ANNE DELAGARDE : LA FILLE DE SON PERE
Louis Delagarde vous connaissez ? Tout panhardiste digne de ce nom, l'a obligatoirement au fond de sa mémoire !
Il est à la base de toute la mécanique Panhard, sans lui rien n’aurait été pareil…
J’ai eu la chance de bien le connaitre et j’étais son chauffeur à la fin de sa vie pour l’emmener en PL 17 à chaque Salon Rétromobile pour honorer de sa présence notre stand dédié à la marque qui a été sa raison de vivre.
Beaucoup d’articles ont été consacrés à l’œuvre de Louis DELAGARDE, une sorte d’artiste du 20ème siècle dont les œuvres, avec Bionnier, sont toutes badgées « Panhard ».
Moi-même je lui ai consacré un article dans la rubrique « Les Hommes ».
Pourtant beaucoup ignore l’existence de sa fille Anne, qui est le prolongement spirituel et affectif de son père pour Panhard.
Pourtant, depuis 1990, année de la disparition du vénéré papa, elle n’a jamais cessé de relayer son histoire, que ce soit au travers les clubs ou en petit comité.
Pour garder mon objectivité, je laisse la parole à Bertrand Hervouet pour nous raconter le personnage.
« Aujourd’hui, tout le monde ne parle plus que des années 80. Enfin presque, car si l’on interroge les « babys-boumers », eux sont restés très fidèles à leurs « sixties’s ». Cela peut se comprendre :
C’était le plein emploi, le rock n’roll des « yéyés », l’émancipation d’une génération et toutes les filles voulaient ressembler à Brigitte Bardot.
Bon nombre d’entre-elles s’imaginaient même en compagnie de James Bond pour une virée les cheveux au vent à bord d’une belle décapotable italienne.
Une décennie pleine d’insouciances durant laquelle il était interdit d’interdire. Les mauvais garçons arboraient le blouson noir, et pour ne pas filer leurs bas nylon, les « babys-dol » grimpaient en « amazone » à l’arrière des Vespas. C’était défendu mais qu’importe.
Miss Anne a vécu pleinement ces années joyeuses.
Il suffit de contempler les étagères de son séjour pour s’en faire un aperçu : Des albums photos, des ouvrages spécifiques, plusieurs livres entièrement consacrés à BB ainsi qu’un grand nombre de disques vinyles. Sans oublier bien évidemment tout ce qui a pu être édité sur notre marque fétiche.
Cela fait bientôt 30 ans que j’ai appris à la connaître.
Nous nous étions rencontrés au cours d’un Rétromobile et très vite, nous avions sympathisé.
Son intérêt pour notre cause était sans limite, tant et si bien que 3 mois plus tard, elle était venue sous soutenir pour notre participation aux 24 heures Panhard qui à l’époque se déroulaient sur le circuit de Dreux (lire les articles dans la rubrique « Actualités-VHC » - « Historique »)T.
Un garçon manqué ! Pas si sûr ! Car si l’on se réfère aux commentaires qui se chuchotaient sur son passage, il était beaucoup plus juste d’admettre que nous étions en présence d’une fille très réussie, même lorsqu’elle s’occupait de mécanique.
Un plus non négligeable quand on sait que les peuplades qui forment les clubs sont essentiellement masculines.
Anne était également très gentille, rassembleuse et ouverte au dialogue.
Nous sommes devenus amis depuis et aujourd’hui encore, c’est toujours un réel plaisir de discuter avec elle. L’histoire de Panhard, elle la connait bien mieux que la plupart d’entre nous, ce qui est normal car elle l’a suivie au quotidien pendant de longues années.
Fille chérie de Louis DELAGARDE, ingénieur de haut talent et père de notre bicylindre endiablé, elle ne l’a jamais quitté d’une semelle.
Une complicité de tous les instants. Puis ce fut le temps du permis de conduire et les premières virées avec la Z1 de Papa.
Là, Il fallait faire avec car si c’était les années bonheur, ce n’était pas encore les années fric. Petite Anne avait 9 frères et sœurs et il fallait contenter tout le monde. Mais tout arrive à point pour qui sait attendre.
