ainsi la marque AGS : Automobile Gonfaronnaise Sportive. C’est sous cette marque que Julien se fera une réputation mondiale.

A ce propos, il y a quelques fois confusion avec une autre marque AGS :

On aurait pu croire qu’elle est l’oeuvre de Julien : pas du tout !

Comme me l’a signalé Serge Mace qui l’a possédé pendant 20 ans, le nom AGS inscrit sur la voiture serait : Atelier Guérin Spécial.
Il l’avait acheté à Mr ALLONSO , un concessionnaire Volvo situé à Grenoble et c’est son père qui courrait avec, dans le passé .

Au début des années 90, Serge a participé au grand prix historique d’Avignon ou il y avait Henri Julien avec un certain nombre de racer DB et il lui a confirmé qu’il n’était pas du tout impliqué dans cette construction.

Il l’a revendu suite à un monsieur habitant dans les environs de Brest qui voulait soi-disant courir avec , mais celui-ci l’a revendue assez vite à un italien.

Puis ce sera la Formule Renault Europe, la Formule III équipée d’un moteur de 2 litres.
Enfin la Formule II entre 1978 et 1984.

Mais le point marquant de cette aventure restera sa première victoire en course au GP de Pau le 26 mai 1980.

En 1984, une autre grande victoire à Brands Hatch en Angleterre qui elle, sera marquée par l’absence de « Marseillaise » au moment de la remise des coupes sur le podium : les anglais étaient tellement sûr de gagner qu’ils avaient omis l’hymne français ! Sacrés anglais, décidemment, Napoléon est toujours présent dans leur esprit !

Puis ce sera l’AGS Formule 1, sans grand succès devant la débauche de moyens et la compétence de centaines de collaborateurs top niveau qu’exige cette discipline. Avec une petite équipe de huit personnes que vouliez-vous qu’il fit ? Même le grand Alain Prost n’avait pas pu tenir…

En dehors de ses compétences en tant que constructeur, Henri Julien est à l’origine du circuit du Var qui sera un outil précieux pour mettre au point ses voitures.
C’est sur ce circuit qu’aujourd’hui on peut faire un stage sur une Formule 1 AGS justement !

Vivant de souvenir avec la même passion qu’à ses débuts, Henri Julien a fondé le Club des Racer 500 qui regroupe les voitures de ce type de 1949 à 1959. Il participe ainsi à des rétrospectives organisées en France et tente de répertorier les 500 existants encore en France, comme cette magnifique Bernardet qu’il vient de se séparer.

Enfin, dernier défi : le record du monde de vitesse en 500 cm3 (sans compresseur). Il établira ainsi, avec Bernard Boyer, un nouveau record à 222,557 km/h, sur une voiture de leur construction (Boyer surtout) ! C’était sur le circuit de Morte-Fontaine le 3 septembre 1997 : j’y étais…

Aujourd’hui, il est plongé dans ses montagnes d’archives pour écrire des ouvrages relatifs à la compétition automobile qui resteront une référence.

Chapeau Monsieur Julien !

Charly RAMPAL