ROLAND HENRI TOUZOT : LE GORDINI LYONNAIS
Pour nous panhardistes, Roland Touzot était surtout connu en association avec Marc Gignoux, un duo lyonnais gagnant dans la plupart des rallyes emblématiques comme les Mille Miglia.
Mais ce sont ses talents de mécanicien, de préparateur dans l’enceinte de son garage qui avaient fait de lui un personnage incontournable de la région lyonnaise pour celui qui voulait faire de la compétition.
Ce garage, je vous l’avais présenté dans un article de la rubrique « Compétition » – « Généralités ».
Mais l’homme, qui était-il et quel fut son palmarès de compétiteur au volant de notre mécanique Panhard ?
Pour reste dans l’authentique qui est mon fil conducteur, j’ai demandé à ses fils Thierry et Rémy, de me raconter quel était ce père qui l’ont quitté bien trop tôt.
En effet, Thierry et Rémy sont les fils de Roland, issu d’un 3ème mariage
Avec leur mère plus jeune de 27 ans, avec qui il a eu Thierry (1970) et
Rémy (1973).
De son 2ème mariage(1947) il a eu 2 enfants, Yves (1947) et
Christine (1949) (ses demi-frères et demi-sœur avec lesquels ils ont eu
très peu de contacts).
ROLAND TOUZOT : L’HOMME
Et Thierry Touzot de me raconter :
« Mon père est né le 9 février 1919 à Vitry le François, dans la Marne (résidence de guerre de son père, TOUZOT Charles alors capitaine d’infanterie, jusqu’à la démobilisation générale de janvier 1920). Puis le retour à St-Etienne et Lyon.), habitait 6 rue Octavio à Lyon.
Tout petit, il se passionne pour tout ce qui roule et dès son plus jeune âge, il fait ses premiers tours de roue avec son premier véhicule : un tricycle.
Puis, il se dirige vers l’aviation de chasse, après avoir été formé et entrainé sur un Renault-Caudron-Simoun.
On le voit ici, accroupi, parmi ses camarades de l’école à Vichy-Rhue en mars 1940
En 1944, il participe à la préparation du débarquement en Provence.
Il avait, pendant la sombre période de 39-44, organisé un réseau pour évacuer les pilotes anglais, les juifs, et opposant à Vichy et aux Nazi, (qui avait assassinés son père, alors commandant dans la 1ere Armée, en Mars 41 à Berlin après de féroces interrogatoires) de la zone nord à sud, puis vers la suisse par le département de l’Ain.
Il y avait des gens comme Mr Paul Bocuse, le grand chef, qui cachait les transfuges dans les caves de son restaurant sur les quais de Saône, restaurant qui a toujours était son point de chute préféré pour fêter ses victoires, et aussi Mr Pierre Cornet, camarade de Lycée, (frère de Louis Cornet) avec qui, dans les années 70, après être venu s’installer en Ardèche, ont participé pour le rallye de Monte-Carlo, dont le Prince Rainier avait été son client, au choix des tracés des fameuses spéciales ardéchoises d’Antraigues, de Burzet, de Montpezat…
Après la guerre et son engagement auprès des FFI de l’Ain et du Rhône, il fut pilote d’avion basé à Bron, l’aéroport lyonnais, prolongeant ainsi sa carrière de pilote.
A la fin des années quarante, il ouvre le fameux garage Auto-Tilsit.
J’ai des souvenirs où petit, papa nous amenait faire des reconnaissances sur les routes de la montagne ardéchoises pour tracer d’éventuels parcours pour le Monte-Carlo.
Toujours avec Mr Pierre Cornet (alors député-maire de Villeneuve-de-berg), il avait organisé localement des courses de côte : camping du pommier à VDB et course de l’échelette à Lussas.
Une année il avait fait venir Rémy Julienne (réalisateur des cascades pour le cinéma) pour un show de cascade au camping du pommier à Villeneuve.
ROLAND TOUZOT ET LA COMPETITION
Après l’ouverture de son garage à Lyon, Roland Touzot, compétiteur dans l’âme, se laisse tenter par les rallyes alpestres qui peuplent sa région.
C’est ainsi qu’on le verra le 2 juin 1950 participer au rallye du Dauphiné à bord d’une traction 11 légère qu’il a préparée.
Hélas, il doit abandonner.
Le virus de la compétition l’a contaminé et l’année suivante, il prendra cet exercice au sérieux avec l’arrivée de la mécanique Panhard très compétitive et promise à un bel avenir en sport-automobile.
Et, jusqu’en 1955, il participera à de nombreuses courses, mais surtout aux Mille Miglia en 1951, 52, 53 et 1954, se forgeant un beau palmarès et une belle réputation de pilote et préparateur.
C’est donc en 1951 que Roland Touzot débute sa série de participations à la célèbre « temporada » italienne au volant d’une berline Dyna X de sa préparation. Il a pour équipier Louis François :
Il n’est pas le seul au volant de cette brillante voiture, puisqu’on ne compte pas moins de dix X86, dont celle de Marc Gignoux, n°2132 qui remportera la classe 750cc.
