CD 1962 : LES ESSAIS MOTEURS ET AU MANS
Nous avons vu, dans un précédent article, comment le projet de participation de Panhard au Mans 1962 était né, son organisation et l’ambiance de cette période préparatoire.
Passons maintenant en revu les différents essais des moteurs 702cc retenus et les véritables essais du prototype sur la piste du Mans en avril 1962, quelques mois seulement avant la grande épreuve.
LES ESSAIS DES MOTEURS 702cc
La période va du 10-01-62 au 30-04-62.
3 moteurs de 702cc numérotés de 1 à 3 allaient subir les pires tortures.
Pas moins de 6 arbres à cames différents seront testés.
Durant cette période les travaux suivants ont été effectués :
MOTEUR N°1
1 – Essai des nouveaux pistons Floquet 2258 (MM112079) adaptation des jeux de fonctionnement.
2 – Essai de taux de compression divers avec arbre à cames n°2
3 – Essai de poussoirs de soupapes modifiés par le M.M. (Moteur Moderne).
4 – Nouvel essai de culasse 702, à soupapes et siège série Tigre
5 – Essai de tubulures d’admission M.M. diamètre 32, avec cône de raccordement tubulure-chapelle.
6 – Essai de culasses à soupapes déplacée (AAC n°2)
7 – Essai d’amélioration du refroidissement.
8 – Essai d’arbre à cames (AAC) n° 8, puis n°9.
9 - Etude sommaire de l’entrée d’air du coach.
10 – Essai de culasses à soupapes déplacées et AAC n°6
11 – Essai de nouvelles soupapes d’échappement Jeudy
12 – Nouvel essai AAC N° 6 avec culasse déplacées – soupapes échappement Jeudy.
13 – Test d’endurance dans les configurations ci-dessus (2h 25).
14 – Remise en état du moteur avec pistons et cylindres neufs et AAC n°2
15 – Rodage, contrôle de performance avec huile BP R 30.
16 – Essai d’endurance pendant 12h 40.
17 – Reconstitution du moteur et rodage – huile BP 30 S 1
18 – Essais de bougies Marchal RR 33 HF et RR 33 S
19 – Essais carburation.
20 – Essais sur piste : Monthléry + Le Mans + Monthléry sur tank ex-Chancel
Démontage et inspection du moteur.
Le prototype en tôle, d’abord testé en circuit (Monthléry + Nurburgring), servira de moule aux quatre berlinettes du Mans.
MOTEUR N°2
Pour ce moteur, les essais eurent lieu à Monthléry et au Mans sur la coach en tôle.
Il avait pour but de contrôler les performances en fonction de la carburation, en testant :
1 – La mise à l’air libre des cuves du carbu.
2 – Différents réglages de carburation.
3 – Différents grillages dans la manche à air du coach.
4 – D’améliorer l’entrée d’air dans les carbu.
Puis le travail porta sur la longueur des tubulures d’admission.
MOTEUR N°3
Il sera monté fin mars et comportera toutes les améliorations précédemment validées.
LES ESSAIS DES 7 ET 8 AVRIL AU MANS
Les optimistes envisageaient une hécatombe des records. Les fanatiques venaient admirer les nouvelles Ferrari et découvrir peut-être les nouvelles Masérati.
Les passionnés du bleu de France étaient là pour assister au coup d’envoi du match Deutsch / Bonnet, avec l’arbitrage des Simca-Abarth.
En fait, nous n’avons pas eu ni record battu, encore moins de match ? Les Ferrari furent entrevues comme le soleil et les Masérati déclarèrent forfait :
Attendues comme le messie étaient les deux 100% française : Bonnet-Renault et Panhard-CD.
METTRE PHOTO « CD--LM-62-TOLE STAND »
Déception également pour les amateurs puisqu’aucune des deux était là dans sa forme, définitive.
La Bonnet étant équipée d’un moteur de transition et la Panhard véhiculait une lourde carrosserie en acier !
Il s’agissait surtout, tout argument psychologique mis à part, d’accoutumer les pilotes souvent nouveaux à leur nouvelle machine et de faire les premiers tests grandeur nature.
Un tank Panhard a été amené avec le proto CD en tôle pour des comparaisons.
Attachons nous maintenant à la chronologie des faits (toutes les informations ci-dessous proviennent des documents du M.M. que je possède).
SAMEDI 7 AVRIL
La pluie s’est invitée à cette première journée rendant les conditions de piste difficiles.
Une première séance d’essais à eu lieu de 10h à 12h10.
30 litres d’essence sont mis dans le coach. La suspension arrière est relevée de 25mm. Le premier pilote à s’élancer est Bernard Boyer, la pièce maitresse du projet et pilote hors normes.
