Cet article fait suite aux deux précédents :

« D.B. : La vitrine » : Panhard Racing Team: DB : LA VITRINE (panhard-racing-team.fr)

« D.B. châssis 1283 : la vitrine défigurée » :   http://panhard-racing-team.fr/?page_id=11258

Cet article raconte sa restauration afin de remettre ce bijou dans sa véritable configuration d’origine.

RAPPEL DES FAITS :

La première sortie de cette voiture a lieu aux 24 Heures du Mans 1959.

Elle fait partie de l’équipe usine et se présente alors en barquette aluminium 744 cm3, avec le n° de châssis 1092.

Elle abandonne à la 9ème heure sur bris d’embrayage.

A la fin l’année, elle est cédée à Jean-François Jaeger et, avec le numéro de châssis 1283, elle reçoit une nouvelle carrosserie.

En effet, le règlement des 24 Heures du Mans impose alors une hauteur minimum de 80 cm entre le siège et le sommet du pare-brise.

Un toit susceptible de s’adapter aux barquettes DB cet donc réalisé, avec une forme assez particulière : le pare-brise est composé de deux grands panneaux plats en V, ce qui lui vaut son surnom de « Vitrine ».

Un deuxième kit sera fabriqué, mais jamais utilisé.

La voiture reçoit aussi un moteur 848 cm3 et dans cette configuration, elle prend part aux 24 Heures du Mans 1960 avec Robert Bouharde et Jean-François Jaeger.

Cette fois, elle rallie l’arrivée et termine à la 19e place, en étant 3ème à l’indice énergétique.

Elle complètera le beau résultat d’ensemble des DB puisque sur 5 engagées, 4 termineront

Elle participera également au Tour de Belgique avec le n° 55 aux mains de Jaeger.

L’année suivante, après avoir été vendue à Edgar Rollin, elle prend part à nouveau à la course mancelle avec Bartholoni comme coéquipier et arrive 21ème.

Parallèlement, à partir de 1960, elle prend part à plusieurs autres épreuves de moindre importance.

  • Coupes de Bruxelles le 16 avril 1961 : Rollin termine 3ème
  • 6 Heures d’Auvergne le 9 juillet 1961 sous le n°98 : Rollin / Michy terminent 30ème.
  • 1000 km de Pris le 22 octobre 1961 avec le n° 47 Rollin abandonne.

En 1964, elle participe aux courses de côtes de Chamrousse, du col Bayard, des Trophées du Cognac avec Moussier.

On retrouve cette voiture en 1965, modifiée à nouveau : elle a cédé son grand pare-brise contre un élément de René-Bonnet Djet, plus enveloppant, et son capot . plus bas.

Elle participe à la Ronde Cévenole 1967

et 1968 et au Critérium des Cévennes en 1967 et 1968.

Elle continue à courir jusqu’à 1970 dont la course de côte de Millau.

En 1984, Jacques Grelley, collectionneur de DB bien connu et basé aux Etats-Unis, achète cette voiture à M. Solignac, dentiste à Annecy.

La voici dans tous ses états :

Lors de la transaction, la voiture possède le titre de circulation du coach HBR 896 dont elle dispose encore aujourd’hui avec la plaque constructeur correspondante.

Désireux de lui rendre sa forme d’origine, il la confie en 1990 à un chaudronnier sur aluminium, collaborateur Matra, basé à côté du circuit Paul Ricard.

Mais laissons à Roland Roy, la clé de voute de cette restauration, nous raconter cette belle renaissance :

« En 1990, suite à sa rencontre avec Robert Grisi en 1986, Jacques Grelley amène la voiture à côté du circuit Paul Ricard, au lotissement « Bois Soleil » où je dois aider un de mes collègues « matracien», Jackie Bruno, chaudronnier sur aluminium, à lui redonner sa forme originelle.

Entre Noël 90 et le jour de l’an 91, Jackie et moi nous rendons au Musée du Mans, dans les réserves, pour prendre l’empreinte en Polyester de l’avant de la barquette 1093 afin de s’en servir de calibre pour reformer à l’identique le museau de la « Vitrine ».

J’avais tout d’abord dû signer un engagement vis à vis de Mr GUYOMARD, directeur du musée de l’ACO – m’imposant de payer une éventuelle peinture intégrale de la banquette au cas où le démoulage arracherait celle-ci.

Bien évidement, j’avais procédé à quelques expériences sur le Jet VI qui dormait alors dans mon sous-sol.

La solution retenue était l’application sur les parties à mouler, d’un voile d’un démoulant pelliculant (alcool isopropylique je crois), isolant qui peut ensuite tout simplement s’éliminer à l’eau avec une éponge.

