Dans la longue liste des Hommes qui ont donné les lettres de noblesse sportives à Panhard et qui ont fait l’objet d’un article dans mon site du PRT, il en est un qui me tenait particulièrement à cœur pour l’avoir côtoyé et interviewé dans son appartement parisien à la fin des années 80, avant qu’il ne décède en octobre 1992.

Cet authentique sportif, que je ne connaissais que de réputation liée à la marque DB et Panhard, m’avait reçu avec une extrême gentillesse et une simplicité qui sied aux grands hommes.

Il m’avait raconté sa vie d’homme : la voici.

Fils d’un industriel lyonnais de la chimie (l’eau oxygéné Gillet-frères), c’est dans les Alpes chaussé d’un paire de ski, qu’il commença à étudier les trajectoires, avant de se lancer dans le sport automobile, comme le sera plus tard Henri Oreiller.

Doué, il fit son service militaire parmi les chasseurs alpins. Il fréquente les plus grands noms de l’époque qui deviendront ses amis : Emile Alais, James Coutet et amoureusement Françoise Matissière qui deviendra son épouse.

C’est dans cette galaxie de la compétition de ski que gravite Marc et sa famille puisque son frère va en fonder la Fédération Française.

Le père de Françoise va entrainer Marc dans la compétition automobile. Il fera ses premiers pas avec une Delahaye, puis sur sa très spéciale traction Citroën.

C’est grâce à cette voiture préparée par le garagiste Touzot à Lyon, que Marc entrera en relation avec René Bonnet, en faisant « gonfler » cette traction avec des éléments EPAF et de René Bonnet qui avait mis au point des pipes d’admission directement sur les culasses.

C’est en 1950, qu’il participe avec cette voiture au rallye Lyon-Charbonnières et termine premier du scratch avec Hugon.
Auparavant, il avait fait deux ou trois rallies avec un de ses cousins qui avait réussi à sauver de la guerre un cabriolet Delahaye 6 cylindres.

De mieux en mieux préparée au fil des ans, il se fait remarquer 3 ans de suite dans la fameuse Coup des Alpes, son terrain de prédilection.

Après l’épopée Traction, Touzot lui propose de racheter une Dyna Panhard qui lui permettrait de faire des résultats bien supérieurs en tenant compte de la catégorie et de la cylindrée.

Une fois la saison terminée en beauté avec la Citroën en terminant premier du GP de Nice en voitures de tourisme, il va débuter la saison suivante avec le Dyna Panhard équipée de tubulures spéciales pour adapter des doubles-carbus indépendants sur chacun des cylindres mis au point par Bonnet.

Les carbus sur la culasse faisaient gagner pas mal de chevaux.

Au 18ème Mille Miles, il gagne la catégorie 750cc avec cette Panhard modifiée par Bonnet.

Avec cette voiture, il a fait le rallye du Dauphiné, le Lyon-Charbonnières et il commence à intéresser d’autres coureurs lyonnais qui sont venus voir Touzot pour qu’il leur fasse la même préparation.

Au final, Touzot en préparera 4 ou 5. Un de ses amis lyonnais était représentant aux aciéries Aubert et Duval.
Il a eu l’idée de demander à cette maison s’ils étaient capables de fabriquer des chemises de cylindre en fonte nitrurée qui a un avantage par rapport à la fonte classique : c’est qu’elle est inusable.

Les segments finissaient, avec la fonte classique, par ovaliser les cylindres, donc manque d’étanchéité, manque de taux de compression.

Grâce à la fonte nitrurée, il n’y avait plus ces problèmes : ils étaient les premiers à utiliser cette fonte nitrurée pour le chemisage des cylindres.

Après avoir couru deus ans avec cette Dyna, Marc et Touzot ont eu l’idée de réaliser le coupé à calandre Dyna bien connu, avec lequel il va remporter le Tour de France Automobile 1952.

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Vous trouverez le compte-rendu de cette épreuve dans la Rubrique « COMPETITIONS-RALLIES » : je n’y reviendrai pas, ni dans la longue liste de son palmarès qui transparait au fil de mes articles sur les différentes compétitions de cette époque… Je veux m’attacher surtout à l’homme et son environnement de champion.

Marc Gignoux a été obligé d’arrêter de courir en 1954 : son affaire de Pharmacie-chimie qui était une affaire de famille avait été absorbée en 54 par une grosse boite dont le siège social était à Paris.

Marc est donc monté à Paris en octobre 1954 et il est devenu employé de la maison et donc moins libre.

Ce gentleman sportif a toujours considéré les sports de compétition comme un très grand plaisir mais il y a un jour où l’on en a assez.

Il a fait quinze fois le championnat de France de ski. Il a été quatre fois de suite champion du lyonnais.

Un beau jour, après avoir fait la piste verte des Houches, il avait mis une demi-heure à récupérer : il avait les cuisses transformées en bois ! Il s’est alors dit « j’arrête ! »

L’automobile lui a donné beaucoup de satisfactions. Et c’est au Mans 1954 qu’il prit sa décision d’arrêter aussi le sport automobile.

Voici pourquoi.
Lors de ces 24 heures, il avait plu sans discontinuer pendant 18 heures de suite.
Quand les Ferrari, Jaguar ou Mercèdes le doublaient, il était secoué comme un prunier et puis quand elles l’avaient dépassé, il ne voyait plus rien dans ce brouillard de pluie.

Il était tombé tellement d’eau qu’il avait les « roubignoles » qui trempaient dans l’eau froide du baquet !

Au bout de quelques heures, Marc s’est dit « Qu’est-ce que je viens foutre ici après avoir fait tous les cols de France en rallye où le paysage était au moins plus joli à regarder, venir se geler les « roubignoles » dans un baquet au Mans, non merci !»

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Et Marc dès la fin de l’épreuve, prit la sage décision d’arrêter : le plaisir n’y était plus !

Charly RAMPAL (D’après mon entretien avec Marc Gignoux et ses photos)