Du Mans-Classic 2022 si nous panhardistes ne retiendrons que le vibrant hommage rendu à la mécanique Panhard, il ne faudra pas oublier la présence et la prestation dans le plateau 4  d’un CD-Peugeot, aboutissement des initiales de Charles  Deutsch : le D de D.B..

En effet, c’est grâce à l’engagement du magazine Turbo, que ce prototype de 1966 a pu être sorti des réserves d’Aventure Peugeot.

Ce sont deux journalistes automobiles bien connus, Etienne Bruet et Thomas de Chessé qui se partageront le volant :

Objectif terminer la course ce que n’avaient pas pu faire en 1966 les 3 CD engagées par Charles Deutsch dont aucune des trois ne vit le drapeau à damier, deux d’entre elles abandonnant sur accident, la troisième sur une panne d’embrayage.

Si l’intention était alléchante, encore fallait-il convaincre les responsables de l’Aventure Peugeot de sortir de son étagère ce prototype et de le remettre en état de marche.

C’est donc dans la région de Sochaux que les deux journalistes se sont déplacer pour frapper à la porte du site de cette réserve des véhicules ayant marqués l’histoire du lion.

C’est Christian Guillaume le responsable technique qui va les accueillir et les emmener dans cette caverne d’Ali Baba où sont stockées plus de 400 voitures du patrimoine.

C’est là que le proto CD les attend sur son étagère :

La vue par-dessus montre bien le travail aérodynamique de Choulet à l’époque CD, avec ses deux ailerons caractéristique à l’image du CD Panhard 64.

Le tableau de bord :

RAPPEL DES DONNES TECHNIQUES :

LE CHASSIS :

Il visait, pour un poids raisonnable de 72 kg, à :

  • assurer un très haut niveau de rigidité, tant de flexion que de torsion, notamment dans le plan horizontal.
  • Intégrer plusieurs fonctions, dont celle du réservoir de carburant (situé entre moteur et habitacle) et de carénage inférieur.

Pour cela, sa géométrie générale était celle d’une plate-forme rectangulaire dont les longerons étaient surtout rigides en flexion, les traverses caissons rigides en torsion, le tout associé à un plancher travaillant.

Ce châssis était réalisé en tôles d’acier d’emboutissage, soudés par point ou rivetées, de 4, 5 et 6/10 de mm d’épaisseur avec quelques renforts au droit des attaches, en 8/10 de mm.

LES LIAISONS AU SOL

Cinématique :

Les liaisons cinématiques entre châssis et porte-roues retenaient :

  • – à l’avant : des doubles triangles, formés d’éléments réglables,
  • – à l’arrière, un système de 5 bielles réglables en longueur.

Ce système à 5 bielles constituait une innovation.

Robert Choulet l’avait ainsi créé pour faciliter la réalisation d’un carénage inférieur en forme de diffuseur au droit de l’essieu arrière afin d’obtenir une portance aérodynamique nulle.

Les 2 bras transversaux de guidage, remplaçant le classique triangle inversé, étaient  situés au niveau de l’arbre de transmission, de part et d’autre, ce qui permettait un carénage inférieur présentant, au droit de l’essieu arrière, une garde au sol importante.

Ce système à 5 bielles présentait par ailleurs, l’intérêt de permettre un découplage facile des taux d’anti-plongée et d’anti-cabrage tout en donnant la maitrise – favorable au contrôle de stabilité – des micro-braquages induits par le roulis, le pompage et le tangage.

Les géométries avant et arrière présentaient un assez fort pourcentage d’anti-plongée et d’anti-cabrage, assurant, en propulsion et en freinage, une bonne stabilité de plate-forme malgré des flexibilités de suspension relativement importantes.

Ressorts – Amortisseurs – Antiroulis :

Ce classiques combinés ressorts / amortisseurs assuraient la suspension, avec dispositif de réglage de la garde au sol sur les coupelles de ressort.

Les trains avant et arrière étaient équipés de barre antiroulis.

LA TRANSMISSION

Boite à 5 vitesses ave différentiel libre, transmettant la puissance aux roues par deux arbres monopièces, chacun équipé de 2 joints tripodes Glaenzer.

LE FREINAGE :

Le freinage était assuré par des disques pleins de 268 mm de diamètres et de 10 mm d’épaisseur équipés d’un étrier en alliage d’aluminium par roue, de type Girling A.

La commande était réalisée à l’aide d’un palonnier actionnant deux maitres-cylindres, permettant le réglage de la répartition du freinage : comme nous les avons sur nos MEP X2 dont le système de freinage est d’origine Peugeot 204.

ROUES ET PNEUMATIQUES :

Les jantes, ce conception CD, en alliage de magnésium, d’un diamètre de 14’’, étaient à l’origine, d’une largeur de 5’’ à l’avant et de 5,5’’ à l’arrière.

Ces largeurs furent portées, en août 1966, à respectivement 5,5’’ à l’avant et 8’’ à l’arrière.

Les pneumatiques étaient de marque Michelin bien entendu.

LA CARROSSERIE :

La carrosserie était réalisée en polyester et fibre de verre.

Elle comportait un moulage principal et 5 pièces rapportées : 2 portes, 1 capot avant, 1 capot arrière, une pointe arrière à dérives.

La conception de cette lui assurait une rigidité de base qui était renforcée par son boulonnage sur le châssis plate-forme.