Hélas, Roland Touzot devra abandonner.
Il se consolera en participant de nouveau au Rallye du Dauphiné qu’il remporte avec Marc Gignoux :
SAISON 1952 : LA TRANSITION
Roland Touzot a pris pied dans la compétition automobile, mais les Mille Miglia de 1951 lui laissent un goût amer.
N’étant pas de ceux qui abandonnent après une déconvenue, il s’engage de nouveau dans cette célèbre épreuve italienne.
L’année précédente, il a pu rencontrer Marc Gignoux, un industriel lyonnais et champion de ski, qui vient de se distinguer en tant que pilote.
Marc souhaite accéder au niveau supérieur en s’engageant dans la catégorie Grand Tourisme, toujours sur les bases de la mécanique et du châssis Panhard, gage de performance, de comportement routier et de fiabilité.
Le garage de Roland n’est pas loin, alors pourquoi se priver de tous ces ingrédients synonymes de victoire ?
Marc dessinera une carrosserie type coupé, qui sera réalisée en acier et la commande à DB à la fin de l’année 1951.
Les hommes de Champigny se mettent au travail et en mars 1952, le premier coach DB-Gignoux sera livré à Marc. 3 voitures seront construites.
Celle de Marc Gignoux sera sur le châssis n°477.953
La mécanique et la préparation « rallye » seront terminés au garage de Roland Touzot : le clan des lyonnais voyait le jour…
Cette édition 52 des Mille Miglia, sera plus difficile pour notre mécanique.
Mais les qualités des Panhard ont permis de gagner deux des trois catégories internationales 750cc : et c’est le DB-Gignoux de Marc et Roland qui prennent la première place en GT 750.
Une magnifique coupe rappellera à jamais cette magnifique victoire de 1952, que ses enfants gardent précieusement, la regardant fièrement.
Une réception dans les locaux du Journal L’Action-Automobile, viendra parachever cette belle victoire.
On y retrouve, de gauche à droite : J-P Marchal, René Panhard, C. Deutsch, M. Turillon, de Paris-Rhône, Marc Gignoux, M. Lemarié, Président de la Chambre Syndicale de l’Equipement, Roland Touzot et René Bonnet.
Mais, il faut savoir que dans un premier temps, les Italiens furieux d’être battus dans leur catégorie ont refusé d’admettre la victoire de ces deux français de Lyon, prétextant de la carrosserie D.B non-conforme aux 750 cm3. D.B n’étant pas alors une marque connue.
C’est après une longue bataille judiciaire qu’ils furent récompensés.
En effet, il fait préciser que les coachs Gignoux arboraient un monogramme DYNA et n’avaient pas encore l’écusson D.B devant leur capot.
Bonnet faisait la tête, comme on le voit sur la photo ci-après, car des provinciaux Lyonnais gagnaient des compétitions en 52 (Mille Miglia, Tour de France auto et autres rallyes sur une Dyna x86 carrossée alors par Deutsch et Bonnet.
Mais la compétition continue.
Un mois plus tard, le 8 juin, ils termineront 3ème aux 12 heures d’Hyères, toujours en compagnie de Marc Gignoux.
Le 22 juin, participation à la course de côte de Laffray près de Gap. Roland Touzot, toujours sur le coach DB-Gignoux, se classe second derrière Marc.
Puis ce sera du 9 au 16 septembre, le Tour de France automobile que Roland Touzot fera avec Louis François sur un des coachs DB-Gignoux.
Les deux autres coachs participeront aux mains des équipages, Gignoux (Marc et sa femme Françoise), l’autre avec Michel Penon et Henry Bailly.
154 voitures seront engagées, mais seulement 110 prendront le départ avec 7 DB.
Seulement 57 voitures rejoindront l’arrivée.
C’est la DB-Gignoux du couple Gignoux qui remportera la victoire.
Touzot a du abandonner, car je n’ai pas de trace de sa prestation.
SAISON 1953 : LA CONSECRATION
En effet, l’année 1953 verra Roland Touzot s’engager brillamment dans 5 épreuves.
Nouveauté totale, puisqu’il adopte la barquette DB-Antem et le docteur André Persillon comme coéquipier.
La voiture : c’est un tank DB-Antem à carrosserie en aluminium qui participa au Mans en 1951.
Elle fut vendue à M. Matussière, beau-frère de Gignoux, et remporta les rallyes de l’Iseran et du Dauphiné, puis achetée par Touzot.
Sa préparation consistera à mettre au point le moteur Panhard qui l’équipe en tenant compte des enseignements recueillis lors des deux précédentes participations.
Touzot a gardé la boite, selon lui, la plus avantageuse pour un circuit de profil aussi varié.
Trois vitesses normales pour la montagne et une quatrième longue pour économiser le moteur sur les grandes lignes droites et éviter les surrégimes.
La saison débute fort avec un nouvel engagement pour les Mille Miglia dont le départ a lieu le 24 avril.
La petite DB sera victorieuse de leur classe en 14h15’36’’, à la moyenne de 106,031 km/h, après avoir signé l’excellent temps de 7h53’29’’ sur la première partie du parcours entre Brescia et Rome.