Il a du mal à s’élancer des stands, non seulement la première vitesse est longue, mais le moteur est creux à bas régime.
La 4ème développe 31,4 Km/h pour 1000 t/mn.
Des essais d’échappement sont prévus avec silencieux Willman et libre.
Les carburateurs Zénith sont équipés ou non du boitier d’entrée d’air.
Boyer s’aperçoit que la vitesse de pointe diminue au fil des tours. Après plusieurs arrêts la raison est trouvée : un tuyau souple, mettant les cuves des carburateurs en liaison avec la pris d’air dynamique, constituait un siphon dans lequel quelques gouttes d’essence suffisaient pour obturer la mise à l’air des cuves.
Après un arrêt, le retour momentané à un bon fonctionnement puis la dégradation, s’expliquaient par le mouvement du tuyau qui se vidait en suivant l’ouverture du capot, puis se rebouchait progressivement en utilisation par des gouttelettes d’essence : il fallait le trouver !
Une fois ce problème résolu, il fallu bien admettre qu’il y avait un écart important entre la vitesse maximale attendue et la réalité : environ 40 km/h.
Le meilleur résultat fut 163 km/h à 5200 t/mn sur la ligne droite.
La deuxième séance eu lieu de 14h20 à 16h55.
La voiture ne prend pas ses tours en 4ème. L’équipe CD décide de changer la boite pour une 4ème plus courte : 28,7 par 1000 t/mn.
28 litres d’essence sont mis dans le réservoir. L’avance à l’allumage est réglée en conséquence. On recommence les tests sur la carburation et l’échappement.
Tour à tour, Boyer, Guilhaudin et Lelong prennent le manche.
Au niveau du comportement routier, la voiture prend du roulis entrainé par la voie arrière étroite imposé par Deutsch pour obtenir une grande vitesse de pointe.
19 tours seront accomplis soit 256 km. La vitesse de pointe augmente : 175 km/h et les 6100 t/mn sont atteints.
En raison d’un léger bruit de piston gauche, l’équipe CD décide le remplacement du moteur n°2 par le n°3, ainsi que le disque d’embrayage.
Une séance de nuit est obligatoire pour des essais de phares et d’antibrouillard. Elle démarre à 22h et tout se passe bien.
Durant les essais avec le moteur n°2, les températures relevées ont été :
150° – 160 ° aux culasses.
100° - 105° à l’huile moteur en fonctionnement normal.
Accidentellement durant les réglages, les températures des culasses ont atteint 180° et la température d’huile est montée à 110°.
Conditions météorologiques :
A 16h35 – 772 mmHg – température 80°c, vent de 4 à 6 m§s avec des rafales de 10m/s.
La Panhard-CD réalisera les derniers temps de cette séance : Lelong en 5’37’’9, devant Boyer en 5’47’’4.
DIMANCHE 8 AVRIL
Le coach est toujours équipé du moteur n°3 de 702cc.
Différents essais sont programmés :
- carburation : enrichissement progressif + 3 points.
- Avance à l’allumage.
- Echappement Willman et échappement libre.
Au niveau des pilotes, Alain Bertaut a rejoint Boyer et Guilhaudin.
L’amélioration était si faible qu’elle était difficilement chiffrable, tout au plus l’épaisseur de l’aiguille du compte-tours !
La meilleure configuration a été réalisée sans boite à air et échappement libre.
Là encore, les deux dernières places sont l’apanage des hommes de la Panhard-CD : Guilhaudin en 5’53’’2 et Boyer en 6’12’’.
A noter que la Bonnet-Renault aux mains de Gérard Larousse réalisa le 8ème temps en5’23’’2.
L’avantage de la performance pure était largement à l’avantage de Champigny.
Le bilan est donc mitigé. Romani ne semble pas trop préoccupé par l’inefficacité du recalage de la voiture qu’il avait préconisé, pas plus que le manque de vitesse de pointe.
Par contre Charles Deutsch était très déçu, encore plus fermé que d’habitude. Il paraissait désarmé face aux éléments contraires de la dure réalité qui venaient compromettre ses théories.
Mais le but était d’abord d’être présent et de balayer les différents paramètres pour obtenir la meilleure configuration.
LES TEMPS DE CES ESSAIS TOUS CONCURRENTS
Le travail ne fait que commencer et il se poursuivra à Montlhéry.
Charly RAMPAL (sources techniques et chiffrées à partir des documents du M.M.)
Rappel : pour agrandir les photos, cliquez dessus, pour revenir au texte, cliquez sur la flèche du retour en haut et à gauche.