Il y a quelques jours, Gérard Trémouilhac nous quittait.

Cet homme de la Drôme était passionné de Panhard et de sport automobile : les deux points de départ de notre amitié qui dura jusqu’à son dernier souffle.

Il connaissait très bien l’équipe GRAC et Jean Faure en particulier.

Aussi, dès qu’il le put, il acheta une des rares JEFA à moteur Panhard qu’il restaura avec amour.

Il avait qu’un objectif : me la faire conduire.
Ce qui fut possible lors du rassemblement des Damiers à Monthléry mi-septembre 1996, consacré aux voitures sportives à mécanique Panhard.

Je vous livre donc cet essai en guise d’hommage à cet ami trop vite disparu…

Ce jour là, mon regard fut attiré par une très belle monoplace bleue et jaune aux côtés de deux DB (Racer et Monomill) et d’une AGS des années 50.

Pourtant sous l’apparence d’une Martini sortant des rangs de la Formule France, le bruit de sa mécanique ne laissait aucune équivoque : c’était bien un Panhard accouplé à une boite connu des possesseurs de 17 ou 24.

En l’absence des MEP X2 (pas invités !), cette monoplace faisait faire un sacré bon en avant au sport automobile promotionnel des années 60.

En m’approchant de plus près, je pouvais lire quatre lettres blanches posées petitement sur le capot : JEFA.

Pour les non initiés (et ils étaient nombreux lors de ce rassemblement), ce nom tient de la contraction du prénom de son constructeur : JEan Faure.

Héros en son temps du sport automobile en région PACA, cet enfant de Montélimar, réalisera plusieurs monoplaces principalement destinées à la course de côte.

Malgré l’éloignement et le manque de temps, son propriétaire et ami, Gérard Trémouilhac, avait tenu à profiter de cette occasion pour me la faire essayer.

UNE VRAIE F.F.

Sa ligne, je vous l’ai dit ne trompe pas : sa conception est inspiré de ce qui se faisait en Formule France.

S’installer à bord ne présente aucune difficulté grâce à la netteté de l’intérieur de la coque et à une largeur supérieure à la MEP X2.

Par contre le siège moulé au postérieur de Gérard et positionné à son gabarit, ne me convient pas : étant un peu plus grand et « rond que lui !

De ce fait, ma position est loin d’être idéale et le côté canapé de ma MEP disparaît au profit d’une chaise à porteur !

Mes jambes sont à demi pliées et les genoux viennent toucher le tube transversal du châssis sous le tableau de bord. Vraiment pas la position idéale pour piloter !

Mais qu’importe, je ne pouvais pas décliner ce moment de bonheur que m’offrait Gérard.

Le pédalier lui-même est original : frein et accélérateur tout à droite, alors que la pédale d’embrayage est excentrée sur l’extrême gauche , laissant un espace important au milieu pour un repose pied.

Une fois la configuration comprise, cette disposition ne présente aucun désavantage, bien au contraire.

Le volant, d’un tout petit diamètre comme il se doit, mais à jante épaisse et souple, se trouve parfaitement bien placé : la largeur aux coudes est tout à fait satisfaisante.

Le court levier de changement de vitesses ne me tombe pas excatement sous la main, mais légèrement en arrière.

Sous les yeux, outre le tableau de bord réduit à l’essentiel, le vision m’est familière, sauf peut-être les pneus beaucoup plus larges et d’un diamètre très inférieur à mes classiques 155 x 15.

La voiture parait plus large et les suspensions à l’extérieur augmentent l’impression de robustesse des attaches.

Je ne vous parlerai pas des ceintures pas adaptées qui me gênaient dans mes mouvements.

MOTEUR !

Contact, le démarreur est actionné comme sur la MEP par un bouton pressoir comme celui des 403 Peugeot.

Pas de dépaysement, mais l’Olympe est à venir !

Curieusement, aucune vibration n’est transmise à la coque ou même à la carrosserie, contrairement à la MEP.

Les commandes du pédalier et celles de la boite sont douces et précises : je retrouve enfin le plaisir d’une boite Panhard.

Avec douceur et sureté, la voiture se met en mouvement. La première et le deuxième très courte à l’origine, le sont encore plus ici par le jeu du diamètre des pneus.

Par contre 3 et 4 sont presque parfaites sur le circuit de Montlhéry.

D’emblée, je suis emballé par la direction d’une douceur et d’une précision parfaites avec un rapport très direct extrêmement bien choisi.

Les montées en régime sont franches et pleines, pas de trou en sortie de virage, pas de déjaugeage de la pompe à huile, contrairement à ma MEP pourtant équipée elle aussi d’une pompe à gros débit.

Je me limite dans les tours à 6.000, puis après 3 tours d’adaptation, je pousse à 6.500, tant ce moteur, préparé par Oswald Fantosi (un ancien grand nom du VHC) est plein de chevaux : pas de turbine, 2 double corps, une respiration étudiée, un arbre à cames type LM 54, un accord parfait des échappements par un Y très court et une sortie mégaphonique qui ne dérangeait pas encore les écologiques ! Enfin, un régal…

La suspension est parfaite : bien réglée, la voiture répond parfaitement et n’est franchement pas vicieuse.

Le freinage est du même acabit : confié à des disques et étrier de R8 sur des portes moyeux en mécano soudure, made in JEFA, la pédale est douce et les distances d’arrêt sont réduites à leur plus simple expression. Il faut dire que la largeur des pneus augmente la surface au sol : ça aide.

Rapidement on prend confiance et les fourmis arrivent dans les bras et dans les jambes, tant on se sent appelé à titiller les chronos. Les autres Panhard en piste (pourtant des protos faits pour la course) sont avalés sans coup férir, seules, les Lotus Seven resteront devant.

Mais il faut déjà rentrer au stand où Georges Philippe prendra le relais : il sera émerveillé, comme moi, par ce bout d’essai.

L’homogénéité de la voiture bien secondée par un moteur époustouflant, est d’une rare efficacité.

Quel dommage que ce type de voiture n’a pas été retenu pour la Formule bleue en 66, au profit des MEP : était-ce le pot de terre contre le pot de fer ?

N’empêche qu’on sent bien que cette monoplace a été construite par un pilote qui sait taquiner les chronos : tout a été pensé dans la même direction : celle de donner au pilote les meilleures chances de succès.

Merci encore à Gérard Trémouilhac pour cette merveilleuse tranche de plaisir.

Charly RAMPAL