Une performance qui permettra à la petite DB de terminer à la 84ème place au général en devançant de nombreuses OSCA ou Stanguellini inscrites dans la classe supérieure.
Les italiens reconnaissant, le félicitèrent chaleureusement et le Directeur sportif dès son arrivée.
Déjà la presse l’entoure, mais c’est à Maurice Maurel qu’il se confiera et à la presse lyonnaise :
« Nous sommes heureux d’avoir donné le signal, il y a deux ans, se souvient Roland Touzot, lorsque l’équipe Gignoux-Descollonges a gagné sur une Dyna de série en 1951. Une écurie Ital-France fut crée quelques temps après.
Aujourd’hui, ce fut de nouveau la bagarre pendant 750 km. Tout d’abord, au début dans le parcours de plaine, une longue explication avec une Giaur partie avant nous.
Le pilote nous tenait en vitesse pure, mais il devait pousser alors sa voiture à la limite et lever le pied tout en conservant le milieu de la route.
Nous étions obligés de ralentir et comme, avec les faibles possibilités d’accélération que me donnait une quatrième longue, il me fallait un kilomètre pour atteindre le plein régime et la bagarre se poursuivait ainsi pendant de nombreux kilomètres. »
Tout Lyonnais qu’il est et fier de l’être, il terminera son exposé par une petite pique aux parisiens : la Province contre la Capitale, quoi !
« On a trop tendance à Paris à croire qu’il n’y a que là qu’il est possible d’obtenir des résultats.
Mais nous avons dans la région lyonnaise et stéphanoise des techniciens de grande valeur et des industriels qui aiment l’automobile et qui nous apportent leur aide technique et industrielle.
Nos recherches ont porté en particulier sur l’élimination des frictions, le travail anti-vibratoire, l’étude systématique de la suspension du moteur.
Les vibrations sont, en effet, l’ennemi numéro un, parce qu’elles empêchent de tourner vite et augmente les risques de casse.
Nous avons obtenu des résultats dont nous pouvons être justement fiers. »
Industriels qui avaient pour la plupart connu et reçu l’aide son père, alors capitaine d’industrie dans les années 20-30, administrateurs de la grande foire industrielle de Lyon, qui développa le tissu industriel Stéphanois, Lyonnais et Rhône-alpins.
Sitôt rentré à Lyon, Roland s’est empressé de sabler le champagne avec les siens, sans oublier de mettre en avant cette fabuleuse barquette DB-Antem à mécanique Panhard préparée par ses soins.
Puis, pour rester dans le rythme, ce seront les 3 heures d’Alger le 24 mai où il terminera 7ème.
Suivront les 12 heures d’Hyères le 7 juin, où, hélas, ils abandonneront.
Les 4 et 5 juillet, ce sont les 12 heures de Reims qui clôtureront la saison, terminant à la 17ème place.
Enfin, pour le plaisir, Roland Touzot embarque Claude Mazalon pour une course dans la Beaujolais où ils termineront 2ème.
SAISON 1954
En mars , Touzot participe au 7ème Lyon-Charbonnières avec Lucienne Alziary de Rocquefort sur son DB-Antem bien capoté car les conditions météorologiques sont difficiles.
En Mars, les 10 et 11 avril, Roland participera au 3ème circuit de vitesse de Nîmes, mais ne terminera pas.
SAISON 1955 : LA DERNIERE
C’est le 8 Mai que Roland Touzot s’engage aux 4 heures du Forez dans les environs de St Etienne, avec sa DB-Antem portant le n°40 et muni d’un 700cc avec surpresseur.
Les Panhard sont présentes dans la catégorie moins de 1.000cc, avec Yvon Carlus, Jean Damian, Robert Chancel, Marcel Picard et Louis Cornet.
Au 50ème tour, Roland Touzot doit regagner son stand, après un arrêt inopiné sur le circuit : il doit abandonner.
C’est la Panhard-Monopole de Chancel qui remportera la catégorie des moins de 1.000cc .
Les 18 et 20 mars 1955, il est de nouveau au départ du 8ème Lyon-Charbonnière, cette fois avec le coach DB-Frua, avec Lucienne Alziary de Rocquefort.
Ils ne termineront pas.
A la fin de sa carrière sportive, Roland Touzot s’était reconvertis à l’électronique, réparateur de télé et autre composant électronique, il avait construit sa propre sono mobile (assemblé les composants pour créer ampli et table de mixage) et animé les fêtes de village et autre événements.
En Ardèche, il rendait service à qui avait besoin de ces multiples compétences, tantôt électronicien, tantôt mécanicien, … voir même architecte quand vous aviez besoin de plan.
Malheureusement, le 18 septembre 1982, une série de crises cardiaques l’emporta, Thierry avait 12 ans et Rémy 9 ans.
Il suivait la construction de sa maison qu’il ne verra jamais terminée.
Charly RAMPAL sur des informations familiales de Thierry et Rémy Touzot et des journaux d’époque. Photothèque PRT, Gaillard et Roy.