LE JUNIOR A COMPRESSEUR DE 1954
Suite à mon article précédent sur les surpresseurs/compresseurs adaptés aux moteurs Panhard, concrétisons en les bienfaits sur un Junior équipé d’un compresseur à travers un essai sans concession que nous avait proposé l’A.J. en avril 1954.
Cet équipement était livré sur les Juniors à la demande du client, moyennant un supplément substantiel.
GROUPE MOTO-PROPLULSEUR
Le montage d’un compresseur sur le 850 cc qui équipe le Junior, a conduit à modifier un certain nombre de caractéristiques du moteur.
Tout d’abord, le rapport volumétrique a été ramené de 7,25 à 6,5.
Le double corps a été abandonné au profit d’un 32 qui équipait naguère la Dyna Z, mais muni cette fois d’un réglage spécialement riche.
De plus, des bougies froides ont été adaptées et le jeu aux culbuteurs s’est vu augmenté dans de sensibles proportions.
Enfin, les tubulures d’admission et d’échappement ont été partiellement redessinées.
Etudié par la firme DB, comme vous l’avez lu dans mon article sur ce sujet, le compresseur pour ce type de moteur a été réglé et validé à 350 gr de pression.
Les caractéristiques qui en découlent et données par la Maison, accordent à ce montage une puissance maximum de 55 ch à 5.000 t/mn.
A son volant, la voiture ainsi équipée est réellement plus agréable à conduire que la version normale de série.
La souplesse est inhabituelle, digne d’un 4 cylindres de cylindrée plus importante et aussi une nervosité nettement accrue.
Alors que le Junior de base ne dépasse pas 125 km/h dans les meilleures conditions, cette version bodybuildée atteint les 144 km/h.
L’amélioration des performances est donc convaincante et aucun reproche ne peut être adressé à la voiture sur ce sujet, ce qui est l’objectif de ce choix.
Bien entendu, tout plaisir se paye et, la consommation augmente dans la proportion de 1 à 3 litres, suivant la vitesse et la façon de conduire.
Il est évident que ce bilan ne satisfaisait pas tout le monde, mais boire ou conduire, il faut choisir !
Autre prix à payer, le bruit supérieur du fait du compresseur dont la présence se manifeste par un sifflement désagréable. Mais les versions suivantes du compresseur amélioreront ces nuisances sonores.
Curieusement ce choix porté sur le montage d’un compresseur doit intéresser plus l’usager normal que le sportif.
En effet, la voiture munie d’un compresseur est le plus souvent désavantagée en compétition par son calcul en équivalence de cylindrée, alors que l’automobiliste moyen ignore totalement ce genre de préoccupation.
Le compresseur est d’un grand intérêt à vitesse moyenne, là où sa gourmandise n’atteint pas des proportions gigantesques, par suite de la souplesse de conduite qu’il permet et de l’accroissement de la puissance disponible à tout instant.
Les dépassements sont toujours grandement facilités, les manœuvres de la boite de vitesses sont réduites au minimum et le montage sur l’admission d’un indicateur de pression prouve qu’il est possible d’évoluer au voisinage de la pression atmosphérique et sans infliger à la mécanique une fatigue exagérée.
En revanche, l’arrivée brutale de la puissance accrue soumet le moteur à des efforts importants, tandis que la consommation augmente dans des proportions que certains jugeront alarmantes.
Par ailleurs, il convient de respecter scrupuleusement les réglages de carburation et le choix des bougies d’un moteur ainsi équipé, sous peine d’incidents graves, particulièrement en ce qui concerne les pistons.
L’alimentation doit être également traitée avec soin, et c’est ainsi que le Junior à compresseur est équipé d’une pompe à essence électrique.
En ce qui concerne la transmission, les trois rapports intermédiaires ainsi que la double démultiplication du pont n’ont pas subi de changements, mais la 4ème a été sensiblement allongée et développe maintenant 27,1 km aux 1000 t/mn, contre 25,5 pour le type normal.
On atteint ainsi 144 km/h à un peu plus de 5.500 t/mn, régime maximum normal du 850.
LES PERFORMANCES DETAILLEES
ANALYSE DU COMPORTEMENT
Cette solution est relativement peu coûteuse pour le constructeur, mais l’écart accru entre la 3ème et la 4ème se fait souvent sentir lorsqu’on exige le maximum de la voiture et il semble qu’un certain allongement de la 3ème permettrait de mieux exploiter les nouvelles possibilités de l’ensemble.
Notons qu’avec l’augmentation de la performance, Panhard n’a pas négligé les environnements de sécurité comme le freinage et la tenue de route.
Pour le freinage, Panhard en a profité pour changer de fournisseur pour ses garnitures de freins.
Le résultat est sans appel et on note une indiscutable amélioration de la tenue à chaud et une efficacité évidente malgré un usage volontairement immodéré.
Quant à la tenue de route, le bilan est largement positif, que ce soit en ligne droite ou en virage, en plaine ou en montagne, la voiture se contrôle d’une manière extrêmement satisfaisante : du pur Panhard quoi !
N’importe quel virage peut se prendre à des vitesses parfois surprenantes et si les pneumatiques accusent quelquefois une usure rapide, il faut avouer qu’ils sont mis à rude épreuve.
Et encore à cette époque, il n’y avait pas encore les XAS de chez Michelin et encore moins des FF : on imagine le potentiel !
Mais, il ne faut pas tomber dans l’excès d’enthousiasme que certains écervelés pourraient se laisser griser par les qualités du Junior et oublier qu’il faut quand même le tenir sur la route.
Les caractéristiques de la suspension ne paraissent pas avoir subi de gros changements, et le comportement de la voiture est demeuré semblable au modèle de base qui avait déjà une grande marge de sécurité.
Enfin, la direction est toujours d’une grande précision et donne toute satisfaction, mis à part une jante de bakélite glissante et fine : une paire de gants en cuir s’impose.
Je ne reviendrai pas sur les autres caractéristiques du Junior en termes d’habitabilité, de finition et d’accessoires.
Rappelons encore une fois : la faiblesse ridicule de l’avertisseur, la lenteur des essuie-glaces, déjà que la visibilité en temps de pluie n’est pas bonne, et surtout la contenance très insuffisante du réservoir d’essence, car en usage maximum de la voiture, un ravitaillement tous les 200 km s’impose : un réservoir de 50 litres serait le minimum.
Ainsi ce Junior à compresseur représente une tentative intéressante, non seulement pour ceux qui ont la performance dans le sang, mais qui est aussi un gage de sécurité pour doubler ou se dégager d’une situation imprévisible à la place d’un freinage toujours délicat.
Ce Junior pouvait faire dans les années cinquante, jeu égal avec des voitures alignant le double de sa cylindrée et sa conduite est toujours agréable, comme toutes les Panhard.
Charly RAMPAL d’après l’essai d’André Costa