UNE DOLOMITES RESTYLISEE
Je vous avais raconté dans un précédent article, l’histoire de la Dolomites de Jean-Pierre Pin baptisée « Pipat ».
Après un accident de circulation, son frère Michel PIN a décidé d’en profiter pour étudier un nouveau style de proue pour la Dolomites.
Car Michel PIN est avant tout un styliste de talent.
En effet, né à Sète le 22 juillet 1942, Michel Pin s’est très tôt intéressé à la conception de formes de carrosseries, et après ses études artistiques et d’ingénierie en mécanique, a décidé de se lancer dans le métier de styliste, cela en indépendant, son caractère entier et peu docile lui interdisant d’envisager d’entrer dans le bureau de style d’un constructeur.
Ainsi, il a accumulé au cours de toutes ces années une foule de rechercher, études, maquettes, maitre-modèles et prototypes, pour une part dans le cadre de son bureau d’étude confidentiel et éphémère ECA, (Esthétique de la Carrosserie Automobile), pour le reste lors de rares missions comme professionnel, mais la plupart du temps pour son plaisir personnel, au cours des loisirs que lui réservait son autre métier en ingénierie, ce pourquoi il a décidé de se présenter comme « styliste amateur »
On peut recenser dans son œuvre environ 35000 croquis d’études, 150 dessins de formats divers, dont quatre en grandeur réelle, une quarantaine de maquettes d’échelles 1/16 a 1/5, une vingtaine de maitres-modèles ayant donné une douzaine de prototypes et dans le domaine de la voiture ancienne une quinzaine de sculptures ainsi que divers dessins, décors, tableaux et photographies.
Là encore, pour éviter tout baratin, je laisse Michel vous raconter cette aventure.
Commençons tout d’abord par vous montrer le talent de Michel en tant que dessinateur. Je me souviens que l’Amicale D.B. lui avait fait dessiner sur un grand poster, toute les voitures de Champigny.
Ici, c’est la Dolomites de son frère qui l’avait inspiré.
« Cette affiche que j’ai dessinée pour servir de décoration à une exposition du DCPL, mesure à peu près 5m sur 1,50 m.
J’y ai représenté la « Pipat » devançant sa « mère » X87, dans sa couleur d’origine que nous avons découverte lors de sa première restauration : un bleu un peu terne et un blanc cassé.
Dans ces temps révolus, la publicité, ce cancer de notre environnement visuel, était interdite sur les voitures de course, la compétition étant considérée essentiellement comme un sport et non, comme c’est le cas aujourd’hui, un vulgaire support publicitaire.
De plus, la tradition voulait que les couleurs des voitures indiquent la nationalité de leurs concurrents.
Ainsi, les voitures Françaises étaient bleues, les Italiennes rouges, les Allemandes blanches ou gris métallisé (ce qui permettait de gagner le poids de la peinture en présentant les carrosseries en aluminium poli), les Anglaises vertes, les Belges jaunes, les Ecossaises noires (avec « Ecurie Ecosse » écrit en français, pour taquiner les Anglais), les Américaines blanches à bandes bleues, les Japonaises blanches avec un rond rouge…
Un autre souvenir me revient : ‘est, avec le bruit, l’odeur d’huile de ricin brulée utilisée pour la lubrification des moteurs qui s’émanait des lieux où se disputaient les courses, premières sensations émouvantes à leur approche.
On en mettait un peu dans les réservoirs de nos cyclos, ce qui encrassait les bougies mais diffusait la précieuse odeur !
L’ACCIDENT
1964, St Hilaire d’Ozilhan (30).
Nous posons sur le capot du joli coupe Pichon et Parat « Dolomites » de mon frère Jean-Pierre, accidenté dans une banale collision en ville.
A vrai dire, nos sourires sont tout de même un peu crispés… Mais cela nous amènera à réaliser notre tout premier essai de carrosserie.
N’ayant pas les moyens de faire réparer par un carrossier, nous décidons d’équiper la voiture d’un autre avant, que nous fabriquerons nous-mêmes ayant depuis longtemps envie de réaliser une carrosserie en stratifiés de verre et polyester selon nos propres idées.
Une série de croquis s’ensuit, qui peu à peu définissent la forme de ce « nouveau nez » et aboutissent à cette définition :
Dans mon esprit, il modernise la voiture, dont l’avant quoique personnel, date un peu alors que la coque et l’arrière ont des formes plus actuelles.
On voit que ce capot ne porte pas de trappe de visite.
D’une seule pièce, il est prévu amovible, articulé sur le devant du châssis et s’ouvrant ar basculement vers l’avant, comme une Type E.
Voilà ce à quoi je veux aboutir en définitive :
Je trace des épures à l’échelle 1/5 pour définir précisément le projet .
Les cotes qui en ressortent me guideront pour le modelage du maître-modèle en staff.
Le moule et la pièce seront faits par Jean Pierre en composite verre et polyester, ce pourquoi il effectue un stage chez un sympathique fabricant de bateaux (Neptune).
Après la vue de coté qui m’a permis de définir la forme et les encombrements, voici de devant où se présente en particulier la pris d’air du moteur, inspiré des Ferrari GTO, Abarth et Alfa Roméo dont nous suivons avec ferveur et grande attention les exploits en rallyes et courses de côtes.
Enfin, la vue de dessus qui définit le volume, lequel se veut aérodynamique.. et surtout plaisant à nos yeux :
Je trace aussi une série de croquis représentant chacun l’une des premières opérations prévues .
Je n’en ai trouvé que celui-ci, qui montre la pièce après son démoulage et sa préparation avant peinture.
Nous découpons très soigneusement l’avant à hauteur de la partie saine, la coque étant en une seule pièce, et nous le déposons à l’abri, bien calé pour le cas où il pourrait être restauré et remis en place.
Des travaux à effectuer sur le moteur nous interdisent de maquetter le nouvel avant sur la voiture comme je l’avais prévu afin de m’assurer que la liaison soit correcte, ce qui me compliquera sérieusement le travail.
Jean Pierre me demande de changer la forme de l’entrée d’air que j’avais prévue, qu’il préfère, ressemblant à celle des René Bonnet Djet.
Suite à un incident de support, comme on le voit, le modèle sera fini au sol.
Avant de stratifier le moule, il reste encore à bien lisser le plâtre, le peindre en noir brillant (peinture glycérophtalique) et le cirer soigneusement (cire Johnson en pate) pour permettre son démoulage.
Les parties basses seront découpées sur la pièce lors de son ajustement à la voiture, afin que tout corresponde au mieux avec les roues et la fixation antérieure.
Quelques modifications seront nécessaires : un bossage au dessus de l’allumeur, des supports pour les phares additionnels, et les pattes de fixations.
Et voici le résultat.
On aperçoit la bosse ajoutée sur le capot et les supports d’antibrouillard.
Nous avons effectué un essai très prudent, le capot seulement retenu par des tendeurs et à notre grand soulagement, il n’a montré aucune velléité à se soulever.
Charly RAMPAL (A partir du texte et photos de Michel PIN)