Au lendemain de la Libération, Panhard troqua son haut-de-forme pour la casquette et s’imposa tout d’un coup dans le domaine de la petite voiture populaire.

A vrai dire, la doyenne n’avait guère le choix.

A peine née, la Dyna X s’envola pour la notoriété, pétaradant de ses deux coursiers, telle une calèche aux courbes gracieuses, et richement ornée.

En 53, nouveau pavé : abandonnant le style Louis XV suranné pour une esthétique plus coléoptère, voire cloportesque, Panhard lance la Dyna 2, et part à l’assaut des grandes routières avec un moteur de… 850 cc !

Remarquablement efficace tant sur le plan des performances que de l’habitabilité, la nouvelle Dyna annonce 130 km/h, 7 litres aux 100, et 6 places assises.

Prodige ? Non point; cette Panhard est le fruit de recherches aérodynamiques et techniques, menées respectivement par Louis Bionier,  le père de la Dynavia, et Louis Delagarde, créateur du « flat-twin » Panhard.

En dépit d’une apparente simplicité, le moteur Dyna recèle un nombre impressionnant d’astuces et de perfectionnements techniques destinés à améliorer le rendement, la longévité et le confort, réservant par là-même aux non-initiés, quelques bonnes surprises…

FLAT-TWIN 4 TEMPS

C’est en ces termes que Panhard parlait de son étonnant petit moteur, préférant sans doute plus insister sur le cycle Beau de Rochas, que sur le simple jumelage de deux pistons, technique plutôt motocycliste.

Quoiqu’il en soit, il s’agit bien d’un bicylindre à plat, refroidi par air et entièrement réalisé en alu.

Le carter et le bloc sont coulés en une seule pièce. Les cylindres chemisés en acier traité sont montés sur le bloc, sans joint.

Les cylindres sont borgnes, sans culasse détachable. Les soupapes en V sont enfilées par la chambre (hémisphérique); la distribution est assurée par arbre engrené et culbuteurs.

Les pipes d’échappement servent de support moteur et sont reliées à une traverse tubulaire du châssis par deux gros silent-blocs.

La boîte-pont, il s’agit d’une traction avant, on s’en souvient, est montée avec un démultiplicateur. Extérieurement, l’architecture de ce moteur semble plutôt traditionnelle et simple, surtout quand on connaît la 2 CV Citroën.

Mais il ne faut pas se méprendre : le Dyna est un flat-twin un peu spécial.

VILEBREQUIN A ROULEAU

Louis Delagarde, père géniteur du moteur Dyna était un homme pratique : il détestait les pannes, les bielles coulées et les joints de culasse claqués.

Son moteur devait être à l’abri de telles avaries.

Le joint de culasse fut purement et simplement supprimé : culasse et cylindre sont fondus d’une seule pièce. Quant aux coussinets régulés, souvent à l’origine des casses de bielles, il les remplaça par des roulements à rouleaux de conception personnelle.

En effet, les roulements à rouleaux classiques souffrent d’une usure certaine, de par le frottement des rouleaux entre eux.

Afin de supprimer ce frottement, il dessina des roulements intercalant des gros rouleaux et des petits rouleaux de diamètre inférieur.

Ces petits rouleaux servent de rouleaux inverseurs et permettent aux gros de rouler sans frotter entre eux ; la différence de diamètre permet au man­neton de vilebrequin et à la tète de bielle de tourner librement sans toucher les inverseurs.

Afin d’éviter tout jeu latéral, les bielles sont montées avec deux roulements.

Ce montage de l’embiellage était réalisé exclusivement par l’usine et réputé inusable.

Moyennant quoi, les embiellages neufs sont introuvables.

Avant de remonter un vilebrequin usagé penser à le contrôler.

Les roulements du vilebrequin doivent être vérifiés ou changés.

PIGNONS A CHEVRON

L’arbre à came est relié au vilebrequin par une pignonnerie en chevron. Ce montage offre deux avantages : d’une part le silence de fonctionnement, et d’autre part, la suppression de tout jeu latéral de l’arbre à came, permettant de le monter libre, le vilebrequin étant fixé par les paliers.

En revanche, du point de vue pratique : il faut extraire les pignons ensembles.

D’origine en cèlerons, il est conseillé de les remplacer par des pignons en durai, plus solide et moins polluant. Car le cèlerons se désagrège, par usure, en fine particules qui obstruent toutes les canalisations d’huile et notamment les larmiers du vilebrequin.

Les larmiers sont les rainures pratiquées dans les masses du vilebrequin, rainures qui récupèrent l’huile sous l’action de la force centrifuge et alimentent les roulements

Sans conteste, les larmiers doivent être impeccablement nettoyés pour un remontage correct, et il est même recommandé d’ouvrir le moteur tous les 80.000 km pour les nettoyer.

La vie de l’embiellage en dépend. Etant donné l’aspect borgne des cylindres, les soupapes doivent être montées sur le cylindre avant d’introduire le tout sur le piston.

Le montage des soupapes nécessite un lève-soupape spécial, dont le maniement n’est pas des plus aisé, puisqu’il s’agit de compresser à l’aide d’un levier la soupape, et de l’autre main, le claveter du bout des doigts.

Le rappel des soupapes est assuré, non pas par des ressorts classiques, mais par une barre pour deux soupapes.

Ce système évite l’affolement des soupapes, et limite le nombre de pièces en mouvement préjudiciable au confort et au rendement

Les culbuteurs pivotent sur une rotule, et sont de plus guidés par une série de petites cales qu’il convient de remonter minutieusement.

LE RJH

Une autre particularité du moteur Dyna, est le rattrapage hydraulique du jeu de culbuteur.

