Au début des années 1900, la gamme Panhard et Levassor bénéficie de nombreux perfectionnements, même s’ils ne sont commercialisés qu’avec une prudente progressivité. Et c’est la compétition qui va aider à parfaire ces évolutions.

Pourtant Arthur Krebs n’est pas un fanatique de la course. On lui a même – à tort – reproché de ne pas l’aimer.

Il a, dans ses premières années, continué à préparer avec le plus grand soin les voitures qui ont glané de remarquables succès dans les années 1898 à 1902 : je n’y reviendrai pas.

1900

 Si les Panhard et Levassor obtiennent les 2éme, 3ème et 4ème places au Paris-Toulouse, c’est sur la première édition de la coupe Gordon-Bennett que les feux de l’actualité mettent en lumière la victoire de Charron après une course émaillée d’incidents.

Par ailleurs on notera le succès de la marque lors d’une course à Pau : 5 voitures dans les 6 premières et à la course Nice-Marseille où la marque obtient les 4 premières places.

En Grande-Bretagne, une Panhard et Levassor pilotée par Roths gagne la course des Mille Miles à la fin du printemps.

Fort de ces succès, le Conseil décide de « mettre à l’étude une voiture de course suffisamment puissante et rapide pour assurer à la société les premières places dans les courses à venir ».

1901

Cette année là, c’est la course Paris-Berlin au mois de juillet qui restera l’évènement sportif principal.

A cette occasion, Panhard a préparé plusieurs voitures, dont une grosse profilée, à moteur 7,4 litres, pilotée par Charron.

Les voitures de la marque se comporteront brillamment puisqu’elles occuperont les trois premières places en catégorie « voitures légères » et classant 6 voitures aux huit premières places en catégorie « grosses voitures » .

Toujours galant, les félicitations de la Maison Panhard et Levassor iront à Mme du Gast pour ses résultats obtenus dans cette course avec sa 12 cv.

Quant à Giraud, on décide de ne pas lui facturer sa voiture de course, pour le récompenser de ses prestations à Paris-Bordeaux et Paris-Berlin : on avait du savoir vivre en ce temps là !

En effet, les pilotes qui courent avec des voitures de la marque les achètent en principe avec leur propre deniers, mais la règle veut qu’ils bénéficient de remises plus ou moins importantes suivant leurs participations et les résultats obtenus/

La coupe Gordon-Bennett est enlevée par Girardot sur une 30 cv, à l’issue de la course Paris-Bordeaux, du mois de juin.

1902

C’est à partir de cette année que Krebs fait admettre au Conseil, malgré les réticences de René de Knyff, que la société soutiendra désormais les pilotes désireux de courir, mais s’en s’engager officiellement, à l’exception de la coupe Gordon-Bennett.

3 compétitions sont mises en valeur en cette année 1902.

La première est assez originale : dans le but de promouvoir un carburant national, le ministre de l’Agriculture, Jean Dupuy, qui s’inquiète de la dépendance de la France envers les importations pétrolières (déjà ? Eh oui…), décide de réserver la participation au circuit du Nord, qui se court les 15 et 16 mai, aux voitures qui utilisent de l’alcool comme carburant.

Cette épreuve est remportée par Farman sur une 35 cv, et deux voitures de la marque se classent en tête dans la catégorie « grosses voitures ».

Mais c’est la course Paris-Vienne qui restera la plus médiatique, courue les 26 au 29 juin.

12 Panhard et Levassor y participent : c’est le plus fort contingent parmi les 85 inscrites.

Alors que la  catégorie « petites voitures » est remportée par Marcel Renault qui gagne sur une 16 cv Renault, c’est Farman qui s’adjuge la catégorie « grosses voitures ».

Enfin, le 31 juillet, lors de la première édition du Circuit des Ardennes, c’est l’anglais Charles Jarrott qui s’impose  au volant de sa 60 cv  type M. au prix d’une consommation de carburant astronomique puisqu’elle frôle les 39 litres aux 100 km.

Pour clore cette saison, on notera la victoire de la 70 cv de Chauchard à la première édition de la course de côte du mont Ventoux.

1903

Une tragique catastrophe renforce Krebs dans ses convictions : la course Paris-Madrid, commencée le 14 mai 1903, va connaitre, dès sa première étape, une succession de très graves accidents, provoquant 7 morts, dont Marcel Renault et de nombreux blessés.

Sur l’ordre du gouvernent, la course est arrêtée à Bordeaux.

En effet c’est la course de l’année et un jeune ingénieur du nom de Defly, sous la direction de Krebs, qui le charge des études des voitures de course qui participeront à cette course importante.

Le moteur de 13,7 litres est développé pour la catégorie « grosses voitures » : sa puissance atteint les 80 cv.

La chance ne sourie pas aux Panhard et Levassor, fort heureusement épargnées par les graves accidents.

Au mois de juillet, la coupe Gordon-Bennett, qui se court en Irlande, échappe aussi à Panhard, qui enlève quand même les 2ème et 3ème places ave de Knyff et Farman.

Au circuit des Ardennes, en revanche, c’est Pierre de Crawhez qui s’impose nettement à la moyenne de 87 km/h.

1904

Aux éliminatoires françaises de la coupe Gordon-Bennett, courue au mois de mai, la voiture de Teste arbore un nouveau radiateur en coupe vent. Mais elle va connaitre d’importants problèmes de surchauffe.