Dès notre arrivée après environ 950Km, nous faisons connaissance avec le maitre des lieux et appliquons immédiatement le produit miracle avant d’aller à l’hôtel des Hunaudières où nous avions retenu nos chambres car il se faisait tard.

Le lendemain matin, nous nous attendions à attaquer de suite l’application du premier tissus, sans gel-coat vu l’utilisation prévue de la chose…

Hélas, un spectacle impressionnant nous attendait : L’atelier était dans le brouillard !!!

Autant dire que le fameux pelliculant qui n’aime pas l’eau s’était dilué et avait coulé au sol !

Pas questions d’avoir fait tant de Km pour rien.

Plan B improvisé : achat de deux sèche-cheveux et nouvelle application du démoulant…rapidement séché avec nos nouveaux outils !

De ce fait, après un casse-croute vite avalé, nous attaquons le premier tissu de verre avec la résine et… un séchage accéléré à l’air chaud pulsé !

Mais ce n’est pas terrible et malgré le peu de temps dont nous disposons nous ne pouvons pas appliquer toutes les couches nécessaires.

Enfin, grâce au galbe des ailes et aux formes complexes de l’entrée d’air, la rigidité sera suffisante. Quant au capot, presque plat…évitons d’en parler !

Début 1991, l’Ami Bruno démonte méticuleusement tout ce qui n’est plus d’origine de la barquette, y compris l’arrière du toit car il a été raccourci pour adapter le nouveau pare-brise.

Nous découvrons alors un travail de modification d’une grande qualité, que ce soit le toit, et là, pas de surprise vu les spécialistes de D.B., mais également ce qu’il a fallu faire pour adapter un cadre pour les vitres enfin solidaires des portières et pour l’adaptation du pare-brise de Djet René Bonnet.

Toutes les tôles ajoutées le sont par des petits rivets à tête fraisée qui, malgré la minceur de la tôle d’aluminium, ne font absolument pas saillie. Un travail d’orfèvre

Est-ce que cela a été réalisé suite à un retour à Champigny ??? That is the question ! Les petits et gros bouts de carrosserie démontés s’accumulent chez moi rapportés dans et…sur ma Rancho, et un beau jour, c’est le châssis poutre que je dois récupérer avec objectif de l’emmener à la Roque sur Cèze chez un ami conseillé par Robert Grisi pour qu’il s’occupe de la mécanique, dénude le châssis et le traite avant de le repeindre en époxy.

A cette époque, si ma voiture était équipée d’une boule de remorquage, je ne disposais pas de plateau.

Les tarifs de location étant quelque peu dissuasifs, c’est à une connaissance de Gonfaron que je vais emprunter celui qui lui sert à déplacer ses monoplaces derrière sa 404… Henri Julien qui me le laisse d’autant plus volontiers que je venais de lui dessiner les carrosseries d’une AGS formule 3 puis d’une formule 2.

Le plateau est sérieusement surdimensionné…mais le plus délicat du voyage est le pont moyenâgeux qui enjambe la Cèze à l’entrée de la Roque …

Michèle part devant pour me guider tellement la largeur est limitée ! Ouf, ça passe.

Pendant tout ce temps, hélas les choses évoluent et fin 1991, la fermeture de l’usine MATRA de Signes, mitoyenne au circuit Ricard nous est annoncée…

Début 1992, avec 35 autres, nos deux familles doivent se résoudre à quitter le Var pour suivre le travail à Salbris car nous étions, depuis 1976, reconvertis à l’armement aéronautique.

Jackie se trouvant maintenant en plein lotissement, un gros coup de frein arrête l’opération au désespoir de Jacques Grelley car il ne peut plus se permettre de former les tôles en les martelant eu milieu des maisons voisines dont les occupants sont habitués au calme solognot !

Après avoir été récupérer le châssis à la Roque avec l’aide de Jean-Paul Humbert…dans de mauvaises conditions car après plusieurs années, nous découvrons que s’il est nu, il n’a pas été retouché du tout !

Nous nous accordons une descente dans le Var pour rencontrer Antoine Raffaëlli et François Chevalier et charger dans la Rancho une grosse maquette de soufflerie de Matra 630 au 3/10 (c’est différent de 1/3 !), dimension adaptée à la soufflerie Bréguet de Villacoublay à côté de laquelle le service compétition était alors installé.

De retour à la Roque, nous pouvons récupérer… en peinture à peine sèche, le fameux châssis et le ramener à Romorantin où J.P Humbert stocke déjà quelques pièces mécaniques de la Vitrine.

