LES SURPRESSEURS DES BI-CYLINDRES PANHARD DES ANNEES 50
Très tôt, au début des années 50, le moteur Panhard apparaît plein de promesses pour les sportifs.
Bien né, de nombreux « sorciers »se penchèrent sur son lit pour essayer d’en tirer encore plus de chevaux.
La solution la plus facile en apparence fut d’utiliser un surpresseur ou compresseur.
Les deux plus célèbres montés sur nos moteurs furent le compresseur MAG, développé et distribué par E.P.A.F. (D.B) et Constantin, utilisé par Chancel.
Mais d’abord, qu’est-ce que la suralimentation ?
Elle constitue à introduire, au moyen d’un compresseur, un supplément de mélange combustible dans le moteur, afin d’en accroitre sa puissance aux divers régimes et de relever sa vitesse de rotation.
Avant de considérer l’intérêt qui peut s’attacher à l’emploi d’un compresseur, voyons ce qui se passe dans un cylindre de moteur ordinaire.
Au temps d’admission, le moteur fonctionne comme une pompe aspirante dont le rendement baisse considérablement avec l’accroissement de la vitesse.
L’introduction du mélange gazeux y est étranglée par la buse du carburateur et par les sinuosités des tuyauteries qui provoque des tourbillons variables avec la vitesse.
Malgré la prolongation du temps d’ouverture de la soupape d’admission au-delà des limites assignées théoriquement au premier temps du cycle à quatre temps, le coefficient de remplissage par rapport à la pression atmosphérique s’établit à une valeur toujours inférieure à l’unité, et s’abaisse à certains régimes jusqu’aux environ de 0,7.
Le défaut de remplissage est la principale cause de limitation de la vitesse d’un moteur.
On constate que le couple est maximal à un régime modéré lorsque le temps laissé à l’introduction du mélange dans le cylindre est relativement long et que le coefficient de remplissage est voisin de 1, après quoi, il s’affaisse peu à peu, jusqu’aux hauts régimes de rotation.
La puissance, qui est le produit du couple par la vitesse de rotation, augmente jusqu’au moment oùle moteur s’essouffle et elle tombe alors rapidement.
Le moyen classique consiste à augmenter sa cylindrée, ce qui conduit finalement à réviser toutes ses dimensions.
Mais comme le moteur s’en trouve considérablement alourdi, sinon également la châssis par suite des renforcements nécessaires, une partie de la nouvelle puissance obtenue est prélevée pour le déplacement du poids supplémentaire.
L’emploi d’un surpresseur, présente au problème de l’augmentation de la puissance, une solution plus rationnelle du point de vue du rendement.
SURALIMENTATION A BAISSE PRESSION – LE COMPRESSEUR MAG-EPAF
Autrefois fabriqué par Rive de Gier, MAG a repris la fabrication des compresseurs S.E.I..
Par le montage de ce compresseur sur une Panhard, on recherche moins le relèvement de la vitesse qu’un appoint de puissance afin d’améliorer les reprises de vitesse et pouvoir disposer d’une réserve de puissance utile dans certaines circonstances de marche, montée des côtes, parcours en montagne, etc…
On se contente donc, pour la suralimentation des moteurs Panhard de série, d’une pression égale ou peu supérieure à la pression atmosphérique, la suralimentation est rarement poussée jusqu’à une pression absolue de 1,5 atmosphère.
Dans les cas ordinaires, on se limite aux environ de 300 grammes.
C’est le cas du MAG-EPAF, qui s’attache à obtenir les qualités qui rendent réellement pratique l’emploi d’un compresseur sur une voiture, c’est-à-dire, la sureté de fonctionnement, un entretien minime et facile et un bruit de sifflement atténué.
Il devient possible par ce moyen, de compléter le remplissage des cylindres qui ne dépasse guère 60 à 85% dans les moteurs modernes alimentés à pression atmosphérique et de tirer, ainsi, à n’importe quel régime moteur, la pleine puissance pour laquelle il a été initialement construit.
D’où, disait la publicité faite par EPAF :
De ce fait également, une consommation spécifique égale à la voiture non-suralimentée.
