LA PL17 « MADE IN IRELAND »
Au début des années 60, à l’initiative d’un industriel irlandais, Panhard se lance à la conquête de la verte Irlande.
Malgré ses nombreuses qualités, la PL17 n’y remportera pas le succès espéré et seulement trente voitures seront exportées.
Aujourd’hui les très rares PL 17 « made in Irlande » ayant survécu attendent patiemment qu’une poignée de passionnés leur donne une seconde vie.
Fin des années 50, John Caldwell, un industriel irlandais d’une quarantaine d’années veut se lancer dans l’importation et la vente d’automobiles.
Installé dans une ancienne station de tramway à Lucan dans la banlieue ouest de Dublin, John Caldwell fait d’abord ses premières armes dans la vente de scooters Peugeot.
Puis, il devient agent Messerschmitt.
Malgré ses efforts, les ventes du fameux trois roues germanique restent modestes.
Les succès de Panhard en compétition ont depuis longtemps attiré son attention et la firme française n’est pas représentée en République d’Irlande.
John Caldwell se rend donc Avenue d’Ivry début 1959 dans le but d’y obtenir l’exclusivité de la distribution des Dyna.
Seulement, il y a un problème de taille.
A la sortie de la guerre, l’Irlande a opté pour un régime fiscal « protectionniste » dans le but de créer des emplois.
L’importation de véhicules déjà assemblés est très lourdement taxée.
« Tous les constructeurs présents en Irlande étaient contraints à l’assemblage des voitures sur place afin de bénéficier de taxes plus favorables.
Les éléments de carrosserie et la mécanique étaient expédiés depuis l’étranger dans des containers.
Les pneus, batteries, vitrages, garnitures de sièges, la peinture étaient de fabrication irlandaise. Les véhicules d’occasion n’échappaient pas à la règle.
Des Jeep Willys achetées en Angleterre à l’armée américaine devaient être entièrement démontées pour être ensuite assemblées de nouveau à Dublin par l’importateur. » se souvient Frank Curran qui travaillait au montage des PL 17 irlandaises, en tant que chef mécanicien de l’atelier de montage de Lucan avant de terminer sa carrière comme professeur de mécanique à l’Institut de Technologie de Dublin.
A cette époque, Panhard mise sur la croissance des ventes à l’exportation avec l’arrivée de la toute nouvelle PL 17 et donne son feu vert au projet irlandais.
Pourquoi vouloir s’implanter dans ce petit pays de 3,5 millions d’habitants perdu au bout de l’Europe et être contraint au montage des voitures sur place ?
Aurait-on perdu la tête avenue d’Ivry ?
Bien au contraire, la petite Irlande servira de banc d’essai « à petite échelle » avant d’adapter la même recette en plus grand dans un autre marché anglophone doté lui aussi d’un régime fiscal qui oblige les constructeurs à l’assemblage sur place : l’Australie.
De retour en Irlande au volant d’une superbe Dyna blanche, John Caldwell est bien décidé à relever le défi.
Avec un outillage simple, il pense pouvoir produire plus d’une centaine de voitures par an.
Les locaux de l’ancienne station de Tramways étant trop exigus, il s’installe dans une ancienne minoterie, toujours à Lucan.
Les mois passent, les Dyna ont pris leur retraite. Les PL 17 ont les portes qui s’ouvrent dans le bon sens lorsque qu’un premier lot de 20 voitures arrive enfin sur les quais de Dublin en décembre 1960.
DES PL 17 COULEURS OPEL ET TRIUMPH
A la tête d’une petite équipe de 4 personnes, Frank Curran, s’attèle à la tâche.
« Nous avions les plans de la voiture mais aucun gabarit pour ajuster les éléments de carrosserie.
Une connaissance qui travaillait chez Triumph nous les fabriquait en utilisant la Dyna de Caldwell comme modèle !
L’assemblage du toit sur les montants se faisait en deux temps.
