C’est à l’occasion des 40 ans de la 24 que Jean Panhard nous avait envoyé cette lettre qui brosse rapidement toute la genèse de la 24.

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UNE ETUDE SOUS CONTRAINTE

En ce début des années soixante, la PL17, modèle unique de la marque Panhard, s’essouffle.

Déjà actionnaire majoritaire chez Panhard depuis 1958, Citroën, par la signature de son Président M. Bercot, valide le plan d’action des ateliers Panhard le 4 décembre 1959.

Il se résume principalement par le ferrage, la peinture et le montage des camionnettes AZU, 2cv et l’usinage/montage du moteur ainsi que la peinture et le montage des PL 17.

Ce plan sur 5 ans, montre que la PL 17 ne sera pas remplacée. Citroën veut ainsi cantonner Panhard dans un rôle de sous-traitant de ses futurs produits.

Cependant, la ténacité de Jean Panhard et sa croyance au potentiel et à l’esprit de créativité de Sa Maison, relancent un projet qui ne fera pas d’ombre à la production du Quai de Javel : le Projet V527.

En effet, dès 1955, Louis Bionier avait couché sur sa planche à dessin, un coach aux formes arrondies qui était resté sans lendemain.

Panhard va rebondir sur le feu vert accordé par Bercot sur une voiture à 2 portes que le bureau d’étude de Citroën ne pouvait matériellement pas réaliser.

A partir d’un cahier des charges établi sous la direction de Jean Panhard lui-même, le projet V527 démarre véritablement au début de 1960 dans la discrétion la plus totale.

Ce sera un chef d’œuvre qui va se concrétiser par une réussite esthétique totale : la Panhard 24.

Une poignée de techniciens passionnés, Jouan, Bionier, Ducassou-Péhau, Ohensem, Hérouart et quelques autres entament le chemin de cette réussite.

Je ne reviendrai pas sur la succession des dessins dont les premiers sont datés du printemps 1960 que j’ai mis en ligne dans un article précédant.

Mais sur ce cahier des charges qui définit le pourquoi et le comment de tous les autres composants.

Cependant, puisque nous venons d’évoquer la réussite futuriste et esthétique du design de la carrosserie, penchons-nous sur l’étude des formes dictées par des lois aérodynamiques précises.

MARIAGE ENTRE AERODYNAMIQUE ET ESTHETIQUE

Le dessin d’une carrosserie est une question difficile qui ne peut être menée à bien que par la connaissance et un contrôle méthodique des actions de l’air, mais tout ne doit leur être sacrifié.

Un aérodynamisme bien compris ne peut-être que fonctionnel, en partant d’un certain nombre de données précises qui, elles, sont impératives.

Pour l’étude de cette voiture, les données de base se classent ainsi :

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Bien entendu, les performances, l’habitabilité et l’économie (consommation notamment) ont été précisées par des chiffres.

Ces données concernaient à la fois la Mécanique et la Carrosserie, domaines bien distincts mais cependant intimement liés.

Pour le carrossier, il lui fallait tout d’abord en fonction des seuls impératifs de confort, schématiser l’habitacle selon la rigoureuse logique de sa méthode ainsi résumée :

• A 0,20 m au-dessus du sol, on trace une ligne horizontale : aucun point de la voiture ne dépassera cette cote de garde qui définit le plancher sur lequel on installe deux banquettes en respectant une hauteur de siège de 0,35 m permettant de s’asseoir confortablement, même si l’on est grand ; les deux banquettes sont écartées de façon que les occupants de l’arrière puissent allonger leurs jambes – La partie avant du plancher est relevée pour l’appui des pieds.

• Une plate-forme rigoureusement plane étant ainsi délimitée, on place au plus près, devant et derrière, les roues en tenant compte de leur braquage et de leur battement.

On obtient ainsi un empattement de 2,30 m. La voie, définie par deux voyageurs assis côte à côte est de 1,30 m.

• Puis on enveloppe au plus juste ces quatre roues dans un volume à flancs droits, dont les bords latéraux et les pointes sont largement arrondis, sans aucun angle rentrant.

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• Revenons aux sièges. En y installant les 4 passagers prévus, en aérant convenablement leurs têtes et leurs épaules, en traçant les champs de visibilité nécessaires, on définit la forme de l’habitacle.

• Le programme de base du carrossier étant ainsi clairement défini, ce dernier a pu alors demander à l’aérodynamique d’intervenir le plus efficacement possible dans l’étude des formes définitives pour atteindre la vitesse prévue.

LA DYNAVIA : L’INSPIRATRICE DE TOUJOURS

Cette voiture, construite entre 1944 et 1948, a aidé à l’apprentissage dans le domaine de l’aérodynamique. Il n’est pas surprenant d’en trouver les inspirations sur cette nouvelle voiture.

Les recherches particulièrement poussées dont elle a été l’objet à l’époque a permis de bien définir ce que doit être un aérodynamisme vraiment fonctionnel dans différents types de voitures rapides, selon l’usage auquel on les destine.

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L’étude du comportement des filets d’air permet d’apprendre, par exemple, ce qu’il est normal de leur sacrifier pour atteindre certaines vitesses et ce qu’il est impératif de leur refuser pour assurer le confort de 4 personnes… étant formellement entendu par ailleurs que les considérations de sécurité priment tout.

Les recherches ont encore été approfondies grâce à la création, aux usines Panhard, d’une soufflerie d’un modèle spécial, ultra sensible, qui permet d’essayer, commodément et avec une extrême précision, quantité de maquettes et de pièces de forme les plus diverses.