STRUCTURE DU COMPRESSEUR VOLUMETRIQUE
On appelle compresseur volumétrique, celui dont le débit est déterminé par les espaces ménagés dans le corps de l’appareil par les pales en rotation.
Comparé au compresseur centrifuge, le poids du mélange gazeux forcé par le compresseur volumétrique dans le moteur, croit sensiblement dans la même proportion que la vitesse alors que dans l’appareil centrifuge, il croit selon le carré de la vitesse.
Le compresseur volumétrique est déjà pleinement efficace aux bas régimes, ce qui le rend très apte pour favoriser les accélérations vives.
Le compresseur MAG se compose de deux rotors tournant dans un carter.
La commande s’opère d’ordinaire par une courroie entrainant une poulie fixée sur l’axe d’un des rotors.
Chacun des deux rotors possède trois grosses pales creuses, généralement en alliage léger coulé d’une seule pièce.
Le profil se présente donc en trèfle.
Dans le sens de la longueur, les pales sont droites, le rapport entre leur longueur et le diamètre du rotor reste limité aux environs de 1 pour réduire la possibilité de flexion.
Le fonctionnement du compresseur est dans son principe comme celui d’une pompe à engrenages.
Par conséquent, les rotors roulent l’un sur l’autre, mais il n’y a pas ce contact entre eux pour permettre une libre dilatation due à leur échauffement : c’est la raison pour laquelle l’entrainement se fait non pas par les pales, mais par engrenages en bout d’axe.
Pour la même raison de dilatation, un certain jeu est prévu entre les pales et le carter.
Ce jeu entre les pales et le carter est un des éléments avec la forme et le nombre de pales et la forme des orifices d’entrées et de sortie, qui conditionnent d’une part le rendement du compresseur et d’autre part le bruit qu’il émet en fonctionnement.
Le bruit est sous l’influence de l’alternance des détentes et compressions qui produisent les pulsations du fluide, sa fréquence est fonction du nombre des pales et de la vitesse de rotation.
Enfin, les pignons d’entrainement ici à dentures droites, doivent être établis et montés de manière à assurer le synchronisme parfait du mouvement des deux rotors.
Qui dit compression dit échauffement du fluide comprimé et l’appareil lui-même.
Cette élévation de température, contraire au but poursuivi, puisqu’elle réduit la densité du mélange gazeux, est combattue en refroidissant le compresseur en alliage d’aluminium, bon conducteur de la chaleur, est pourvu d’ailettes venues de fonderies qui servent à le refroidir et également à le rigidifier.
Cette rigidité et un écartement rigoureux d’entre axe des rotors sont nécessaires : les arbres de rotors sont supportés, à une extrémité, par un roulement à galet autorisant une certaine dilatation longitudinale.
QUELQUES PRECAUTIONS A PRENDRE
Pour s’assurer un fonctionnement sans troubles d’un moteur de série auquel on adjoint un compresseur, certaines précautions sont bonnes à prendre.
L’appareil est à monter avec soin comme toute machine entrainée par courroie, pour que sa poulie soit bien située dans le plan de la poulie menante, afin de faire travailler la courroie dans de bonnes conditions. De même que la tension de la courroie ne doit pas fatiguer les roulements.
Du côté de l’allumage du moteur, s’impose l’adoption de bougies à haute résistance aux contraintes thermiques.
L’élévation de pression moyenne ayant pour effet un accroissement de la vitesse d’inflammation du mélange gazeux, il y a lieu de modifier la courbe d’avance à l’allumage dans le sens d’une réduction de la variation d’avance.
Du côté de l’échappement, on aura avantage, pour la bonne tenue des soupapes et faciliter l’augmentation de la puissance sans contre-pression gênante, de monter un collecteur d’échappement à tuyauteries larges et sans coude.
Pour ce qui est de la carburation, on procède à un réglage correspondant au résultat à obtenir.
Dans le cas d’une suralimentation modérée, comme le MAG-EPAF de 300 grammes, une légère réduction de consommation due probablement à l’homogénéité du mélange gazeux par son passage dans le compresseur et à une amélioration de sa répartition à chaque cylindre.