Une fois le toit en place, je soudais un point ou deux, puis on faisait un essai avec le pare-brise et la lunette arrière. Si ces deux derniers prenaient bien leur place, je finissais la soudure. » raconte Frank Curran dont la passion pour Panhard n’avait pas faiblie avec les années.
Puis, il ajoute : « Les points de soudure n’étaient pas visibles sur nos voitures.
Nous faisions même disparaître la jonction des tôles entre l’aile et l’auvent.
En fait, personne chez Panhard ne nous avait dit que sur une PL 17 les points de soudure et les jonctions des tôles restaient visibles. Une petite amélioration « made in Ireland » , dit-il en riant !
Une fois la carrosserie terminée, la mécanique en place, Frank et son équipe décidait de la couleur de chaque voiture.
« C’est chez Triumph et Opel que furent peintes les toutes premières L4 car ils avaient l’équipement adéquat. Je me souviens d’une superbe PL 17 jaune Opel. Il y eu également des PL 17 peintes en British Racing Green, un vert métallisé de chez Triumph,
et puis d’autres peintes en bleu clair, toujours chez Triumph. Mais le « boss » trouvait le coût trop élevé et par la suite toutes les autres PL 17 furent peintes dans nos locaux, principalement dans des teintes bleues Atlantide, rouge coraline et gris pâle ».
A l’intérieur, les modèles irlandais comme ceux vendus au Royaume Uni se distinguent par l’absence de boite à gants.
A la place, des vides poches étaient disposés sous la planche de bord, comme sur les utilitaires.
Les options Tigre, sièges séparés ou Jaeger n’étaient pas disponibles sur le marché irlandais. Extérieurement, les PL 17 irlandaises correspondent à la version Grand Standing. Contrairement aux anglaises, elles n’ont jamais reçu de catadioptres additionnels sous les blocs de feux arrière.
Autre particularité, le code voiture semble être unique à l’Irlande. En effet, le code W4 est frappé sur la plaque de châssis, ce qui a pu être vérifié sur trois des 4 PL 17 survivantes.
TROP CHER
Malgré les résultats de Panhard et DB en compétition, les campagnes de publicité, les ventes ne décollent guère.
« Une PL 17 assemblée en Irlande dépassait 750 livres à l’achat.
Pour plus ou moins la même somme, l’acheteur pouvait s’offrir Une Austin Cambridge, une Ford Zéphyr ou une Morris Oxford, souvent mieux équipées.
La compétition était féroce et Panhard, avec ses moyens limités et un réseau inexistant n’a jamais pu faire la percée espérée», affirme Frank Curran.
A l’automne 61, un second lot de 10 voitures arrive à Dublin. Ce sera le dernier. Panhard, qui n’est déjà plus maître de sa destinée, jette l’éponge.
En tout et pour tout 29 PL 17 trouveront acquéreur, la trentième ayant été utilisée pour les pièces détachées.
L’aventure Panhard en Irlande n’en est pas finie pour autant.
L’armée irlandaise, en s’équipant d’AML et de transport de troupes M3 au cours des années 60/70, fit pendant de nombreuses années confiance à la robustesse de la technologie Panhard.
Et puis il y a une poignée de passionnes qui tentent de faire revivre ces PL 17 grâce a l’aide des clubs anglais et les contacts avec les clubs français.
Pourtant, bien avant John Caldwell au début des années 60 et l’armée irlandaise avec les AML et les M3, Panhard s’était taillé une belle réputation sur les routes étroites et chaotiques d’Irlande, notamment au trophée Gordon Bennett au début du siècle dernier.
Il y eu aussi une vente aux enchères d’une Panhard & Levassor de 1899 ayant appartenu à la même famille irlandaise depuis 1900 avait défrayé la chronique.
Selon Le quotidien national Irish Indépendant, l’ancêtre trouva acquéreur pour plus de 79000 €.
Les anciens propriétaires ont très certainement célébré cette belle vente autour d’une pinte de Guinness dans un pub... Longue vie aux Panhard en Irlande, comme celle de mon ami Frank Cappelli.
Charly RAMPAL sur des documents rapportés par Frank Cappelli, un ami irlandais qui roule en Panhard.
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