Il avait 19 ans lorsqu’en 1958, Jean-Paul Cardinal entre au Bureau d’Etudes Citroën.
A cette époque, Citroën choisissait volontiers des collaborateurs pour son bureau d’études parmi les élèves des collèges et Lycées technique et ceux parmi les premiers, les plus « calés » : Jean-Paul en faisait parti !

Il avait eu pourtant le choix, car Renault recherchait, lui aussi, dans les mêmes établissements du personnel pour ses services Etudes.

Mais la récente sortie de la révolutionnaire DS, avait fait flasher le jeune Jean-Paul qui n’hésita pas un instant sur le chemin à prendre.

Il rentre donc à la section « Moteurs » pour un stage puis, toujours stagiaire, il va au quai de Javel pour remplacer un chef d’équipe absent.

Il va faire également un autre stage comme régleur sur machine pour la fabrication des 2 CV.
Mais son objectif est d’aller dans le bureau d’Etudes. Obstiné, il y rentre l’année suivante en 1959.

Il travaille alors sur un banc spécial destiné à contrôler les fuites du circuit hydraulique de la DS.
Cet appareil mesurait les fuites, circuit par circuit, en déterminant les chutes de pression. C’est ainsi qu’il découvre l’utilisation d’un fluide spécial contenant un produit luminescent sous lumière noire.

Dans l’obscurité, des projecteurs balayaient le dessous de la voiture et la moindre fuite se repérait immédiatement car elle devenait lumineuse sous la lumière noire émise par des projecteurs.

Il travaille ensuite sur le régulateur centrifuge qui a remplacé avantageusement la pompe basse pression.

Ses recherches se poursuivent avec la DS s’inclinant automatiquement vers l’intérieur des virages basé sur l’anti-gîtes imaginé par M. Magès. Elle fut surnommée « la danseuse » à cause de son comportement.

De quoi s’agissait-il ?
Chaque essieu avant était équipé d’un correcteur hydraulique qui commandait, en virage, l’inclinaison de la voiture (vers l’intérieur de ce virage).
Chacun de ces correcteurs était alimenté en liquide « haute pression » dont le débit était contrôlé par un régulateur, lui-même commandé par un pendule fixé à l’avant de la voiture, là où se trouvait la roue de secours.

Ce pendule se déplaçait plus ou moins en fonction du rayon du virage.
Son mouvement était surveillé par une rangée de lampes témoins fixées sur le tableau de bord.
La barre antiroulis arrière était hydraulique. Ce dispositif à commande mécanique/hydraulique agissait avec trop de retard. Il fut remplacé par une commande électrique.

Jean-Paul se régalait. Son métier était passionnant. Il sortait tous les jours pour essayer des tas de dispositifs nouveaux.

En plus et sans électronique, il fallait être ingénieux pour analyser ses nouveaux disposifs à l’aide d’astuces mécaniques.

Un exemple ? Toujours sur « la danseuse » :

Pour juger facilement de l’action du dispositif anti-gîtes, il avait fait percer le dessus des ailes avant de la DS qui en été équipées.

Des tiges métalliques raccordées aux bras de suspension dépassées de ces trous.
En virage, leurs dépassements comparés lui donnaient en direct une idée précise de l’inclinaison de la voiture par rapport au sol.

Son chef, M. Baudin, avait confiance en Jean-Paul et le laissait libre de ses actions, ce qui était très agréable et extrêmement enrichissant.

C’est ainsi qu’il participe à de nombreux essais de voitures diversement équipées de transmission hydrostatiques et son bruit très désagréable produit lors de accélérations.

Puis, Jean Paul Cardinal sera ensuite instructeur au centre de formation Citroën de 1964 à 1969.
Il y apprécie la compétence, le sens mécanique et la sociabilité des techniciens Panhard.

Panhard justement sera toujours pour lui une véritable passion. Une passion qui lui est venue alors qu’il côtoyait un jeune ingénieur du bureau d’étude qui possédait un coach DB bleu à bandes blanches qui hantait ses nuits et ses jours.
Plus tard en 1965, il réussit à se payer un DB Le Mans dont il va garder un excellent souvenir.

Il fera aussi quelques ballades à fond la caisse sur les dernières Panhard CD que lui faisait partager ami vendeur chargé de liquider les dernières voitures de la marque.
Ce fut un de ses regrets de ne pas avoir eu les moyens d’en obtenir un.

Au cours de mes 25 années passées aux commandes du DCPL, Jean-Paul sera un des éléments majeurs et précieux de notre relation avec Citroën pour les divers prêts de voitures et autres collaborations.