Pour consolider sa réputation, notre marque comptera sur deux victoires : d’abord au circuit des Ardennes, fort d’une équipe comprenant Farman, Heath, Tart et Teste, la première place revient à Heath suivi de près par Teste qui a crevé juste avant le drapeau à damiers.

Puis, pour la coupe Vanderbilt, qui se court à Long Island aux Etats-Unis, au début de l’automne, et pour laquelle sont engagées 3 voitures et confiées à Teste, Tart et Heath.

On note une armada de Mercédès et de nombreuses voitures américaines dans leur jardin.

Alors en tête, Teste doit abandonner au troisième tour alors qu’il était en tête, suivi par Tart au 8ème tour.

Mais ce sera Tart qui ne lâche rien et sauvera l’honneur en remportant une belle victoire.

Quant aux voitures, il s’agissait des 100 cv.

1905

Une année sportive en demi-teinte.

Aux éliminatoires de la coupe Gordon-Bennett qui se court au mois de juin sur le circuit d’Auvergne, deux voitures sont victimes d’un accident.

Heath, au volant d’un prototype équipé d’un énorme 4 cylindres de 15.435 cm3 développant 120 cv, expérimente une nouvelle transmission par cardan.

Il   se classe 6ème, ce qui n’est pas suffisant pour le qualifier.

Plus tard, c’est la coupe Vanderbilt, aux Etats-Unis : Heath arrive deuxième, battu de 3 minutes seulement.

Enfin, le circuit des Ardennes, les grosses Panhard de 120 cv sont battues par la Darracq d’Hemery et Tart se classent 2ème  , Le Blon 3ème et Heath 5ème.

1906

Peu à peu, notre marque se fait discrète en compétition.

En effet, elle ne s’est engagée officiellement que dans une seule épreuve : le Grand Prix de l’A.C.F. qui se court au mois de juin.

Trois voitures y sont présentes : Heath, Tart et Teste.

Cette première édition se court au Mans.

Hélas, malgré leur énorme 4 cylindres de 18.279 cm3, donné pour 130 cv, c’est presque un fiasco.

Seul Heath parvient à terminer la course à une modeste 6ème place, loin derrière la Renault victorieuse.

Côté mécanique, on progresse en innovations : cylindres en acier avec chemises à circulation d’eau en cuivre soudé à l’argent, et surtout la transmission par cardans qui finit par convaincre et nouveauté du côté de l’embrayage à rondelles métalliques (système Hele-Schaw) qui remplace pour la première fois le traditionnel cône garni de cuir.

1907

Le commandant Krebs, à la tête de Panhard et Levassor, fixe son objectif sur le GP de l’A.C.F. dont cette deuxième édition se court le 2 juillet à Dieppe, sur le circuit de la Seine-Inférieure.

Nos voitures ont été travaillées au niveau du refroidissement malgré une proue profilée, le radiateur est placé derrière le moteur, contre le tablier, selon la voie tracée par Renault et qui donne de bons résultats.

Ces voitures reviennent à l’ancien bloc de 15.435 cm3, mais conservent la transmission par cardan.

Trois voitures sont engagées et on trouve à leur volant : Heath, Le Blon et Dutemple.

Hélas nouveau fiasco et les trois voitures sont contraintes à l’abandon.

1908

A l’orée de cette saison 1908, les belles victoires du passées ne sont plus que de beaux souvenirs.

Depuis 3 ans les performances sont décevantes ce qui conforte le commandant Krebs à ne plus investir dans la compétition.

Néanmoins il décide de s’engager dans son épreuve préférée : le GP de l’A.C.F. qui se déroule toujours à Dieppe au mois de juillet.

Le règlement impose cette fois une limite de 155 mm à l’alésage des cylindres, ce qui donne, pour les gros 4 cylindres Panhard qui conserve une course de 170 mm, une cylindrée plus raisonnable de 12,8 litres et une puissance de 120 cv à 1300 t/mn.

A l’avant on est revenu à un capot conventionnel avec un gros radiateur frontal.

Plus surprenant encore, c’est le retour à la transmission par chaines !!!

Les pilotes sont cette fois : Heath, Farman et Henri Cissac, un pilote moto très connu.

Là encore, cette dernière tentative ne sera pas couronnée de succès.

Mais pire, la voiture de Cissac éclate un pneu et se retourne, tuant son pilote et son mécano Schaub.

Même si les deux autres voitures terminent la course, ils terminent dans l’anonymat des 9ème pour Heath et 23ème pour Farman.

Cet échec mettra un terme à l’engagement officiel de la marque en compétition.

MORALITES 

Les pilotes ayant couru sur les Panhard et Levassor étaient souvent de fidèles clients et plusieurs deviendront des concessionnaires, tels les frères Farman, P. Charron, H. Fournier ou Voigt.

Mais en réalité, la première préoccupation de la marque sera de consacrer toute son énergie et tous les moyens de ses ateliers aux innovations qu’on pourra commercialiser et l’accroissement d’une production très inférieure à la demande : la compétition n’étant pas une priorité.

Il faudra plus de 40 ans pour que la compétition sous le forcing d’Etienne de Valance, redevienne la vitrine sportive de la marque.

Charly  RAMPAL  (D’après les documents et photos des archives Panhard)