Nous sommes à la fin du mois d’avril 1954. A Champigny, la ruche DB est en effervescence pour la préparation des prochaines 24 Heures du Mans dont je vous ai fait un très large article dans la rubrique « COMPETITION-CIRCUIT ».

Mais revenons quelques semaines avant pour connaître l’ambiance chez DB et jeter un coup d’œil sur ces barquettes totalement nouvelles où deux philosophies s’opposent : les unes à moteur Panhard et les autres à moteur Renault.

En ce temps là, les Monomills évoluaient avec succès. Mais ils avaient été mis en sommeil récemment à Monthléry pour se focaliser sur la réalisation des voitures du Mans.

Si aux ateliers DB, à Champigny, on a renoncé, pour un temps limité, à travailler sur les Monomills, la prochaine compétition à laquelle elles participeront n’aura lieu que le 30 Mai à Albi, et qu’il convient de mener activement la préparation des voitures pour les 24 Heures du Mans, sans cependant ralentir la construction des véhicules destinés à la clientèle.

LES VOITURES PREVUES

Les voitures DB au Mans, seront au nombre de cinq dont 3 à mécanique Renault dérivée du moteur 1063. Les deux autres étant équipées de la mécanique Panhard, bien connu des hommes de René Bonnet.

Sur les barquettes Renault et comme sur les 4cv, le moteur sera placé à l’arrière, mais, il a été avancé pour accroitre la stabilité du véhicule, aussi a-t-il fallu fixer la boite de vitesses à l’arrière du moteur et modifier les commandes en conséquence.

Alimenté par un carburateur Solex double corps, type compétition, ce moteur de 750cc, doit développer, selon les prévisions, 46cv à 5.500 t/mn. La suspension est d’origine Renault, complétée par des amortisseurs hydrauliques Messier.

Le châssis est formé de deux poutres ajourées reliées par un « plancher travaillant ». Les poutres se relèvent à l’arrière pour supporter les éléments de la suspension Renault et le bloc moteur.
Voici quelques détails :
1 les attaches des ressorts
2 les paliers d’ancrage de la barre transversale de suspension
3 les équerres de support du moteur, lequel se trouve devant l’axe arrière.
4 les supports des éléments supérieurs de la suspension avant.

Le tank DB à moteur Renault est également nouveau et à poste de pilotage central. La ligne est différente de celle des DB-Panhard.

On note l’absence d’ouverture à l’avant où se trouvent seulement :
1 les phares encastrés carénés et les antibrouillards
2 L’entrée d’air du radiateur se fait par une cavité ménagée dans les flancs. Dans la dérive centrale, à l’arrière, se trouve le radiateur d’eau.
3 Sous le capot avant se loge la roue de secours.

Les deux DB à moteur Panhard seront différents quant au moteur : l’une aura le moteur de 610cc, avec un compresseur à bonne pression, l’autre aura le moteur de 750cc, sans suralimentation.

Comme les Renault, c’est le carburateur Solex qui a été adopté. DB compte tirer 50 / 52 cv à 5.700 t/mn de la première et 46cv à 5.500 t/mn de la seconde.

Un modèle 610cc suralimenté avait été prévu, représenté ci-dessous avec un renflement sur le capot.
On voit :
1 les phares encastrés carénés et les antibrouillards de chaque côté de l’entrée d’air (2).
3 Des ouïes latérales sont l’aboutissement de tunnels d’évacuation d’air.

Le second modèle, sans compresseur, présentera les mêmes dispositions.


Le châssis de la DB-Panhard est nouveau. Il est formé de deux poutres ajourées réunies par « un plancher travaillant ».

Une poutre transversale supporte la suspension arrière.
Celle-ci est constituée d’éléments dérivés de ceux des Monomill.
1 les barres de torsion sont encloses dans des tubes obliques
2 sur les bras triangulés recevant les roues sont montés des amortisseurs télescopiques
3 Le réglage des barres de torsion se fait en bout du tube.

La voie avant est de 1,22 m
La voie arrière est de 1,15 m
L’empattement est de 2,175 m


La suspension sera assurée à l’avant par deux ressorts transversaux superposés selon le système Panhard, avec barres triangulation et amortisseurs télescopiques à double effet.

Chaque voiture sera dotée de deux réservoirs d’essence de grande capacité (60 litres) permettant sur le circuit du Mans, une marche de plus de quatre heures sans ravitailler.

Les réservoirs seront placés sur le plancher, de chaque côté, contre les longerons du châssis, aussi bien sur les DB à moteur Renault que sur celles à moteur Panhard.

Les carrosseries, très légères, sont en duralinox. A vide, les voitures devraient peser, selon les calculs qui ont été établis, entre 400 et 450 kg.

On remarquera que, sur toutes les DB, la direction est au centre, au milieu du châssis, mais comme le règlement exige une place pour un passager, celle-ci est à gauche du conducteur – étant entendu qu’elle ne sera jamais occupée, il s’agit uniquement de satisfaire aux exigences du cadre sportif international et à celles des 24 Heures du Mans.

René Bonnet estime que la 610cc suralimentée, devrait atteindre 185 km/h, et que la vitesse des autres DB serait de l’ordre de 170 / 175 km/h.

Telles sont les caractéristiques essentielles de ces voitures à la préparation desquelles, Charles Deutsch et René Bonnet apportent leurs plus grands soins.

LE PROBLEME DES PILOTES AVANT LE MANS

Si, sur le plan technique tout parait résolu, il restait à trouver une solution au problème des pilotes.

René Bonnet devait conduire la 610cc avec compresseur, finalement, il partira avec le 745cc non suralimenté.
En ce mois d’avril 54, il n’avait pas encore choisi son coéquipier.
Trois autres pilotes sont déjà désignés : Pierre Heldé, Marc Gignoux et Marc Azéma. Il restait à en trouver quatre autres ce qui n’allait pas sans soulever des difficultés.

« Dans une course de 24 heures comme celle du Mans, devait nous confier René Bonnet, il faut des conducteurs sûrs, disciplinés, obéissants, respectant le tableau de marche dressé auparavant, ne dépassant pas le régime moteur prescrit.
On trouve bien des pilotes remplis de bonne volonté, donnant des gages prometteurs, mais trop souvent, dès qu’ils sont en course, en pleine action, ils ne parviennent pas à dominer leur tempérament, oublient les consignes qu’ils ont reçues et que pourtant ils ont promis de suivre à la lettre.
Aussi, il en résulte parfois des catastrophes mécaniques.
Des pilotes réunissant toutes les qualités requises ne sont pas si nombreux ; le choix s’avère donc délicat et difficile, et cela d’autant plus qu’il est limité ».

C’était, à ce moment là, le seul problème important restant à résoudre pour ces 24 Heures du Mans 1954.

On verra que par la suite, que Bayol, Cornet, Lucas, De Burnay, Aunaud, Lecuyer, Vidilles et Storez viendront compléter avantageusement cette belle écurie.

Charly RAMPAL