C’est ainsi, par exemple, que la seule tôlerie inférieure a donné lieu à l’étude en soufflerie de nombreux modèles.

ROLE DE L’AERODYNAMIQUE POUR LA SECURITE DE LA VOITURE

L’étude de la tenue de route d’une voiture, élément essentiel de la sécurité, met en évidence deux ordres de facteurs : les uns agissent sur les forces aérodynamiques perturbatrices en les réduisant par les formes appropriées les autres exercent leur action sur les forces mécaniques.

Il est évident que le comportement d’une voiture est très différent de celui d’un avion plongé dans le fluide, avec des forces aérodynamiques parfaitement équilibrées sur les deux flancs.

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La voiture, par contre, peut recevoir un vent latéral ou être soufflée par une autre voiture ce qui, combiné avec la vitesse de déplacement donne un courant d’air très incliné sur la trajectoire.

Ce courant est générateur de forces dissymétriques très gênantes et que seule l’adhérence des pneus peut partiellement équilibrer.

Pour que la voiture soit rendue moins sensible au vent de travers, le centre de gravité et le centre de pression de l’air devraient être confondus, ce qui est difficile à obtenir.

Par contre, trois solutions peuvent être envisagées :

1. Avancer le centre de gravité (intérêt et de la traction avant).
2. Reculer le centre de pression en diminuant l’action latérale de l’air sur l’avant.
3. Réduire la force aérodynamique elle-même en n’offrant à l’attaque de l’air que des formes continues peu résistantes, tant à l’avant qu’à l’arrière.
Le choix s’est porté sur cette dernière solution qui présente un triple intérêt :
1. Pour la sécurité, par la tenue de route.
2. Pour les performances, par une meilleure pénétration dans l’air.
3. Pour l’économie, par une meilleure utilisation du carburant.

Comme il s’agit précisément de trois des plus importantes données de base imposées au carrossier, on conçoit le soin avec lequel il a étudié l’aérodynamique des formes.

On mesure également les difficultés qu’il y a à vaincre étant donné qu’à 180 km/h la résistance de l’air absorbe les 2/3 de la puissance totale et qu’au surplus une consommation limite était strictement fixée.

Une autre difficulté résidait dans le fait qu’en aérodynamique automobile, on ne peut pratiquement jamais localiser l’étude à un point précis de la surface sans que tous les autres soient mis en cause.

Le sol, faisant obstacle aux filets d’air en mouvement, l’interdépendance de l’avant et de l’arrière, notamment, s’en trouve accrue.

La question se complique encore du fait que contrairement à ce qui se passe pour un avion, lequel demande à être sustenté, l’automobile doit être dans une juste mesure, appliquée au sol.
Une diminution trop grande du poids adhérent réduit la transmission de la puissance, la tenue de route et la possibilité de freinage. Par contre une augmentation exagérée de ce poids adhérent exige plus de puissance, d’où consommation plus élevée.

Après ces considérations purement « idéologique », la pratique doit conforter ces raisonnements.

Tout débute par des dessins dont je vous renvoie à mon article « Panhard 24 : dessins, présentation, essais », puis par des maquettes.

Avant même la maquette en bois, le dessinateur travaille au tableau noir sur la ligne générale de son futur véhicule.

Puis, il fait réaliser cette « maquette d’ossature » en fils de laiton.

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En la faisant rouler sur une table, il peut déjà en vérifier l’architecture en mouvement ; il peut détecter les points où le matériel travaille et même se faire une idée de l’emplacement du futur moteur.

Première étape : la plastiline à modeler. Dès que le bureau d’étude a reçu les premières ébauches des dessinateurs, il les confie à un sculpteur qui modèle la première maquette sur un marbre quadrillé au centimètre.

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Cette maquette, en date du 18-11-1960, va permettre de vérifier le profil et d’envisager toutes les solutions possibles concernant l’avant, l’arrière (on dit en langage métier la proue et la poupe et aussi bâbord et tribord, comme dans la marine) le pavillon, la hauteur.

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Cela grâce à la malléabilité du matériau.

Puis on prend le gabarit de ces différentes versions pour aboutir à la fabrication de maquettes plus résistantes.

Elles seront en bois précieux.

Deuxième étape : le plâtre et le bois.

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Au premier plan, les maquettes de bois en coupes verticale et horizontale s’imbriquant les unes dans les autres, permettent l’étude complète de la future voiture.

Au fond, l’une de ces maquettes est placée sous des centaines de lamelles métalliques. C’est ce qu’on appelle le « conformateur ». Il servira à la réalisation de l’outillage (de presses) qui fera les emboutis.

Au tableau noir, les mouvements de l’air autour de l’étude théorique.

Rien n’a été laissé au hasard et malgré le peu de temps qu’il a fallu pour aller de l’idée à la présentation chez Truffaut, le résultat est tout à fait remarquable et exceptionnel si on tient compte des moyens de l’époque absents de toute informatique !

A travers des articles successifs que je mettrai en ligne, vous découvrirez que chaque point de détail est le résultat d’une réflexion raisonnable dans le but avoué de donner beaucoup de plaisir à l’utilisateur sur tous les plans : esthétique intemporelle, aérodynamisme, tenue de route, confort, visibilité, sécurité active et passive, brio mécanique, plaisir de conduite, espace de vie, volume du coffre, efficacité des interventions mécaniques,… la liste serait trop longue. Désormais, vous ne verrez plus une PANHARD 24 de la même façon, mais à travers les hommes merveilleux et passionnés qui l’ont enfanté.

DESSIN 24 DE LA PAGE 10

Charly Rampal (Photos Archives Panhard)

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