…ET DB CREA LE MONOMILL !
Première formule de promotion automobile au monde

C’était un hiver que la mémoire parisienne a retenu comme l’un des plus froids. A Champigny-sur-Marne, commune de la banlieue Est « La Monomill est née ».

Ainsi titrait la dernière page du journal « L’Equipe » datée du 18 janvier 1954.
Deux semaines plus tard, le 2 février, la première monoplace du nom, quittait l’atelier pour les rues verglacées des bords de Marne. A son volant, René Bonnet, concepteur du programme ambitieux, s’assure que l’engin est fin prêt. L’idée d’une formule de promotion, certainement la plus originale et équitable, nous la devons à cet homme de 49 ans qui à l’heure où nos grands constructeurs n’y avaient pas pris attention, non seulement symbolisait avec réussite l’honneur et le prestige du bleu de France en compétition, mais encore plus, dynamisait la voie d’un avenir auquel notre présent a donné raison.
Il faudra attendre l’après midi du 28 octobre 1953, pour que l’idée de la formule Monomill jaillisse. Ce jour-là, au Palais des Sports d’hiver de Paris (le célèbre Vel’d’Hiv’) des petits bolides venus des U.S.A. et que l’on nomme « Midget », viennent y faire une démonstration. Ces machines de 40 chevaux et dont la vitesse de pointe ne dépasse pas de beaucoup les 100 Km/h produisent cependant un poignant spectacle . La formule du règlement est simple. D’un poids minimum de 170 Kg, toutes les « Midget » sont animées par un même moteur de moto « Indian » de 1200cc. Invité à prendre le volant et s’essayer à tourner sur la piste aux virages relevés, René Bonnet comprend l’intérêt de la formule monotype qu’il va reprendre pour son compte, et l’améliorer, jusqu'à proposer la solution la plus radicale et la plus apte à désigner les champions de demain.
Avec l’appui de sportifs lyonnais et parisiens, passionnés par le sport automobile et avec l’accord de la Fédération Française du Sport Automobile, René Bonnet et Charles Deutsch ont créé de toutes pièces une nouvelle monoplace d’une cylindrée au-dessous de 1.000 cm3, susceptible de réaliser une vitesse de 170 km/h. Cette monoplace de compétition, fabriquée à 30 exemplaire, bénéficiant de l’expérience acquise en course par DB, ne manque pas de qualités et les essais effectués ont démontré qu’elle était digne de la marque qui détient de nombreux records internationaux de vitesses . Les nouvelles monoplaces - baptisées « Monomill » - sont appelées à être mises à la disposition des licenciés déjà consacrés et qui disputeront ainsi dans différentes villes de France, des épreuves avec des chances égales où les qualités du pilote joueront un rôle primordial.

La première formule de promotion automobile au monde, de l’ère moderne, était pensée. Comme toujours il ne manquait que les moyens financiers. Depuis 1952, Marc Gignoux, un petit industriel Lyonnais de la chimie, faisait partie des clients pilotes. Grâce à son aide, D.B. avait pu initier l’amorce de production en chaîne d’un véhicule sportif destiné à une large clientèle et mettre en chantier une série de tanks de course très modernes en vue de la saison 1953. Tout naturellement il fut sollicité pour que la formule Monomill puisse voir le jour. A la réalité, Gignoux authentique sportif, avait déjà beaucoup donné (et dépensé) pour sa passion, et son entreprise (Gifrer) lui échappait entre les mains d’un groupe plus puissant. Il eut le grand mérite de ne pas s’effacer devant le nouveau projet que lui présentait René Bonnet.
C’est à lui que l’on doit le lien de confiance du principal actionnaire financier de l’opération : le groupe Lyonnais Socodec. Cette entreprise qui s’était spécialisée dans la formule (nouvelle pour l’époque) du crédit pour l’achat de motos et scooters, devait permettre le financement pour réaliser 20 monoplaces et l’acquisition des moyens logistiques nécessaires pour leur transport et leur entretient sur les circuits. L’idée forte était là ! La Société Française des Véhicules de Course (présidée par René Bonnet, regroupant Deutsch, Gignoux et la Socodec) restait la propriétaire de toutes les machines dont elle allait mettre le potentiel, à égale disposition de plateau, entre les débutants de clubs régionaux et une équipe de pilotes chevronnés.
Telle une caravane de cirque, les Monomill vont aller de circuits en circuits (et jusqu'à Dakar) proposer un spectacle original et unique. Les voitures Monomill (monotype moins de mille centimètres cube) dérivaient naturellement de la Racer 500.

Le moteur Flat-twin Panhard n’avait plus besoin de réduction de cylindrée.

Ses 850 cc préparés libéraient 55 chevaux à 5500 tours par minute et entraînaient les 310 kg de la monoplace traction avant (L 3,07m, l 1,22m, h 85cm) à près de 175 km/h. Le financement de l’opération reposait en priorité sur la récupération des primes de départ, sur l’aide apportée par le pétrolier Shell, le manufacturier Dunlop et à moindre proportion, la location des monoplaces aux clubs et pilotes engagés. Le 9 février, tandis que le froid sévissait à rendre toujours impossible l’usage de la piste de Monthléry, le baptême public de la Monomill se limita à la chaleur des élégants salons parisiens du traiteur « Laurent ». La vague de froid sera telle qu’il faudra attendre le 7 mars pour amorcer la première des trois séances de mise au point sur circuit.

