LA PANHARD GHIA-AIGLE
La Dyna Ghia-Aigle fait encore partie de ces innombrables dérivés du début des années cinquante où la mécanique Panhard créée par Louis Delagarde, faisait le bonheur d’une multitude d’artisans et carrossiers en tout genre : du plus connu au bricoleur génial.
De mon côté j’ai eu la chance d’en approcher deux : celle de Joël Brunel et celle de Matthieu Cognet.
Mais cela à suffit pour déclencher en moi, une recherche approfondie sur l’historique de cette voiture, que je vous fais partager à travers mon récit.
Les origines de la firme Ghie-Aigle remontent à l’après-guerre.
Créée par un certain M. Philippi, il obtint de la maison Ghia à Turin, le droit d’utiliser ce non célèbre nom bien connu dans la galaxie des carrossiers italiens.
LA CARROSSERIE GHIA
La Carrozzeria Ghia a été fondée par Giacinto Ghia, né à Turin en 1887 qui commence à fabriquer des carrosseries de voitures de sport dès 1915.
Ghia ne peut supporter que ses ateliers soient bombardés par les Alliés en 1943, si bien qu’il meurt le 21 février 19444.
L’affaire est reprise par plusieurs de ses collaborateurs, dont le fameux Felice Mario Boano qui crée plusieurs modèles pour Ferrarii entre 1950 et 1956.
Le début des années 1950 est marqué pour Ghia d’une collaboration avec Virgil Exner pour Chryslerr.
Différents modèles de série et de concepts seront produits en tant qu’études de style.
Mais la création la plus connue de ce carrossier est le coupé Karmann Ghia, dérivé de la Coccinelle.
Après une période difficile, la société Ghia est reprise en 1973 par le constructeur américain Fordd avec qui Ghia avait longtemps travaillé auparavant.
Depuis lors, le nom Ghia figure sur les modèles haut de gamme et à la finition luxueuse du constructeur.
LA FIRME GHIA AIGLE
Avec cet accord en poche, la firme Vaudoise présenta en 1949 un break Mercédes 170V.
A partir de ce moment là, Ghia-Aigle sera présent chaque année au Salon de Genève.
Des voitures de toutes origines ont été traitées par ses ateliers : Singer 1500, Jowett Javelin et Jupiter, Alfa-Roméo 1900, Jaguar MKVII, Bugatti, MG TD, Fiat 110, Volkswagen Lotus Elite, Lancia Appia,…
Mais, les deux firmes, Ghia-Aigle et Ghia de Turin restèrent indépendantes, la firme Suisse travaillant le plus souvent avec le styliste italien Michelotti.
Mais au Salon de Genève 1958, Ghia-Aigle dévoile sur son stand le prototype de la Renault Floride, ce qui déclencha la colère de Michelotti.
Il s’agissait en réalité d’un règlement de compte avec Frua qui avait réalisé le prototype pour Ghia en Italie (lui-même travaillait pour le compte de la Régis Renault) et qui, n’ayant pas été payé, se vengeait en exposant la voiture, provoquant ainsi un beau scandale !
La dernière création de Ghia-Aigle fut un coupé Jaguar en 1960.
En 1952, alors que l’importation des Panhard en Suisse est confiée au Grand Garage Schweizer de Lausanne.
La Dyna X, est alors intéressante à plus d’un titre pour un carrossier : c’est une des dernières autos de grande série de sa génération à conserver le châssis séparé qui facilite le travail ultérieur des carrossiers souhaitant en réaliser des versions utilitaires ou plus ludiques, comme les cabriolets et les coupés qui tardent à être inscrits aux catalogues des constructeurs eux-mêmes.
De plus, son châssis est brillant, doté de quatre roues indépendantes et motorisé par une mécanique au rendement étonnant pour un aussi petit bicylindre. Vous ajouterez qu’il est celui qui consomme le moins, ce qui est vrai.
C’est donc Michelotti qui dessine en quelques jours la ligne du cabriolet d’où découlera le coupé.
Soucieux d’offrir à sa clientèle quelques modèles sortant de l’ordinaire, Schweizer se tourne vers Ghia-Aigle et lui commande dans un premier temps un cabriolet d’aspect sportif.
En quelques jours, Michelotti, réputé pour sa rapidité d’exécution et pour n’être jamais aussi bon que dans l’urgence, dévoile une série de croquis.
Et dans la foulée, le garage se fait livrer trois châssis le 7 janvier 1953.
Un à mécanique 750 (4 CV) que l’on reverra au Salon de Genève en mars,
Ce modèle était équipé du moteur de la Dyna X86 dérivé de la Junior, mail il n’en reprend aucun élément de carrosserie
Puis au concours d’élégance de la Rose d’Or toujours à Genève (immatriculation GE 30518), et deux autres à moteur 850 (5 CV).
