LA FORMULE JUNIOR EN 1959
Je vous avais présenté dans un article précédent la Formule Junior à travers son existence et ses forces en présence.
Cette formule était sensée prolonger les Racers 500, nés au tout début de 1950 et qui commençaient à s’essouffler ayant rempli son rôle de renouveau du sport automobile et déceler des talents en révélant de très bons pilotes dont les meilleurs étaient ensuite parvenus à la Formule 1 : le contrat était rempli.
Venue d’Italie, la Formule « Junior » visait les mêmes objectifs.
RAPPELS DU REGLEMENT TECHNIQUE
Moteur – boite – freins : doivent être dérivés de la série avec interdiction de modifier la course d’origine des moteurs, seul de réalésage ou le chemisage est permis.
Cylindrée et poids :
- 1100 cc, poids minimum = 400 kg
- 1000 cc, poids minimum = 360 kg.
Encombrement :
- Empattement minimum = 200 cm
- Voie minimum = 110 cm
- Largeur maximum carrosserie = 95 cm (extérieur)
Carrosserie : Monoplace et ouverte avec arceau de sécurité à hauteur du pilote.
Carburant : du commerce (Super)
Interdictions :
- les moteurs à un ou plusieurs arbres à cames en tête.
- Les différentiels autobloquants
- La modification du nombre des paliers du vilebrequin.
- La modification de l’emplacement de l’arbre à cames.
1959 : LES VRAIS DEBUTS
En France, c’est en 1959, que cette formule avait atteint son apogée.
Cette année là, il ne se passait pas un dimanche depuis le début de la saison sans qu’une course Junior soit organisée en France, en Italie ou en Espagne.
Même si les Britanniques et les Allemands sont encore sur la réserve, on sent que ce mouvement va prendre de l’ampleur.
De nouvelles voitures commencent à voir le jour. Les deux grands pays producteurs sont, en cette année 59, l’Italie (80%), la France (15%). L’Allemagne et l’Angleterre se partagent les 5% restant.
Vingt marques sont à ce jour recensées : 13 sont italiennes, 4 françaises, une allemande et 2 britanniques.
Les italiens ont en majorité exploité les possibilités du 1100 Fiat monté soit à l’avant, soit à l’arrière du châssis.
On commence aussi à trouver des panachages, comme Volpini qui monte un moteur DKW 1000 cc ou Conrero qui travaille sur un moteur 203 Peugeot ramené à 1100 cc.
En France, si D.B.continue à utiliser les mécaniques Panhard de 850cc, Pierre Ferry, BMD et Rispal adoptent un moteur de Dauphine réalésé, soit à 904, soit à 1000 cc.
Pour l’Allemagne, Mathé utilise un Volkswagen et en Angleterre, c’est un Austin A 35.
Le prix de vente de ces Juniors se situe entre 1.500.000 et 2.000.000 de francs.
LE MONOMILL- D.B.
Deutsch et Bonnet peuvent être considérés comme les précurseurs de la formule Junior.
Depuis de nombreuses années, ils ont, en effet, lancé avec leur Monomill, l’idée de la compétition à la portée d’un plus grand nombre.
Leur idée a évolué et c’est ainsi qu’est née cette nouvelle formule de compétition.
Mais dans l’aventure, le moteur Panhard est difficile à porter à 1000 cc et il se trouve fort désavantagé et c’est seulement sur des circuits très courts que les D.B.-Panhard et Monomill peuvent lutter avec leur rivales italiennes.
Partant du Monomill classique certains moteurs ont été sensiblement gonflés tandis que les carrosseries étaient elles aussi modifiées.
Sur la photo ci-dessous, on voit le Monomill de Mulsant précédant un Monomill classique :
Tandis que le cliché suivant nous montre la partie arrière :
son moteur Panhard 850 développe 50 cv, sa boite Panhard à 4 vitesses, sa suspension avant par deux ressorts à lames transversales et amortisseurs télescopiques.
On attendait beaucoup de la première course à Monthléry où les Stanguellini italiennes devaient s’étalonner aux Monomill.
Hélas ! Celles-ci firent défaut et il ne restait plus qu’une Stanguellini, deux D.B.-Panhard spéciales et des voitures françaises faisant leur galop d’essai parmi lesquelles on attendait beaucoup de la Junior Ferry.
Malheureusement, au dernier moment le pilote de cette Renault Ferry, Jean Vinatier, se vit interdire le départ pour d’obscures raisons et c’est un italien qui se mit au volant de la nouvelle voiture et, sans doute par manque d’habitude, ne put terminer.
Après qu’un incident ait éliminé au premier tour 5 pilotes de valeur, la victoire revint à la D.B.-Panhard spéciale de Dagan à 104 de moyenne pour la catégorie Junior internationale,
devant Oliveira (Panhard), Blaver (Junior DB), Rispal (Renault-Risapal), Molteni (BMD-Renault), Lautenschalgen (Stanguellini, Boyer (Junior D.B.) et Poltronieri (Junior Ferry).
En catégorie nationale, la première place était enlevée par Frank-Dominique, devant Pierre Mulsant, Martel Dubois, Brodsky, Aumont, Luzuy, Cayre, Laumaille, Heurtaux, tous sur Monomill.