LES ANNEES MEP

En 1969, on lui demande de s’occuper de la Formule Bleue. Ces petites monoplaces à moteur Panhard et boite Ami 6 , destinées à promouvoir une pépinière de pilotes, sorte de « centre de formation », comme on en trouve dans les milieux sportifs footballistiques.

C’est à ce titre qu’il sera chargé cette même année d’accompagner la toute jeune Formule de promotion.

Il sera dès lors, très proche des pilotes, les conseillant, les assistant, les « réglementant », les formant, comme le témoigne les photos qui suivent :

Il sera ainsi le trait d’union entre les pilotes et les responsables industriels de Citroên et Total.
On le voit ici par exemple en discussion avec M. Sarre de Citroën, DG de Citroën en 69.

Il va en établir les règles à travers une notice de 8 pages et 14 articles, co-signés par A. Brouzes pour l’Automobile Club d’Albi, J. Wolgensinger pour Citroën et G. Saint-Genieis pour Total.

C’est là qu’il découvre le fort potentiel du moteur Panhard qui équipe les MEP X2 débarrassé des lourdes carrosseries des berlines de la marque.
Il est aussi à l’origine de cette ambiance amicale de franche camaraderie mais également de la popularité de la Formule auprès des jeunes spectateurs, assaillie à chaque participation.

Et tout se terminera par un petit casse-croute sur le terrain, comme ici avec M. Brouzes de l’AC-Albi.

Il se lie d’amitié avec Roger et Christine, en s’occupant personnellement de sa voiture :

Lors du passage de la MEP X2 en X27, c’est lui encore qui présentera la nouvelle née des ateliers Pezous n’hésitant pas à en prendre le volant :

Son action pour l’opération MEP a été remarqué par Claude-Alain Sarre, Président de Citroën à cette époque, ce qui lui a permis d’entrer à la Direction des relations publiques Citroën.. comme en témoigne la lettre personnelle qu’il reçoit :

En 1970, à l’occasion d’une visite du service compétition Citroën, René Cotton son Directeur lui dit : « Tenez Cardinal, je vous fais un cadeau.. » et il donne à Jean-Paul une entretoise en acier pour accoupler une boite de vitesse de 2 CV à un moteur Panhard et il ajoute : « Quand vous serez à la retraite, ça vous occupera. »

UNE 2 CV PANHARD

En 1996, en mettant de l’ordre dans son atelier, Jean-Paul retrouve l’entretoise et lance le projet d’adaptation d’un moteur Panhard de 24 CT sur une 2 CV spécial.

Le projet n’est pas nouveau, quelques uns déjà se sont lancé dans cette aventure et se sont fait peur !
Fort de ce constat, Jean-Paul choisit l’ensemble roulant de l’Ami Super : ressorts, amortisseurs, barre antiroulis avant et arrière, freinage adapté aux performances du moteur M10S.

Jean-Paul ne voulait pas que la transformation soit visible de l’extérieur.
Une fois le moteur accouplé à la boite de vitesses de l’Ami Super, il fallait reculer au maximum l’ensemble pour que le capot puisse fermer.
Il a même ré-usiné le carter d’embrayage pour gagner 10 mm.

Le groupe mécanique est relié à la plate-forme par 3 silentblocs. Le coiffage de la caisse de la 2 CV sur la plate-forme n’a pas posé de problème.

Les premiers essais seront très décevants : le moteur ne monte pas en régime et la vitesse ne dépasse pas 100 km/h !

Il appelle alors notre ami Serge Chaumuzeau qui lui dit que ça vient de l’échappement, celui-ci étant celui de l’Ami Super, il étouffait les gaz en sortie.

Jean-Paul fabrique alors plusieurs types d’échappement pour arriver à deux échappements de 2 CV et là, miracle le moteur prend alors 6.500 tours en 4ème (23,9 km/h pour 1.000 tours) : il dépasse les 140. Seul le SCx et le Cx de la 2 CV peu favorable limiteront la vitesse.

Il terminera sa carrière chez Citroën comme Directeur des relations avec la Presse.

Ce sera la première fois qu’un ancien membre du Bureau d’Etudes dirigera un tel service.
Jean-Paul nourri à la technique novatrice de Citroên sera du pain béni pour les journalistes intéressés par le bouillonnement d’idées du Quai de Javel à cette époque.

Un homme aussi averti que Jean-Paul Cardinal représente toujours un avantage important pour la qualité de l’information reçue.

JP CARDINAL DIGEST…

Charly RAMPAL (Informations Bureau Etudes Citroën et documentation de Jean-Paul Cardinal)

POUR AGRANDIR LES PHOTOS : CLIQUEZ DESSUS !