Dans le courant de cette même année, dix autres châssis Dyna 130 x 87 franchissent la frontière pour transiter par Lausanne avant de recevoir leur nouvelle carrosserie à Aigle.
C’est l’un d’eux qui va servir de base au coupé que Michelotti extrapole du cabriolet et qui est présenté au Salon de Bruxelles en janvier 1954.
On sent immédiatement l’influence de certains dessins de Pininfarina, principalement celui de la fameuse Lancia Aurélia PF200 dévoilée en 1952.
On y retrouve la calandre ovale, presque ronde, l’avancée des ailes, les bananes de pare-choc verticales, les clignotants engoncés dans un creux de part et d’autre, la crête sur le capot moteur, mais cette fois un pavillon prolongeant harmonieusement la baie de pare-brise et implanté très bas pour ne pas nuire à la ligne.
L’arrière se distingue par ses petits ailerons, une particularité anatomique qui préfigure la mode de la fin de la décennie.
L’accès au coffre se fait par l’arrière de l’habitacle, car il n’y a pas de couvercle de malle, non pour des soucis de rigidité compréhensibles sur la version décapsulée, mais pour ne pas compliquer inutilement le travail des tôliers-formeurs qui façonnent, à la main, chacun des éléments avant de les souder ensemble et de fixer la carrosserie au châssis…
Si l’allure est élégante et sportive : la voiture va plaire immédiatement, ce qui pousse Ghia-Aigle à en fabriquer plusieurs exemplaires et développer d’autres variantes.
Un coupé d’abord qui garde l’arrête du capot, les ailerons à l’arrière et le décrochement de l’aime arrière.
C’est ce modèle qui sera exposé sur le stand Panhard au salon de Genève de janvier 1954.
Si le côté esthétique est réussi extérieurement, l’accès à bord n’est pas du même plaisir et pas très pratique : on tombe alors dans les sièges tout en veillant à ne pas heurter le haut de l’encadrement de porte (un vrai challenge), on tutoie le ciel de toit.
Sur ce modèle exposé, il semble que déjà, il recevait l’arbre à cames spécial Nardi et la tubulure à 2 carburateurs Del’Orto, toujours monté sur le 750cc.
Dans cette configuration « compétition », la puissance passe à 52 ch, ce qui permet à la voiture qui ne pèse que 520 kg d’atteindre presque les 160 km/h : merci au châssis ultralégers et à poutre centrale.
Le coupé Grand Sport, présenté au salon de Genève deux mois plus tard, diffère déjà sensiblement de son homologue de Bruxelles, avec une partie arrière lus fine entièrement redessinée, un pavillon surbaissé, une lunette arrière panoramique, et enfin un museau rendu plus agressif, grâce à la calandre plus inclinée et la disparition des butoirs de pare-chocs.
Autres modifications : le capot avant est pat, les clignotants ont émigré sous les phares, et une sorte de fausse prise d’air chromée sur l’aile arrière un copier / coller de ce que seront Dauphine et Floride un peu plus tard !
Ce modèle est incontestablement le plus racé et le plus sportif.
Une troisième version, sorte de coupé, sera révélé au même salon.
Il reprenait cette fois le pavillon non surbaissé du premier coupé, une nouvelle partie avant, une calandre horizontale en deux parties et prise d’air sur le capot. Pas facile de s’y retrouver avec tous ces modèles réalisés dans la foulée !
Le coupé était disponible soit en version luxe, soit en version Grand Sport, sans qu’une apparence extérieure semble les distinguer.
En tout, une vingtaine de voitures en tout : moitié luxe, moitié sport.
Elles seront distribuées par l’importateur Panhard en Suisse.
Mais, grâce à l’initiative prise par Jacques Coune, une dizaine de voitures à carrosserie Ghia-Aigle ont également été vendues en Belgique par l’importateur DE Hemptine.
Elles étaient assemblées en Belgique avec les éléments mécaniques fournis par Panhard et les éléments de carrosserie envoyés de Suisse.
Au total, 7 cabriolets et coupés auraient été vendus en Belgique, dont une à G. Welter, le coureur automobile, fils de l’agent Panhard d’Anvers, entre l’été 53 et L’été 54.
Si l’on prend en compte toutes les versions et destinations confondues, Ghia-Aigle aurait donc habillé environ 35 à 40 Panhard.
UNE DES SURVIVANTES
Celle de Joël Brunel en particulier : photo et vidéo, comme si vous y étiez.
VIDEO :
Charly RAMPAL (D’après ma documentation et les informations de Bernard Vermeylen)