Giovanni Lurani Cernuschi rencontré à l’ACF en 1987, invita Robert Panhard aux festivités de départ de l’édition 88 et il le présenta les organisateurs.

Robert évoquera alors auprès d’eux la Participation de Panhard au milieu des  habituelles Ferrari, Jaguar, Mercédes, Aston Martin…

L’atmosphère et la qualité exceptionnelle des voitures participantes emportèrent sa décision : Panhard devait être présent de l’édition 89.

Il proposa donc l’engagement de la Dyna X86 de mai 1951 que Robert possédait.

Il s’agit en effet, du modèle qui gagna en catégorie tourisme en 1951.

L’équipage Robert Panhard-Jean-Antoine Personnaz (tous deux arrières petits enfants de René Panhard) fut admis.

Il ne me restait plus qu’à faire préparer la voiture qui avait besoin d’une sérieuse restauration.

Claude Piquet, alors Président du Fan Club, s’en chargea et fit tant et si bien que c’est une voiture en parfait état qui se présenta fin avril prête à embarquer pour Brescia.

Le 28 avril ils embarqueront dans l’avion de Jacky Ickx qui s’était engagé sur une Mercédès à portes papillon.

Celui-ci évoqua l’admiration que son père avait pour Panhard et la relation qu’il en fit dans son célèbre ouvrage: « ainsi naquit l’automobile ».

A Brescia ils retrouvent le lendemain Jean Favarel du DCPL, arrivé sur son DB Le Mans rouge. Avec une telle assistance, ils étaient en pleine sécurité.

Ils testeront immédiatement son efficacité puisqu’elle remplaça sur la place de Brescia le câble de l’embrayage qui eut le mauvais goût de lâcher alors qu’il était neuf.

Heureusement, Claude Piquet en avait un de rechange.

A 20h30, la Dyna X86, n° 154, prenait le départ au milieu d’une foule très étonnée de voir une voiture de ce type prendre le départ au milieu de monstres sacrés (51 Ferrari,12 Mercédès Papillon, etc).

C’était l’unique Panhard engagée, très remarquée par la foule qui s’exclamait: «Ha, la Panarde, la Panardina ».

Ils ne laissaient personne indifférent sur le bord de la route qui les menait à Vérone, Vicenza, Ferrara.

A la sortie du contrôle de Vicenza, Jean Antoine glissa dans la conversation : « Tiens, il n’y a plus de freins… ».

Panique à bord, une station Agip est ouverte, il est 1h du matin.

Le chef de station entouré d’une cinquantaine de badauds s’empare de la Panardina, répare, purge et demande pour toute rémunération de faire le tour de la station au volant, ce qu’il fit brillamment sous les viva de ses amis (c’est ça l’Italie !).

Ils repartent ensuite en direction de Ferrara, où ils arriveront à 2h dans une ville pleine d’une foule venue admirer et commenter les 310 équipages (il avait déjà 25 abandons). Classés dans la première moitié, la Dyna X avait respecté les temps imposés.

La mécanique s’était déjà montrée brillante. Le lendemain, départ à 8h, direction Ravenne San Marin sous la pluie, devant l’unique 4 CV engagée.

La journée est bien chargée : 750 kms les séparent de Rome.

Après Rimini, c’est l’épreuve spéciale de la montée de San Marin sous un orage de grêle.

La vue de nombreux équipages en barquette, ils vont apprécier les charmes de la conduite intérieure.

Jean Antoine au volant, utilise à merveille les ressources du bicylindre et de la boite de vitesses.

La voiture fait montre d’une agilité extrême.

Leur classement est remarqué.

L’après-midi est plus clément.

Jean de Lacerda, un ami de Robert venu du Portugal à bord de sa Mercédes 300 SL Papillon, réquisitionne un motard de service pour lui ouvrir la route et invite la Dyna X de profiter de l’aubaine en le suivant.

Ils seront ainsi 5 voitures à lui emboîter le pas d’un train d’enfer.

La Dyna ferme la marche derrière une Mercédès, une Ferrari, une Jaguar, une Alfa, à 120 Km/h à travers villes et villages… Derrière, Jean Favarel arrivait à se faufiler partout avec son DB Le Mans rouge, véritable sésame et Claude Piquet à bord de l’Espace Renault, voiture d’assistance qui avait du mal à suivre.