Il faut ensuite attendre 2000 pour que les travaux de carrosserie reprennent, mais dans l’Yonne, à l’Est d’Auxerre : Ligny Le Chatel, par un carrossier que m’a conseillé Michel Bellarbre : Claude Desaindes. Avec ce dernier, l’une des premières opérations a consisté à me rendre dans l’atelier du musée du Mans retrouver la 1093 (…Non, pas une Dauphine : la barquette !) afin d’y relever tout un quadrillage de cotes pour s’assurer des formes malgré les moules réalisés 10 ans plutôt.

A partir de là, enfin, les choses vont s’accélérer et les photos que j’ai prises à Ligny en donnent une idée.

Rétromobile 2002, la voiture brute d’aluminium, est présentée sur le stand de l’Amicale D.B après que je sois allé la chercher…puis la remporter une fois le salon terminé.

Fin 2002, après que j’aie dû payer moi-même les derniers travaux réalisés en carrosserie pour la sortir de chez Desainde, la voiture arrive à Romorantin dans le tout nouvel atelier EPAF.

Là, sous la direction de Jean-Paul Humbert, les finitions de la carrosserie sont peaufinées, puis c’est l’ajustage du double pare-brise et de ses cadres, réalisation des formes des vitres latérales etc…

La finition totale de la voiture se fera avec les coups de mains de Dominique PINAUD ou simples conseils de votre serviteur.

A Rétromobile, 2005, la « Vitrine » terminée trône à nouveau sur le stand de notre Amicale.

Jacques Grelley règle le reste des frais engagés par tous les intervenants et confie la responsabilité de la belle à Dominique Pinaud.

Elle sera alors stockée-exposée au Musée MATRA de ROMORANTIN, représentant avec la D.B barquette monoplace 801 de JP.Humbert le début de l’arbre généalogique de Matra, voisinant avec un Djet René Bonnet de 1962. Dominique parfois seul mais aussi avec Jacques font plusieurs fois prendre l’air à la voiture (qui en manque à l’intérieur quand le soleil tape sur ses immenses surfaces vitrées !) en participant à diverses manifestations dont Caen, St Cloud, une expo à Orléans et Paris-Deauville 2008 où elle remporte le prix de la plus belle restauration.

2014 voit la dernière apparition hors Romorantin de la Vitrine appartement à Jacques GRELLEY à l’occasion du salon « Le Mans Auto Moto Rétro » où, en compagnie de 2 autres D.B qui ont participé avec elle aux 24H du Mans 1961, elle est la reine du stand de l’Amicale D.B. .

Elle était programmée pour participer aux deux manifestations d’octobre 2014 à Montlhéry et au salon Automédon…mais entre temps, elle a changé de mains lors de la vente aux enchères du Mans-Classic à un prix indigne d’elle et du travail qu’a représenté sa restauration.

Mais enfin, elle réapparait à l’occasion de Rétromobile 2015 sur le stand WISCAR…

Ouf, elle est au moins restée en France !

Dommage que nous n’ayons pas su qui l’avait car elle a beaucoup manqué au Bourget à l’occasion d’Automédon !

Jacques Grelley l’avait mis en vente pour assurer ses frais d’hospitalisation puis de la maison de retraite qu’il avait prévu une fois à peu près rétabli…

Mais il est décédé fin aout et, là aussi, nous ne l’avons su que bien plus tard.

Son nouveau propriétaire a eu l’occasion, sur le salon, d’être contacté par l’un des derniers propriétaires de la voiture.

Voilà qui donne l’espoir de pouvoir terminer le tableau de son palmarès et peut être même de découvrir à quelle épreuve correspond ce n°62 qu’on devine sur les portières quand elle est arrivée à Bois Soleil ?

En guise de conclusion et pour terminer par quelques mises au points par rapport à ce qu’on a pu lire au sujet de cette voiture, entre livre et revues… voici ce qu’il faut oublier : – Gérard Laureau n’a jamais piloté cette voiture en course, jamais elle n’a participé au Tour de France Automobile pas plus qu’elle n’a couru en Allemagne au Nürburgring.

Sa carrosserie, origine comme modifiée a toujours été en aluminium et jamais en polyester et elle est réalisée sur un châssis à poutre unique centrale comme les Coachs !

Enfin, Dominique Pinaud me rappelle qu’il a toujours en sa possession la plaque de châssis 1283… »

Charly RAMPAL  d’après le texte et photos de Roland Roy dans le bulletin de l’Amicale DB. Merci à tous les collaborateurs qui ont participé à cette résurrection sans oublier une pensée émue à Jacques Grelley