Les problèmes aérodynamiques ne peuvent être résolus d’emblée sur le papier. D’autant qu’à cette époque CAO et PAO n’étaient même pas à l’état de projet. Avant de passer à l’expérimentation sur route, supposant un véhicule achevé, on est amené par la force des choses, à recourir, dans un stade précoce des études, à des essais sur modèles non fonctionnels dans une soufflerie aérodynamique.

Le principe est des plus simples : la maquette est maintenue immobile près d’un plancher simulant le sol et la soufflerie fournit un courant d’air constant qui représente un vent relatif.

La réalisation, par contre, est complexe et délicate, comme nous l’explique Lucien ROMANI:

 » Pour représenter la réalité, la vitesse du courant d’air artificiel doit être uniforme dans l’espace et dépourvue de fluctuations aléatoires dans le temps.

Ce programme difficile est réalisé dans des laboratoires spécialement outillés, non seulement pour produire le courant d’air, mais pour mesurer sa vitesse ainsi que les efforts et les pressions locales qu’il exerce.

Choix de l’échelle. Toutefois une installation donnée ne peut fournir des résultats exacts que si la taille de la maquette est comprise entre deux limites : trop grande, la maquette engendre ce que l’on appelle « l’effet bouchon » : le courant d’air, resserré entre les parois et l’obstacle, produit des effets qui ne dépendent plus seulement de la forme de celui-ci mais surtout de la proximité de celles-là; trop petite, elle conduit à des nombres de Reynolds trop faibles, soit pour l’ensemble de l’écoulement, soit pour certains détails qui cessent alors d’être représentatifs.

En effet, la vitesse de la soufflerie est limitée par la puissance installée de sorte que c’est la taille de la maquette qui fixe les nombres de Reynolds.

Il faut donc viser dans une fourchette, sauf si l’on dispose d’une soufflerie très grande. Il existe, en effet, quelques souffleries dans le monde qui peuvent même expérimenter sur voitures réelles mais on y recourt que très exceptionnellement pour des raisons de prix et de délai.

On discerne d’ailleurs des raisons subsidiaires qui militent pour l’échelle maximale compatible avec un effet bouchon négligeable. C’est, d’une part, une plus grande fidélité dans le représentation des détails et, d’autre part, une plus grande précision dans les mesures d’efforts.

En pratique, on recourt le plus souvent à des maquettes de l’ordre du mètre de longueur, soit échelle 1/5 en général, exceptionnellement 1/4 dans des souffleries dont la veine offre une section de 3m2 ou plus.

Pourvu que la vitesse de l’air puisse atteindre ou dépasser 80 km/h les nombres de Reynolds sont suffisants. Avec des ordres de grandeur inférieurs, la validité des mesures devient incertaine, même à titre comparatif. »

A propos de la maquette, beaucoup de questions préalables se posent, par exemple :
– doit-on faire tourner les roues de la maquette?
– doit-on la doter d’un radiateur et, s’il y a lieu, d’un ventilateur comme un véhicule réel?
« En principe, évidemment, la réponse serait affirmative. En pratique, des accommodements sont admissibles.

Tout d’abord, sauf cas exceptionnel, on ne fait pas tourner les roues, des essais ayant montré que la traînée d’une roue ne change guère avec sa mise en rotation même lorsqu’elle est libre dans l’espace.

Evidemment, il existe en plus un couple résistant dû à la viscosité de l’air qu’on appelle, improprement, « couple de ventilation » . En un certain sens c’est une traînée déguisée. Mais ce couple est peu important et il peut être considéré comme compris dans la résistance au roulement au même titre que le couple résistant des moyeux.

Il est clair en effet que, lors des mesures de résistance de pneumatiques, on ne prend pas la peine de retrancher les effets de ces couples. C’est seulement avec des roues à rayons, non enveloppées, que le couple de ventilation pourrait devenir non négligeable. Quoi qu’il en soit, si besoin était, une méthode, facile à imaginer, de décélération en roue libre, en vraie grandeur et au point fixe, permettrait aisément la mesure de son moment.

Quant à la portance propre des roues due à leur rotation, dite « effet Magnus », c’est une question à l’ordre du jour pour les voitures de compétition, mais elle est encore controversée.

La question des écoulements internes, qu’il s’agisse du refroidissement du moteur, des freins ou de tout autre circuit est également fort complexe. Ces écoulements ne peuvent évidemment être mis au point à petite échelle, mais l’on peut, et l’on doit, étudier leurs interactions avec l’écoulement extérieur, car elles peuvent jouer un rôle important.

On procède au lieux ainsi : on représente fidèlement les entrées et les sorties d’air, mais , à l’intérieur de la maquette, on se contente d’un circuit arbitraire ou, plutôt, organisé pour permettre le réglage et la mesure du débit.

Il suffit de ménager dans la maquette un circuit peu résistant et d’intercaler dedans une perte de charge étalonnée dont le coefficient ait la même valeur que le radiateur réel, valeur que le fabriquant indique.