Claude a eu plus d’une fois peur pour eux car les routes étaient ouvertes et la circulation italienne n’était pas dénuée de risques.

Ancone, Pescara, Chieti, toutes ces villes magnifiques défilaient à toute vitesse au milieu d’une population très démonstrative.

Après une épreuve spéciale de montagne, le moteur se mit à cafouiller quelque peu et grâce à l’intervention de Jean et de Claude, la faiblesse de la dynamo fut remédiée.

Première étape donc, Brescia – Ferrara, où l’arrivée est prévue à 1h00 du matin, après une épreuve spéciale en nocturne à Vicenza – une traversée de Padoue féérique.. sans parler de celle de Vérone, ville des amants !..

Samedi 29 avril – 7h00 :

Départ de Ferrara, autrement dit la nuit fut courte.

Favarel dormait dans son DB sur le parking réservé à l’assistance lorsqu’à 3 heures du matin et ce, pendant 1/2 heure, un hurluberlu a fait des démonstrations d’accélération au volant de sa Porsche 1500 RS, dans un vacarme assourdissant et pour la plus grande joie des habitants de Ferrara qui jouissaient du spectacle, tous groupés aux fenêtres des appartements avoisinants.

Étape du jour: Ferrara- Roma, en longeant l’Adriatique, en se faisant copieusement arroser par un orage de grêle et de pluie diluvienne de Ravena à Rimini, ce qui a d’ailleurs permis à la petite Dyna de « se faire » deux Ferrari dans le même virage à l’épreuve spéciale de San Marino, à la plus grande joie des spectateurs et de J.A. Personnaz qui venait de réaliser cet exploit.

Avant Ancona, casse-croûte rapide, et reprise immédiate de la « poursuite infernale », avec, là encore, une traversée de la ville en trombe.

La Dyna était toujours en tête de sa catégorie, talonnée par une 4CV Renault magistralement pilotée par un italien mais dont les performances ont fait naître un doute sur le diamètre des pistons… vous voyez ce que je veux dire…

Arrêt avant Pescara pour faire le plein, vérifier les niveaux et la petite X, qui est vraiment au sommet de sa forme, quitte le littoral pour s’engager vers Chieti et attaquer la montagne, avec de mauvais cols à passer et qui auront quelques effets néfastes sur son 750 cm3.

Encore 8 kms avant Aquila di Roma, Robert s’arrête.

Après une vérification rapide de l’allumage, Favarel lui conseille de rejoindre Aquila pour « pointer » dans les délais et de s’arrêter en sortie de ville, où sans aucun doute, l’espace Renault dans laquelle se trouve Claude Piquet avec tout le matériel, nous rejoindra.

A Aquila, c’est jour de fête en l’honneur des 1.000 Miglia, comme ce fut le cas sur tout le parcours, les enfants des écoles n’ont pas classe pour pouvoir applaudir les concurrents.

De 3 à 80 ans, l’ambiance est indescriptible.

Il faut sans cesse donner des autographes, comme des champions…

La Dyna a un succès fou et Favarel qui reste derrière, au plus près, s’en rend encore mieux compte que Robert et Jean Antoine qui sont enfermés dans l’habitacle un peu exigu pour eux, avec une vision quelque peu « amoindrie » par les vitres latérales et l’étroitesse du pare brise.. sans parler de la lunette arrière !…

Donc, à la sortie c’est l’arrêt.

Favarel ouvre le capot, vérifie les bougies et pose accidentellement la main sur la dynamo : elle est brûlante.

Le court-circuit a déjà fait son œuvre.

Tant pis, Robert roulera sans phares : DB en tête et Espace derrière la Dyna avec warning.

Rome est encore à 130 kms, il faut y arriver avant 3 heures du matin pour  échapper aux pénalités.

Il est 8h30, c’est faisable.

Favarel essaye alors la voiture et entend un bruit de roulement.

Entre temps l’Espace est arrivé et Piquet va à son tour essayer la voiture.

Il revient livide, teste la roue avant droite : les roulements ont lâché, la roue est prêté à se coucher !