En théorie, le principe est simple et astucieux : il s’agit de maintenir constamment en pression le pivot sur lequel s’articule le culbuteur, en utilisant l’huile sous pression.

En pratique, le remontage est assez minutieux, et comporte des risques de fuite; tous les joints (1 cuivre et 2 thoriques par cylindre) doivent être remplacés en neuf .

EQUILIBRAGE DES RAPPORTS VOLUMETRIQUES

Cette particularité, une de plus parmi tous les réglages qui ont fait de nos chers bicylindres de véritables « casse-têtes », est vivement conseillé.

L’opération qui consiste à évaluer l’épaisseur de ces cales est des plus simples et il est regrettable que beaucoup de panhardistes avertis remontent des moteurs sans se soucier de l’importance de l’équilibrage des rapports volumétriques.

Pour cela 3 types d’outils sont nécessaires :

– Un petit palmer

– Une éprouvette

– Une pipette de 10cl et graduée en ml. Tout cela, je l’ai raconté dans ma rubrique « Technique 2 ».

LE REFROIDISSEMENT

Le refroidissement par air, assuré au début par deux petites hélices, puis par une grosse hélice centrale, a été notablement amélioré en 57 par le système Aérodyne de refroidissement par air forcé .

L’hélice a été remplacée par une turbine consommant moins d’énergie et débitant plus d’air ; un carénage en alu a enveloppé turbine et cylindres dans un même élan protecteur ; en outre, une couche de laine de verre a été intercalée entre le carénage et les cylindres.

Ainsi, le refroidissement des cylindres a été accru, tout en abaissant le niveau sonore de ce moteur.

Adieu les joyeuses pétarades qui scandaient les feulements d’air.

La Dyna devenait silencieuse et digne, et chauffée, car l’air chaud caréné continuait son chemin au travers de l’habitacle, pour le plus grand contentement des passagers qui se gaussaient des rigueurs hivernales

L’EFFET CHALUMEAU

Une attention toute particulière doit être apportée au remontage des tubulures d’admission.

Celles-ci sont fixées au cylindre par une bride en fer maintenue par trois boulons.

Sous l’effet de la chaleur et des serrages successifs, il arrive que cette bride se déforme en s’arrondissant.

Avant de procéder au remontage, il faut vérifier la planimétrie des brides et les « rectifier », si besoin est, par un solide coup de masse sur la tête.

Si l’on ne prend garde à ce détail, on risque de laisser un espace qui, avec l’aspiration, prendra la forme d’un appel d’air et d’effet chalumeau sur le piston : en général, il perce avant la fin du rodage.

Il faut serrer les brides sans les écraser, ni les déformer.

La pression doit se répartir sur toute la surface de la collerette et non sous les têtes d’écrous.

L’effet chalumeau a pour conséquence le perçage des pistons, c’est du vécu !

DES OUTILS TRES SPECIAUX

L’allumeur et la pompe à essence sont montés sur un axe relié à l’arbre à came

Cet axe comporte un dépresseur qui s’ouvre vers le reniflard pendant le temps d’échappement, afin d’évacuer la surpression et l’huile en suspension.

Ce dépresseur doit être calé sur le PMH avec un angle variable selon le type de moteur.

Ce calage nécessite une clef très spéciale comportant un repère étalonné que l’on monte à la place de l’allumeur; le moteur étant au PMH (repère sur le volant moteur), il faut faire tourner l’axe, jusqu’à ce que la partie pivotante de la clef coïncide avec le repère porté sur la platine support

Ce calage est difficile et précis.

Un mauvais calage entraîne des pertes d’huile au niveau des joints de paliers.

La pression d’huile et d’essence doit être vérifiée.

Une fois remonté, le moteur aura besoin d’un rodage : d’abord au banc pour tout vérifier avant montage dans la voiture

La réussite, tant commerciale que sportive de la Dyna, confirme les possibilités et les performances de cet étonnant flat-­twin, qui plus que tout autre peut avancer un très bon rendement (60 cv au litre pour un moteur de série), une sobriété exemplaire, et une résistance à toute épreuve.

Mais le succès de la Dyna tient aussi à la conception et la réalisation de la caisse

A l’origine, et à l’image de l’AFC-Grégoire, dont elle s’est inspirée, la Dyna fut conçue tout alu.

Le gain de poids important résultant de l’utilisation de l’alu (la caisse de la Dyna X pesait 280 kg), permit de mettre largement en valeur les possibilités de la mécanique, plaçant les Dyna, au point de vue accélération, bien avant les 203, Aronde, Frégate et autre Vedette.

A cela, il faut ajouter un aérodynamisme étudié de très près en soufflerie et corrigé sur le terrain : à l’aide de petites girouettes montées sur ventouses, que l’on filmait à toutes les allures; le film était ensuite confronté avec les plans de la voiture

Ajoutons que l’aérodynamisme de la carrosserie ne s’est pas fait au détriment de l’habitabilité, ni de l’accessibilité aux différents organes. Loin de là…

Aujourd’hui, le vilebrequin peuvent être refait et les soupapes pour le sans-plomb montées, ce qui permet d’oublier l’additif l’essence du commerce.

Un allumage électronique est aussi conseillé : il supprime les problèmes de vis platiné et de condensateur. La encore, c’est du vécu pour être tombé en panne en plein rond point !

Voilà rapidement brossé la conception et les attentions particulières à apporter à notre moteur qui ne supportent pas « l’à-peu-près ».

Si OK, alors la fiabilité sera de mise, comme ceux que Bertrand Hervouet m’a réalisés pour la série et Reynald Vercoutter pour la compétition…

Et maintenant, bonne route en Panhard bien sûr…

Charly  RAMPAL (Photos couleur de Reynald Vercoutteur)