En juin 1962, la victoire au Mans avec le tandem Guilhaudin/Bertaud et dans la foulée, le salon de l’auto qui pour la première fois se tenait porte de Versailles.
Au centre du stand Panhard, il y avait la CD victorieuse bien sûr, mais juste en face, le public pouvait également admirer une autre CD, beaucoup plus civilisée, dans une jolie robe blanche avec des pare-chocs en forme de flammes et un magnifique intérieur rouge.
La décision venait d’être prise pour qu’une série de 1000 voitures soit proposée aux amateurs sportifs de la marque.
Devant cette petite merveille, Anne ne pouvait que rêver.
Surtout qu’à l’issue du salon, quand elle allait rejoindre son père à l’usine, la même voiture semblait la narguer en brillant de tous ses feux dans le hall d’exposition. Et il faut dire que les conditions de vente n’étaient pas très alléchantes. 17000 francs pour le modèle « Rallye », et dans le meilleur des cas, 8 mois d’attente pour se porter acquéreur d’un de ces petits bolides. Souvenons-nous qu’à l’époque, une ID 19 toutes options ne valait guère plus de 10000 francs.
Force était donc de se résigner et miss Anne ne pouvait faire autrement que de recourir au métro ou au mieux la Z1 de Papa pour ses escapades parisiennes.
En 1963, son mariage. Et grand malheur peu après : L’accident ! Non pas au volant de la Dyna, mais en tant que passagère dans la voiture de son mari.
L’époque nos routes regorgeaient de chauffards et celui qui avait provoqué la collision venait de brûler un feu rouge. Il avait pulvérisé tout l'arrière de sa voiture. Un fait banal aux yeux de certains mais si la fille chérie de notre vénéré Louis s'en est remise. , ce n'est qu'au terme d'une longue convalescence, ceci sans oublier quelques séquelles qui lui compliquent encore la vie de nos jours.
Fort heureusement, la fille chérie de notre vénéré Louis s’en est remise, mais au terme d’une longue convalescence et avec quelques séquelles qui lui compliquent l’existence encore aujourd’hui.
La vie reprenant son cours normal, elle apprenait dans les mois suivants qu’elle allait être indemnisée par sa compagnie d’assurance. Une bien maigre consolation au regard du préjudice subi. Mais à la réflexion, pourquoi ne pas s’offrir un petit plaisir après avoir connu l’horreur ?
Sans y regarder à 2 fois, et toujours avec la complicité de Papa, elle retournait porte d’Ivry. Non plus pour admirer cette fois mais pour passer une commande ferme.
Ainsi le 4 juin 1964, elle réalisait ce rêve qui était de partir au volant d’une magnifique CD bleue. La voiture est toujours en sa possession aujourd’hui et si l’on regarde en détail le parcours de ces autos, elle semble être la seule qui n’a jamais changé de propriétaire et qu’elle entoure ici de ses amis.
Panhardiste de la première heure donc, Anne s’est toujours montrée très avenante avec ceux qui sont restés fans de la marque.
C’est dans sa nature.
Dès qu’elle en a la possibilité, elle participe aux manifestations, que ce soit à Paris ou à l’autre bout de l’hexagone.
D’ailleurs ne vous fiez pas à ce que vous pourriez lire sur le compteur de sa protégée. Il vous faudra ajouter un 4 devant les 5 chiffres apparents.
L’auto a plus de 400000 kilomètres. (un beau pied de nez pour tous nos détracteurs qui pourraient être amenés à lire ce texte.)
2018 va marquer un tournant. Le 25 janvier, elle a eu un an de plus et elle aura changé de décennie. Mais chuuut ! Je ne vous dirai pas plus : galanterie oblige.
Alors JOYEUX ANNIVERSAIRE Anne ! Et continue de nous émerveiller au volant de ta petite grenouille bleue qui te personnalise si bien. »
CHARLY RAMPAL (Photos : Charly + Anne) Sur un récit de Bertrand HERVOUET