« Jamais tant ne fut fait et donné avec si peu… » : cette parodie de la célèbre phrase de Churchill résume parfaitement la philosophie du Junior Panhard.

Le Junior n’est rien d’autre qu’une voiture conçu pour les jeunes et… « ceux qui savent le rester ! »

RAPIDE RAPPEL HISTORIQUE

Présenté au salon d’octobre 1951, le Junior enrichit la gamme Panhard de 1952.

Pour respecter la philosophie évoquée plus haut, il est annoncé à 549.000 F, moins cher que la berline et que les modèles sportifs présents sur le marché.
Etabli à partir du prototype rudimentaire Di Rosa, le Junior reçoit d’abord un pare-brise rabattable avant d’être équipé d’un pare-brise fixe en trois parties au printemps 1952.

Animé par un moteur de 745cc Sprint de 4cv fiscaux, le Junior dispose de 38 ch à 5.000 t/m.
Carburateur double corps Solex 30 PAAI, même taux de compression de 7,5 à 1 que les berlines X86 et X86 Sprint.

La vitesse est donnée pour 130 km/h.

Empattement voies identiques à ceux de la berline Dyna, mais longueur = 370 cm, largeur = 140 cm et hauteur = 128 cm avec capote fermée.
Poids = 635 kg soit 55 kg de plus que la berline.

En 1953, le Junior bénéficie du nouveau moteur 130 de 850 cc donnant 40 cv puis 42 au cours de l’année.

Elle hérité également, vers la fin de l’année, d’une nouvelle calandre.

Elle évoluera encore par de menus détails : pare-chocs, feux arrière, tableau de bord… Jusqu’en 1956 où il ne sera fabriqué que sur commande.

ESSAI DU MODELE 1953 DE JEAN-PIERRE ALLAIN

C’est au volant du magnifique Junior de 53 que possède toujours mon ami JP Allain que j’ai pu apprécier cette voiture hors norme.
Il me l’avait prêté pour un Rétromobile 2003 pour le présenter sur notre stand du DCPL avec son célèbre Pichon-Parat.

Pour me l’avoir laissé pendant la semaine qui précédât l’évènement, j’ai pu en déguster toutes les qualités avant de le ranger dans mon box à Arcueil.

C’est un Junior bleu marine, qui se présente dans un état proche du neuf car 13.000 km d’origine !

Acheter un Junior en 1953, c’est affirmer sa différence au volant d’un engin à la fois sportif, rudimentaire et sans complexe.

En effet, il n’existait à cette époque, aucune version performante dérivée des véhicules de la grande série.

Mais l’inspiration de Panhard allait offrir au marché français une version roadster deux places de sa brillante petite Dyna X ;

Malgré la simplicité de sa construction, la marque de la Porte d’Ivry s’attacha à en faire une véritable voiture.

Si l’infrastructure – Châssis, moteur, transmission, suspension – reprend directement celle de la Dyna X, il est dommage que sa carrosserie ait été réalisé en acier au lieu de l’aluminium.

Si l’on gagne en économie, les 55 kg de plus ne la mettent guère au-dessus de la berline.
Mais il faut reconnaître que la simplification extrême favorise sa réalisation en évitant les embouties de tôles formés alors sur rouleaux.

Cette carrosserie était ensuite fixée sur une carcasse tubulaire renforcée par deux gros longerons.

Son équipement rudimentaire surprend à notre époque, mais par rapport à ce qui se faisait au début des années cinquante, elle ne choque pas. Tout est pensé pour le plaisir de conduire et les sensations cheveux au vent.

Seul, l’extrême petitesse du pare-brise me gène lorsque la capote est en place. Sinon, elle se rapproche plus d’une barquette de course qu’un « ramasse pucelles ! »

Et je me suis toujours demandé à quoi ont pu servir les 400 dessins techniques du bureau d’étude Panhard pour arriver à une telle simplification d’autant que la voie avait été tracée par le prototype Di Rosa ! Allez comprendre !

L’intérieur est du même acabit : volant trois branches en plastique de la berline accroché à un simple repli de tôle qui s’habille d’un cadran à oreilles 4cv Renault qui est bien sûr repris sur la berline.

Sur la colonne de direction, un combiné déclenche les phares, les clignotants et l’avertisseur.

Sur la gauche, un bouton (qu’on pourrait assimiler à une commande de clignotant) permet de jouer avec l’avance, complicité extrême avec la voiture.