Le fait que l’écoulement à la sortie soit froid dans la maquette et chaud en réalité constitue une approximation acceptable pour un radiateur d’automobile ordinaire qui n’échauffe l’air que de 30 ou 35° tout au plus.

Quant à l’échappement d’un moteur à combustion interne, on ne le représente pas, vu son débit insignifiant.

En ce qui concerne les radiateurs ventilés, le ventilateur n’est indispensable en maquette que dans la mesure où l’on ne peut pas rétablir autrement la valeur réelle du coefficient de débit.

La maquette doit être ensuite montée sur un appareil spécial appelé « balance », qui mesure les différentes composantes. Des pièces intermédiaires conçues et réalisées spécialement peuvent être nécessaires. Elles sont réduites au strict minimum si la balance est installée dans l’épaisseur du plancher.

En outre, la maquette doit être maintenue sans frotter au voisinage d’un plancher simulant le sol dont la soufflerie est équipée.

Le montage des roues doit permettre leur déplacement individuel en hauteur pour assurer les changement d’assiette éventuels ou la compensation de défauts géométriques. »

Dans le choix des matériaux (bois, résines synthétiques, plâtre à modeler, etc,…) et dans les procédés de fabrication, que doit-on viser ?

 » – un poids modéré acceptable pour la balance;
– un état de surface excellent;
– des formes exactes à 1/2 mm près, ou mieux;
– des possibilités de retouches rapides.

Pour préciser ce qui concerne l’état de surface, on admet que celui d’une voiture neuve est très bon, de même que celui du bois bien verni ou du plâtre à modeler poncé très finement.
Par contre, le balsa ne peut convenir, sauf s’il est dûment marouflé et peint. »

Qu’apporte l’essai en soufflerie ?

 » L’essai en soufflerie permet de déterminer les coefficients sans dimensions des forces et des moments. On peut connaître par différence l’effet de modifications, même minimes, car la reproductibilité à court terme des mesures est très bonne : < 1%. Par contre, en raison des nombreuses causes d'erreurs systématiques, il est recommandé de ne pas faire des comparaisons fines avec des essais anciens, ne fût-ce qu'à cause des déformations possibles de la maquette ou du vieillissement de sa surface. En faisant varier la vitesse de la soufflerie dans de larges limites, on peut construire une courbe qui apporte souvent des renseignements intéressants. En ce qui concerne les forces de dérapage, la voiture est stable si la force s'exerçant sur l'essieu arrière produit, au centre de gravité, un moment supérieur en valeur absolue à celui que produit la force agissant sur l'essieu avant. De même , en ce qui concerne la portance, la voiture est stable si la mise en incidence positive (cabré) développe un moment piqueur. En outre les forces de portance, en toutes circonstances, doivent demeurer minimes devant l'adhérence, sauf si on les provoque à dessein dans un sens favorable. Les voitures de tourisme sont généralement instables en tangage et en giration et ont des portances positives. Cet état de choses devient de plus en plus fâcheux à mesure que s'accroît leur vitesse maximale. Il en était de même des voitures de compétition. Par la force des choses leurs constructeurs ont dû réagir, la plupart en mettant en œuvre des artifices." Comment peut-on visualiser des écoulements ? " Une des difficultés de l'aérodynamique réside dans l'invisibilité des écoulements. Pour la pallier on a imaginé différents procédés de visualisation. Le plus simple et peut-être le plus efficace consiste à garnir la voiture (c'est ce qui a été fait sur le CD) ou sa maquette de fils de laine ou de soie, dont la longueur est de quelques centimètres, la vitesse étant de 70 à 90 km/h. (Nous verrons cela dans un prochain article : ‘’Les essais routiers ‘’. Selon la qualité de l'écoulement local, le comportement d'un fil varie de façon visible (voir photos). Il est aussi extrêmement intéressant de promener un fil attaché au bout d'une canne le long des écoulements. Bien entendu, il faut prendre garde au sillage de la canne, qui ne doit jamais atteindre le fil. Un autre procédé consiste à projeter de la craie liquide sur la maquette ou de faire rouler la voiture par mauvais temps sur route boueuse.

Voici les règles d’interprétation :

Un écoulement est sain :
– lorsque le fil se plaque à la paroi et bouge peu
– pour l’aérosol, lorsque la trace des lignes de flux est bien nette.

Un écoulement décollé :

– pour le fil , lorsqu’il se soulève et s’agite en tout sens de façon désordonnée.
– pour l’aérosol, lorsque la trace des lignes se déposent uniformément.

Un troisième procédé consiste à émettre de la fumée, en soufflerie seulement, bien entendu, en amont de la maquette.
On en a imaginé encore d’autres (lâcher de bulles de savon gonflées à l’hydrogène, projection de talc, etc.)

DANS UN PROCHAIN ARTICLE, LA SUITE : « LES ESSAIS ROUTIERS »

Charly RAMPAL