Organisé pour la première fois en 1953 par l’A.C. du Dauphiné, le rallye Neige et Glace a connu d’emblée un grand succès sportif. Outre un circuit routier, il comprenait deux courses de côte et un parcours de régularité à couvrir 5 fois.. le tout en pleine montagne.

En créant cette épreuve l’Automobile Club du Dauphiné voulait d’abord prouver que le tourisme hivernal en automobile était possible à une époque où l’automobile n’était pas forcément adaptée au niveau chauffage, dégivrage et tenue pneumatique.
Le pari a été gagné quel que soit le point de départ : Paris, Nimes ou Annecy. Les concurrents ont en grande majorité rallié Grenoble malgré des chutes de neige, le verglas et le brouillard qu’ils ont rencontré sur tout le parcours.

Pour nous glisser au cœur de l’évènement partageons les grands moments de ce rallye en compagnie de l’équipage Cottet-Blaize sur une voiture peu courante et peu banale : la Rafale à mécanique Panhard bien sûr.

C’est le « live » » de Jacques Cottet que je vous propose de relire :

« Nous prenons le départ à 8h 01, et mon coéquipier Blaize n’est guère rassuré, car je lui confie le volant de la Rafale, et c’est la première fois qu’il pilote une Dyna.

Il s’en tirera fort bien puisque à chaque contrôle de la boucle de 354 km autour de Grenoble, nous avons été dans les temps entre 55 et 60 de moyenne.

A Chambéry, nous apprenons avec une douloureuse émotion que nos amis Rougier et Domini viennent d’être victime d’un accident sur une ligne droite verglacée qui leur a coûté la vie.

A Gap, un soleil réconfortant nous accueille après tant de chute de neige et de brouillard, mais, fatigués, nous avons négligé la réception des organisateurs.

En montant vers le dernier contrôle de Lus-la-Croix-Haute, le ciel bleu se remplit de nuages et la route se garnit de neige glacée pas sympathique du tout ! Heureusement, les rebords de neige prennent une hauteur impressionnante.
Même si la voiture avait l’intention de quitter la route, le seul risque est de froisser les ailes.
Revenus à notre point de départ, les réservoirs sont plombés, le plein étant fait.

Certains trouvaient cette mesure inutile pour faire 220 km, y compris la course de côte, le tour de reconnaissance et les cinq tours de vitesse pure.

Les constructeurs devraient revoir sérieusement la contenance de leurs réservoirs, car quatre concurrents furent mis hors course sur panne sèche.
Cela prouve que certaines voitures de série ne peuvent guère aller au-delà de 200km en montagne sans ravitailler !

Le travail ingrat de Blaize est terminé et je reprends le volant sous une violente chute de neige.
Le départ de la course de côte de Saint Dizier est donné et, pendant 15km, la route est recouverte de neige fraîche qui prend beaucoup de chevaux.
C’est le moment que choisit une bougie pour faire des siennes et, comme je n’ai que deux cylindres, nous sommes chronométrés à 18’ 5344, le premier faisant 15’ 45’’ : c’est minable.

Nous nous engageons ensuite sur une route plate toute en virages et en pleine forêt de sapins.
Je connais bien le secteur, et cependant, je me laisse surprendre à chaque virage, et c’est au moins aussi impressionnant que de dévaler la Casse-déserte à 80 à l’heure au moins d’Août.

A Villard, je change les deux bougies sans prendre le temps de chercher la coupable, et nous fonçons pour faire le tour de reconnaissance du circuit.
La belle route gelée de la veille, sur laquelle, grâce à mes pneus aux chaînes incrustées, je pouvais filer à 120 et prendre n’importe quel virage à 60 sans risque, est transformée en une espèce de champ labouré.

Tout le monde sait que, là-dessus, une seule chose compte : foncer comme une locomotive avec tous les chevaux disponibles.
Le départ est donné par groupe de huit dans chaque catégorie, et les concurrents, à trente mètres du véhicule, moteur arrêté et froid, partent au coup de pistolet.

Je prépare mon petit trou dans la glace pour faire un départ de 100m Olympique, car, avec des semelles en crêpe, je risque fort de tomber à plat ventre dans la neige pour la plus grande joie des spectateurs.
Je démarre en trombe en troisième position, 200 mètres après, je demande le passage à une Aronde, puis à la Porsche de Veuillet.
Dans une ligne droite, je passe en troisième pour soulager la mécanique et mon compteur reste à 80. Que se passe-t-il ? D’habitude, je finis ce passage à 100. Des voitures me passent et je réalise brusquement que mon frein à main est resté serré ! Il n’y a heureusement aucun dégât et je n’ai pas pris beaucoup de retard.

Dans un petit village, j’entends crier « Allez Cottet ! » et, aussitôt, je retrouve les deux murailles de neige où l’éclairage plein phare donne une expression extraordinaire.
Une légère montée, deux kilomètres de descente très dangereuse, car une bosse de neige au milieu de la route projette la voiture de gauche à droite, et enfin montée du col de la Croix-Perrin et descente sur Lans, où je suis vraiment dans mon élément.
Les 7 km de ligne droite jusqu’à Villard sont noirs de monde.

A Villard-de-Lans, le chrono marque 34 minutes et je dis à Blaize qu’il ne reste plus qu’à continuer à tourner dans ce temps, car le coefficient de régularité est beaucoup plus important que celui de la vitesse.

Au deuxième tour, le brouillard fait son apparition et j’arrive en vue du contrôle avec deux minutes d’avance qu’il faut perdre avant la ligne de chronométrage, que je franchis à 34 minutes pile dans un rush.
Je ferai de même au troisième, quatrième et cinquième tour.

Nous avons eu la chance, dans les derniers tours, de ne croiser absolument aucun concurrent, à tel point que nous nous demandons si tout le monde n’a pas été dans le décor.
A l’arrivée, une fois au chaud, mon principal souci, malgré l’heure tardive, est d’interroger les autres participants. Tous sans exception sont unanimes à déclarer que cette épreuve était vraiment intéressante. Un seul regret, ils auraient voulu dix, voire vingt tours, ou même les douze heures de nuit de Villard.

Quel banc d’essai ce serait pour le matériel !
Le lendemain, malgré une nui passée par moins 20° dehors, toutes les voitures partent sans ennui.

Après un arrêt à Bourg d’Oisans, le départ de la course de côte de l’Alpes d’Huez est donné, et je me sens des fourmis dans les pieds en attendant mon tour.
Malgré les difficultés du parcours, il y a de petites lignes droites qui permettent d’admirer le cadre extraordinaire.

Pour la première fois, je participe non sans émotion, à la remise des prix … Et, déjà, les organisateurs qui ont su créer une épreuve où la neige et la glace multiplient les difficultés habituelles de la route par dix, pensent déjà à ce que sera le Rallye en 1954. »

Jacques Cotte se classera deuxième au général et 1er de sa catégorie.

D’autres Dyna participent à l’épreuve comme ce cabriolet X n°51 qui est allée aux bottes de paille après un tête à queue devant un public nombreux malgré un froid très vif.

Les vainqueurs seront Prestail et Ricou sur une traction 11cv Citroën revue et surbaissée.

Charly RAMPAL