En collaboration avec la F.F.S.A. un règlement a été élaboré pour que soit organisé dès les premières épreuves, un championnat national annuel.
De nombreuses associations sportives organisatrices seront intéressées pour disputer des épreuves, soit en lever de rideau, soit sur la base de deux manches et une finale.
C’est dans le cadre des coupes de Paris, le 25 avril, sur le circuit de Monthléry que la première course eut lieu.

Le rituel de la formule vaut d’être mentionné. Des débutants sont confrontés à des pilotes vedettes tels Pierre Levegh, Alfonso de Portago, Harry Schell, Marc Gignoux, etc... Juste avant chaque épreuve, des jetons disposés sur un damier géant, portant le numéro caché des voitures qui seront attribuées, sont tirés au sort par les pilotes. Deux courses éliminatoires et une finale permettent ainsi à une trentaine de prétendants de se confronter. Ce seront Georges Burgraff et Jean-Claude Vidilles qui remporteront les éliminatoires. La victoire finale reviendra, à Joseph Schlesser.

Le public ne s’y trompera pas. Habitué à voir se confronter des voitures disparates et aux performances forcément éloignées, c’est une formidable liesse populaire qui accompagnera le spectacle bourdonnant donné par le groupe compact des agiles monoplace bleues qui se doublent et se redoublent sans cesse.
Puis, tout au long de la saison 54 de nombreuses manifestations eurent lieu dans tout le pays. Notamment à Albi où le régional Savary l’emporta alors que Mières s’octroyait la course des Champions. Puis Mougin à Aix les Bains, Storez aux Comminges, Armagnac à Caen et à Narbonne et enfin Bayol aux Coupes de Paris à Monthléry.

La saison 1955 débutait bien. La première épreuve de l’année se déroulera finalement le 13 mars, au Sénégal, sur le circuit de Dakar. Paul Armagnac, vainqueur de la seconde manche éliminatoire s’incline second derrière Claude Storez.
Mais la catastrophe du Mans vient mettre un coup d’arrêt à ces monoplaces.
Par ailleurs, quelques Monomill sont vendues au Club des Mille, l’école de pilotage qui vient d’ouvrir ses portes sur le circuit de Monthléry
C’est en 1959, avec l’arrivée de la Formule Junior limité à 1.100 cm3, que les Monomill vont avoir une seconde chance. Confronté à des « tout à l’arrière » plus puissant. DB mis en chantier sa Formule Junior directement dérivé du Monomill en conformité avec le règlement en particulier au niveau de l’empattement et de l’arceau de sécurité.
DB avait conservé le moteur Panhard d’origine en l’améliorant considérablement par rapport aux modèles de 54. En 1958, avait été essayé un prototype à culasse en V commandés per tiges et linguets intermédiaires à mi-hauteur dont je vous avait parlé dans la rubrique « Technique » . Mais ce dispositif n’a pas été retenu pour cause d’une mise au point insuffisante.
Cependant un gros travail sur l’allumage avait été fait : double allumage au moyen d’un allumeur à double linguet réalisé par DB, deux bobines et deux bougies par cylindre. Qui entraient en action avec un temps de décalage. L’objectif étant de diminuer l’avance à l’allumage pour obtenir une meilleure combustion.
Un peu plus comprimé à 8 à 1, ce moteur développait 60 cv à 6.500 t/mn.
Le châssis est fait de longerons quadrangulaires allégés et entretoisés par une plate-forme, et se termine à l’arrière par un triangle supportant les réservoirs de carburant disposés latéralement.
La suspension avant est su classique Panhard avec ses lames de ressort transversales avec assistance d’amortisseurs hydrauliques.
Quant à la suspension arrière, deux manchons à longue portée disposés de chaque côté du triangle postérieur et attrapant chacun une seule barre de torsion montée en direct recevaient deux éléments tubulaires constituant un triangle supportant le moyeu. Un amortisseur hydraulique avait pour mission de freiner dans son débattement cet ensemble oscillant verticalement.

La carrosserie était en tôle d’aluminium et comme pour le Racer, le nez s’enlevait rapidement et découvrait complètement le groupe moto-propulseur. Le style est élégant et bien profilé et sa couleur bleue de France annonçait sa nationalité.

Son poids était inférieur aux 360 kg réglementaires. Son rapport poids/puissance et sa tenue de route étaient excellents compensant son handicap commun à toutes les tractions avant, qui résidait dans le manque d’adhérence à l’accélération et en particulier au départ des courses et en sortie de virages serrés. Mais en courbe et en ligne droite, la stabilité était remarquable.

Le premier pilote des DB de formule Junior a été le jeune Alain Dagan, un excellent pilote de moto qui, hélas devait être emporté par une grave maladie à l’orée d’une carrière prometteuse.
Puis, suivirent les Armagnac, Aumont, Bouharde, Boyer, Laumaille, Mougin pour les plus connus…

Mais, les Monomills auront leur revanche en VHC (Véhicule Historique de Compétition) avec le fameux plateau MEP/Monomill que je vous ai conté dans la rubrique « Voitures ».
« Les gros chiens aboient, les petits Monomill passent », pouvait-on lire en devise peinte à la demande de René Bonnet sur le camion qui naguère les transportait. Il ne s’était pas trompé.

Charly RAMPAL