On voit ci-dessous Molteni et sa BMD :
GP DE MONACO : 9 MAI
Avec le GP de Monaco, la Formule Junior entrait de plein pied dans le concert International.
Tout ce qui, jusqu’alors, avait été réalisé dans ce domaine se trouvait sur la piste monégasque et cette compétition a ainsi revêtu un intérêt indéniable.
Hélas, la domination italienne fut écrasante, confirmant que la formule créée à l’instigation de l’Italie, avantageait considérablement ses productions.
Le départ :
La victoire revint à un espoir, le Suisse Michaël May, sur Stanguellini, après une démonstration intéressante des possibilités du pilote et de sa machine.
A ses côtés on trouve quelques jeunes conducteurs dont l’élève de J.M. Fangio : J.M. Bordeu.
Ils se sont révélés plein de promesses et se signalèrent à l’attention comme des espoirs véritables, après avoir fait preuve de brio et maitrise sur un circuit peu facile, à l’image de pilotes confirmés.
Les performances accomplies d’ailleurs (plus de 96 de moyenne générale et près de 99 au tour) témoignent de la façon dont fut menée cette course.
Sans doute les nombreux virages du circuit monégasque convenaient-ils aux Juniors et facilitèrent leurs évolutions.
Il n’en reste pas moins que les résultats font apparaître les indéniables possibilités de ces nouvelles machines.
Il semble ainsi que dans l’avenir on pourrait tirer de ces mécaniques un rendement intéressant et les voir remplir l’office qui doit être le leur, à savoir : celui de non seulement former et de perfectionnera de nouvelles couches de jeunes pilotes, mais aussi donner à quelques sorciers de la mécanique, le goût du rendement optimal en fonction d’une cylindrée donnée.
On conservera donc de cette première monégasque que les productions italiennes se sont imposées, non sans que certaines de nos réalisations françaises aient réussi à figurer honorablement, comme la D.B.-Panhard de Dagan 8ème à un tour, que l’on voit ci-dessous à gauche à côté du Président Bonnemort et Bernard Boyer :
La Ferry-Renault de Michy (11ème) ou la D.B.-Panhard de Boyer (12ème) à 2 tours.
Certes, il reste beaucoup à faire pour nos producteurs qui jouent pour le moment essentiellement la présence française. Ce fossé ne sera jamais comblé.
GP DE PAU : 18 MAI
Avec une Taraschi moins rapide que les Stanguellini mais tenant mieux la route, Colin Davis a mené du premier au quarantième tour la course réservée aux pilotes de « Juniors ».
Une fois encore c’est Michaël May qui se révèlera le meilleur des jeunes pilotes – un blondinet Suisse de 25 ans - et qui confirme à Pau sa victoire de Monaco, en se classant 2ème.
Derrière on trouve la Stanguellini de Bordeu, puis la Moretti de Branca et la DB de Armagnac, à qui fut attribué, pour sa performance, la coupe de « l’Action Automobile ».
Une autre D.B.-Panhard pilotée par Blaret terminera 7ème.
Une troisième compétition opposait, sur deux manches de 411 km 400, les « nationaux » pilotant les Monomill de 850 cc de cylindrée.
C’est Bernard Boyer qui fut un vainqueur indiscutable après avoir porté le record du tour à 91 km 323, ce qui est prodigieux.
GP D’ALBI : 31 MAI
Après Monaco et Pau, les courses de Junior se succèdent en ce mois de Mai ! C’est maintenant au tour du circuit d’Albi si cher à nos amis Gayraud.
Cette épreuve consacrée aux « Juniors », fut l’unique épreuve d’une journée réservée à l’automobile sportive dans cet Albigeois où, ces dernières années, la compétition exerçait un attrait tout particulier sur les foules.
En réalité, après plusieurs années d’abstention, près de 25.000 personnes assistaient au meeting et prirent intérêt aux péripéties des courses, se passionnant même parfois pour certaines phases qui mettaient aux prises de jeunes espoirs qui ont rapidement su se mettre en vedette.
Colin Davis fit une nouvelle fois preuve d’une maitrise et d’un talent au volant de sa Taraschi et enlève la finale malgré les efforts méritoires et émouvant des May, Bordeu, Alberti, Zanaroti ou autres Armagnac pour tenter de gagner l’épreuve finale.
Consolation pour certains d’entre eux, il y avait des éliminatoires. L’une revint à May et l’autre à Branca.
La fin de saison approche et les épreuves à caractère international avaient montré que l’ambition d’un Monomill, même amélioré pour la circonstance, se limitait à un rôle de figurant ce qui, pour certains, venait gâcher le plaisir de courir.
Aussi, la plupart des pilotes de Juniors françaises ont préféré se réunir entre eux et abandonner la formule « Junior », comme se fut le cas pour les deux courses à Monthléry les 27 septembre dont on voit ici le départ :
Et le 4 octobre, ces deux épreuves remportées par Delcarte sur sa Ferry-Renault : deux victoires sans valeur, par manque d’opposition.
Charly RAMPAL
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