Elle n’est valable, bien entendu, qu’à vitesse égale par rapport au cas du moteur non suralimenté.
Le carburant convenable pour une compression modérée est le super-Carburant 98, avec un additif pour compenser le sans-plomb (mais vous en avez l’habitude).
Dans le but de profiter pleinement des possibilités d’un moteur suralimenté, on a intérêt à remplacer le couple réducteur de commande des roues par un autre de moins forte démultiplication, ce qui relèvera la vitesse maximale et, à vitesse égale, épargnera le carburant sans nuire de façon notable au gain d’accélération obtenu.
LE SURPRESSEUR CONSTANTIN
Constantin travaille sur les questions de compression depuis fort longtemps.
En 1938 déjà, il participait à des compétitions sur des Masérati et Bugatti à compresseur.
Pendant la guerre, alors que l’activité automobile était à peu près nulle, il fit porter son effort sur les compresseurs à gazogène.
Depuis 1947, Constantin s’intéresse à la compétition et cherche à améliorer plus particulièrement les moteurs Peugeot qu’il connait parfaitement.
La première voiture Panhard équipée par ses soins remonte à 1953.
Ce fut celle que Chancel repéra lors des coupes d’Automne, une Dyna Junior munie d’un compresseur qui le laissa sur place dès le départ.
Ce fut pour lui une révélation. Aussi, moins d’un an après, Constantin mit au point cet accessoire pour notre bicylindre.
Chancel pouvait s’attaquer au record que détenait René Bonnet avec 197,236 km dans l’heure.
Si la tentative du mois d’octobre se soldera par un échec dû à un déchapage prématuré, elle permettra à Chancel d’améliorer encore sa mécanique en augmentant sa puissance de quelques 8 ch.
Ce gain ayant été obtenu uniquement en travaillant sur les détails.
Après quelques déboires, il est parvenu à un résultat fort honorable.
L’aboutissement fut le spectaculaire record en 750 cc établi par Pierre Chancel le 10 décembre 1954 sur la piste de Montlhéry.
Il couvrit 201, 880 km dans l’heure avec un meilleur tour à 208,492.
Le moteur équipant la barquette de 640 kg développait 75 ch à 7.500 t/mn.
Chancel pensait pouvoir encore l’améliorer.
Songez qu’il ne marchait qu’à 6,4 de rapport volumétrique, malgré le compresseur soufflant à 550 grammes.
Constantin reste persuadé qu’il aurait pu, sans aucune crainte pour la mécanique, augmenter encore la pression.
Ce compresseur à bain d’huile breveté dans le marché, est de type centrifuge, à basse pression.
Le carburant employé et dont Constantin avait trouvé la bonne formule était composé d’acétone, d’alcool et de méthanol, ce dernier produit entrant pour 86% dans la composition du mélange.
On se doit de dire que le moteur Panhard qui équipait cette voiture, bénéficiait des dernières améliorations : culbuteurs à rattrapage hydraulique, vilebrequin et bielles Tour Effel et palier arrière en acier.
Quelques barquettes DB de 1953 en étaient équipées comme on le voit sur la photo ci-dessous sur le châssis n°789.
Egalement sur la barquette DB châssis n°797 qui participa aux 12 Heures de Reims en 1954.
En 1954, des Junior furent équipés d’un compresseur :
En 1955, au GP de Pau Formule 1 deux Monomill sont engagés équipé d’un 750 cc avec compresseur d’une poussée de 1500 gr.
Le compresseur monté sur le bicylindre de cette voiture était entrainé par 2 courroies trapézoïdales et reliées à la poulie en sortie du vilo (où est fixé classiquement la turbine) par l’intermédiaire d’une poulie tendeur.
En dehors du VHC où la Barboni des Philippe, en était équipée, le dernier montage officiel d’un compresseur sur notre bicylindre, le fut en 1964 sur les deux CD du Mans pour atteindre les 1000 cc imposés cette année là.
Charly RAMPAL (Documents d’époque de ma docuthèque)