Sa réalisation avait été assurée par les Services Techniques de Chausson.

LE MOTEUR :

Le groupe moteur dérivé du groupe Peugeot 204, équipé d’une boite à 5 vitesses, était très incliné vers l’avant (axe des cylindres à 15° de l’horizontale au lieu de 70 en série).

Ceci afin d’abaisser le centre de gravité du groupe qui pesait 140 kg.

Il était équipé d’un carter sec.

D’une cylindrée de 1 130 cm3 il développe dans cette version « endurance » 105 ch, ce qui entrainait le proto à 250 km/h grâce, entre autres, à un poids de 760 kg tout équipé.

C’est sur le circuit de Dijon Prenois que la voiture remise en état pour ce Le Mans-Classic, va faire ses tours de roue et à nos deux journalistes d’en découvrir ses réactions et à se familiariser à sa conduite.

C’est Etienne Bruet qui eu le premier l’honneur de s’installer à son volant et au vu de sa corpulence eut bien du mal.

Le siège n’étant pas réglable, c’est à force de mousse qu’il put enfin trouver une position la moins pénalisante.

La conduite est évidemment à droite afin de descendre du bon côté dans les stands, mais aussi le levier ce qui nuit à son accès et donc à sa manipulation pour trouver le rapport choisi.

Etienne aura du mal dans les premiers tours à manipuler la boite de vitesse et à faire attention de ne rien casser…

Bon freinage, voiture que l’on sent légère, direction précise, Etienne Bruet commence à trouver son rythme au bout de 10 tours, laissant présager une bonne osmose pour la course.

Thomas prendra la suite et tout de suite, la voiture leur procure de bonnes sensations.

Le centre de gravité très bas permet un bon comportement avec des vitesses honorables : ils atteindront les 190 km/h en ligne droite en ne dépassant pas les 6.000 tours imposés afin de ménager le moteur refait pour l’occasion.

Reste maintenant l’émotion de pouvoir rouler dans ce temple de l’endurance qu’est le grand circuit du Mans qui perdure depuis 1923 : respect et humilité.

Le CD est donc inscrit dans le plateau 4 au milieu de noms prestigieux et de machines hyper puissantes Ford, Jaguar, Ferrari. Porsche, Alfa, Shelby, qui développent deux à trois fois plus de puissance que ce CD, de quoi attraper un bon rhume lors des dépassements !

Thomas commence à mesurer alors cette émotion et la concrétisation de ce rêve qui le berce depuis tout gamin au volant qui a quand même fait Le Mans !

Mis le plus stressé est Christian Guillaume qui a préparé cette voiture avec tout le soin nécessaire et qui prodigue ses recommandations aux pilotes, car pour lui, c’est son bébé !

Vigilance absolu en faisant attention à la voiture, mais surtout aux autres concurrents qui vont évidemment rouler très très vite alors que les pilotes devront se limiter à une vitesse max de 160 km/h, l’idée étant de préserver la machine avant tout et d’aller au bout de l’aventure.

Séquence émotion avec la visite au stand CD de Jean-Claude Ogier qui avait piloté cette CD portant le numéro 51 et avec laquelle il avait eu ce terrible accident qui avait détruit la voiture en 1966.

Car à cette époque, il n’y avait pas de ceintures ni arceau et Jean-Claude avait du être emporté sur une civière à l’hôpital…

A 85 ans, il est venu jusqu’au Mans pour soutenir cette aventure et un flot de souvenirs sont remontés dans sa mémoire, mais ce sont surtout la perte de ses nombreux amis sportifs qui porteront des larmes dans ses yeux.

Il a pu ainsi s’installer à son volant et se rappeler des moments inoubliables de sa vie de pilote : rappelons aussi ses victoires au volant de la 24CT avec Lucette Pointet.

LE DEPART

C’est Thomas qui prend le volant, un départ à l’ancienne sous les encouragements d’Etienne Bruet,

80 voitures sur la piste, c’est le saut dans le grand bain, et le CD aborde les 13,226 km du circuit, comme les grands et les premiers tours sont magiques avec les passages au noms célèbres : Dunlop, Mulsanne, Arnage, Indianapolis, Les Hunaudières, …

Mais il faut faire attention à cette horde sauvage..

Les concurrents seront assez respectueux en doublant cette voiture mythique, et beaucoup patienteront dans les endroits difficiles, sans brusquer la manœuvre au risque de toucher.

Puis viendra la nuit, une autre affaire : les bruits, l’ambiance, ces lumières éblouissantes, ces feux omniprésents dans les rétroviseurs, ces bêtes de course qui vous doublent à droite, à gauche sans que vous puissiez anticiper quoique ce soit, alors, on serre les fesses, on gardes sa ligne et on évolue dans ce courant emblématique du sport automobile.

Fini de s’émerveiller hélas, car l’histoire va s’achever brutalement :

Décidemment l’objectif de faire mentir l’histoire ne sera pas atteint à cause d’une panne mécanique : le CD-Peugeot ne terminera jamais Le Mans.. Qui a dit que la mécanique Panhard n’était pas fiable ?

Mais comment de pas retenir ce que ce CD nous a offert de le revoir en course et remercier Turbo pour cette initiative qui nous sort des sempiternelles Porsche, Jaguar et autres vues et revues sur ces Le Mans-Classic.

Charly RAMPAL  d’après l’émission turbo du 10 juillet 2022