JEAN BERTIN : L’HOMME AUX 800 BREVETS

Né le, 5 septembre 1917 à Druyes les Belles Fontaines dans l’Yonne, Jean Bertin est de ces hommes rares qui marquent de traces indélébiles son passage sur terre.

Du collège de Saulieu puis à celui d’Autun pour des études secondaires, il entre brillamment à l’Ecole Polytechnique. Il fait partie de la promotion 1938.

Ses qualités et son goût le poussent vers l’Ecole nationale Supérieure de l’Aéronautique dont il est en haut des tablettes de la promotion 1943.

Dès lors, sa voie est tracée : ses activités professionnelles seront celles de la haute technologie.

De 1943 à 1946, il travaille comme ingénieur militaire de l’air au groupe d’Etudes des Moteurs à Huile Lourde à Lyon puis à Paris.

Pendant 9 ans, de 1946 à 1955, il est ingénieur en chef des Etudes Spéciales puis Directeur Technique Adjoint de la SNECMA.

C’est là que ses dons de chercheur et de créateur vont véritablement éclater.

Avec son équipe , il réalise d’important travaux sur les moteurs spéciaux : diésels et moteurs deux temps à haute performance.

En 1952, une filiale « Le Moteur Moderne » est créé pour le développement de ces moteurs.

En parallèle, il étudie les écoulements instationnaires et la combustion. Celles-ci déboucheront sur la réalisation de pulso-réacteurs sans clapet tout à fait révolutionnaire pour l’époque.

Le 30 novembre 1950, le planeur « EMOUCHET » accomplissait pour la première fois au monde un décollage et un vol propulsé par un moteur ne comportant aucune pièce mobile !

Un dispositif original qui, par des moyens aérodynamiques, permettait de supprimer totalement les obstacles stabilisateurs dans les canaux de réchauffe ou de stato-réacteurs.

Puis, il entreprend l’étude des écoulements qui devaient déboucher sur la « fluidité » et un système d’inversion de poussée des réacteurs.

C’est la 4 février 1952 qu’un Vampire-Gablin, équipé d’un inverseur de poussée sans pièce mobile, effectuait ses premiers bonds à Melun-Villaroche. Le 24 avril, le même appareil, aux mains du pilote Gouel, accomplissait pour la première fois au monde une inversion de poussée en vol et à l’atterrissage.

Les brevets du système, acquis par la société américaine AERODJET, sont à la base des inverseurs de poussée qui équipent actuellement la plupart des avions de transport.

Tout en poursuivant ses recherches, Jean Bertin s’attache à une réflexion sur les méthodes d’innovation. Il remarque et s’étonne que les résultats acquis dans certaines branches des techniques avancées ne sont que peu ou pas utilisées dans les autres secteurs.

Persuadé que l’acquis technologique de l’aéronautique pourrait profiter à d’autres industriels, il crée sa propre société où des ingénieurs et techniciens hautement qualifiés vont prendre en charge cet objectif de transfert des techniques de pointe à l’application industrielle.

Sous l’impulsion dynamique de Jean Bertin, 600 collaborateurs vont constituer la société BERTIN et Cie avec de nombreuses filiales.

Cette société est à l’origine de nombreuses inventions et réalisations incontournables de nos jours. Citons en quelques unes :

• Convertisseur mécanique de couple à barres de torsion.
• Concept de trompes à haut rendement pour utilisation aéronautique et industrielle.
• Déviation aéronautique du jet des fusées par injection de petites quantités de fluide auxiliaire, sans utiliser de pièces mécaniques.
• Des silencieux de vol et de point fixe pour avions à réaction.
• Concept d’avion à décollage court ou vertical utilisant les trompes associées ou non à l’aile.
• Suppression du brouillard sur les pistes de décollage et d’atterrissage des aérodromes, procédé appelé « turboclair », en fonctionnement à Orly et Charles de Gaulle.
• Réalisation des véhicules à effet de sol : « Terraplane » pour les emplois terrestres et « Naviplane » pour les emplois maritimes.
• Réalisation de l’Aérotrain, véhicule guidé sur coussin d’air pour le transport à haute vitesse (200 à 400 km/h), pour lequel il aura lutté pendant près de 15 ans pour l’existence d’une ligne en France…
• Voiture électrique : véhicule urbain à vitesse limité (80 km/h) et d’une autonomie de 120 km non stop.
• Concept d’avion de transport lourd, destiné au fret aérien de gros tonnage (1000 à 1400 tonnes) à vitesse modérée.

Toutes ces avancées et le centre névralgique qu’était Le Moteur Moderne, dont faisait partie Charles Deutsch, ne pouvaient pas échapper à la conception du CD-Panhard.

Sa réalisation aérodynamique avec l’utilisation des résultats des études sur l’effet de sol et surtout le développement du bicylindre de 702 cc par cette société, font que Jean Bertin est étroitement associé à cette victoire aux 24h du Mans 1962.

C’est à la veille de Noël 1975, le 21 décembre exactement, que Jean Bertin décèdera à Neuilly sur Seine.

Une immense épopée de la haute technologie venait de s’achever.

A travers cet article, j’ai voulu rendre hommage aux hommes de l’ombre qui sont à la base de la réalisation des véhicules de notre passion.

Un grand merci à la Société des Amis de Jean Bertin et particulièrement à M. Galopin rencontré à Rétromobile, qui m’ont aidé, grâce à de nombreux documents, à la réalisation de cet article.

Charly RAMPAL