Se glisser au volant, n’est pas un vain mot, car le skaï de la banquette est aussi adhérent qu’une piste de Bob ! Elle présente la particularité de ne pas être réglable, ce qui entraîne une position particulière peut adapter à la conduite sportive.

Habitué à la place que laissent aux passagers, les Panhard, je suis surpris par le manque d’espace du Junior.

Le plancher est certes plat, mais la forme évasée des longerons s’élargissant vers le compartiment moteur limite les déplacements des jambes.

Mais le point le plus noir reste pour moi la distance avec le volant, bien trop près : conduite bras tendus impossible ! Ce qui nuit considérablement à une bonne maîtrise du pouvoir directionnel.

Pour le reste, celui qui connaît les Dyna X ne sera pas dépaysé : levier de vitesses et frein à main.

Découverte, la visibilité est parfaite, mais s’il pleut et avec la capote, il vaut mieux s’accompagner d’une canne blanche pour suivre les trottoirs ou les bas-côtés !..
Affreux comme dirait Jean-Pierre Papin…

Pour l’hiver, je ne vous raconte pas : le chauffage n’existe pas. D’ailleurs il ne servirait à rien tant les fuites sont nombreuses !

Dans les années cinquante, l’accessoiriste Célerier proposait un hard-top plus indiqué pour passer la saison.

UN COMPORTEMENT ROUTIER EXEMPLAIRE

Equipé d’un Neiman, un demi-tour suffit pour mettre le contact, puis la tirette du démarreur ramenée vers soi, permet au bicylindre de se faire entendre dans son bruit de machine à coudre Singer que j’avais oublié, habitué au moteur refroidit par la turbine.. Un réel progrès !

Assis en position oblique, le Junior me rappelle le temps des Dauphine et 4cv qui nous obligeaient à regarder la route par-dessus notre épaule gauche !

Même si le maniement du levier de vitesses demande une ré-habitude, l’enclenchement des différents rapports se fait sans problème et toutes les qualités mécaniques des Dyna X se retrouvent dans cette boule de nerf.

Je passerai donc sur tous ces points positifs chers à notre passion pour Panhard.

Seule inquiétude, la vue des pneus étroits de 145 x 400. Mais je dois reconnaître que la tenue de route reste très bonne et le Junior donne la sensation d’accrocher à la route quelles que soient les circonstances.
Le "toucher de route", comme on dit aujourd’hui, est très agréable.

C’est donc en mouvement que le Junior s’exprime pleinement, même s’il faut s’accrocher au volant pour ne pas se retrouver dans les virages à gaucher à la place du passager… Mieux vaut alors emmener une compagne : vous aurez ainsi un alibi pour une approche amicale !

Quant à la suspension, elle est comme je les aime : très ferme. Elle prédispose à la conduite sportive et permet un contrôle précis de la trajectoire en toute circonstance.

Que dire en conclusion. Le Junior est avant tout une voiture d’ambiance. Celle que j’aurai aimé posséder dans ma jeunesse (mon père ayant une Dyna X) pour faire à la fois St Antonin, le Ventoux, mais aussi faire « le crapeau » le long de la corniche à Marseille (le côté glissant de la banquette bien sûr !!!).

Aujourd’hui, elle surprend à peine dans la circulation : anti conventionnelle.

Moi, je la verrai bien avec un saute vent, un couvre tonneau, un siège baquet et un repose tête aérodynamique style Jaguar D du Mans 59 : quel pied !

La carrière sportive du Junior n’est qu’anecdotique, pourtant certains s’y sont essayés, sans succès. Comme ici au Mans où l’on voit Charles Faroux briefer les pilotes devant leurs Junior.

Et qui se traduira par quelques courses sur le circuit du Mans, comme ici Monique Saussier de Pantin :

Ou bien en course de côte comme celle de Sablé avec Provost d’Angers :

Puis, dans les années 80, un grand nombre va l’utiliser en VEC (Véhicule d’Epoque et de Compétition) qui deviendra ensuite le VHC (Véhicule Historique de Compétition).

Les voici rassemblés en quelques photos :

Mais ces rassemblements avaient surtout le bon goût des copains heureux de piqueniquer en famille au pied de leur voiture :

Cependant, les deux seuls qui furent capables d’améliorer l’engin et d’en tirer la quintessence seront Jean Krenzer :

Et Jean-Paul Lefèvre dont j’ai publié un article dans la rubrique « VOITURES – Sport-Proto ».

Charly RAMPAL