 C’est la tuile stupide alors que la petite Dyna était toujours en tète de sa catégorie et que, sans nul doute, elle aurait été classée entre 35 et 40 ème au Général :  il faut se résigner à l’abandon.

Quelle déception !

Claude Piquet avait préparé un moteur et une boîte à merveille, mais n’avait pas pensé aux roulements qui « baignent » dans une graisse d’époque, plus proche de l’amalgame boueux que du lubrifiant de qualité.

800 kms à un train d’enfer avec force virages en montagne… et voilà le résultat.

La pauvre Dyna va rester à Aquila et sera rapatriée sur Brescia par l’assistance officielle.

Robert, déçu monte dans l’Espace où son épouse partage sa déception sans parler de notre ami Claude qui est effondré.

Quant à Jean Antoine, il prend place dans le DB de Favarel et le cœur bien triste ils  regagnent Rome.

Dimanche 30 avril : étape Rome – Brescia.

Favarel a de nouveau dormi dans le DB et il faut plusieurs accélérations agressives d’une Ferrari 166 MM pour que son V12 le tire de son sommeil…. à 8h15, très exactement.

Il rejoint J.A. Personnaz et, avec deux heures de retard, ils quittent Rome sous un soleil radieux, mais le cœur n’est pas à la fête.

Plus d’assistance à assurer pour la Dyna, assistons donc les autres, éventuellement ?

Ce qui ne tardera pas, puisqu’à 4kms de Viterbo nous trouvons un anglais (l’équipage Harrison – Fraser n°4) qui a littéralement explosé le carter moteur de sa splendide Maserati de 1926.

Avant d’atteindre Radicofani, étape casse-croûte, ils trouveront encore plusieurs équipages en perdition, dont un grand nombre de Ferrari, la 250 Testa Rossa de M. Seydoux étant du lot, BV cassée.

C’est l’hécatombe : sur 315 voitures au départ, 102 vont casser !

Les véhicules destinés à « rapatrier » sur Brescia : les équipes de dépannage ont fort à faire.

La Toscane est traversée à très vive allure : arrêt photo sur la magnifique place de Sienne, émerveillement permanent devant ces demeures raffinées encadrées par deux ou trois cyprès qui semblent incliner leur tête sur notre passage.. et arrivée majestueuse à Florence, derrière une Ferrari « pommée » … qui sera bientôt remplacée par une Alfa de la police italienne qui nous aidera à traverser la ville car, à Florence, à 16 h un jour de 1.000 Miles c’est pas triste !

Les deux policiers parlant un très bon français et d’une extrême gentillesse, les amèneront à la sortie de Florence et ils attaqueront peu après la montée vers le col de la Futa, en croisant une splendide 24 CT italienne qu’ils n’ont même pas eu le loisir de fêter tant notre surprise était grande.

Après la « Futa » il faut s’attaquer au col de la « Raticosa », encore plus dur.

Descente d’enfer sur Bologne-Modene.

Réception à l’usine Ferrari, à laquelle ils arrivent comme les carabiniers c’est à dire, trop tard.

Alors pied à la planche, ils regagnent Brescia vers 19h30 et où l’ambiance de l’arrivée bat encore son plein. Lundi 1er mai : Dans la plus belle salle du palais, remise des prix, à 11 heures, aux 50 premiers classés, sous l’œil des caméras de télévision et devant un public immense.

Un banquet servi dans la cour du palais, clôturera cette épreuve qui reste la plus belle du monde et qui permet une nouvelle fois à Robert d’échanger des paroles amicales avec Olivier Gendebien et, à Sterling Moss, de revivre sa victoire de 1955, année de l’affront suprême qu’il avait fait aux italiens en remportant l’épreuve sur.. une Mercédès 300 SLR.

Tant d’efforts, de soins, ainsi anéantis.

Ils seront la 80ème voiture tombée au champ d’honneur ! Qu’importe, ils auront pu participer à cette exceptionnelle épreuve où la mécanique Panhard avait été brillante, comme toujours, la voiture très remarquée et applaudie : les italiens savent apprécier les belles mécaniques.

Mais cela n’aurait pu se faire sans la collaboration étroite de Piquet et Favarel : le sport auto est aussi un sport d’équipe…

Charly RAMPAL   (sur des souvenirs de Robert Panhard et Jean Favarel)