Il existe encore de par le monde de nombreuses Panhard qui ont déjà franchi le cap respectable des 100 ans.

Parmi les plus vénérables, on citera la voiture habituellement exposée la voiture de l’abbé le connu de tous les Panhardistes, même incroyants : celle de l’abbé GAVOIS, la cinquième livrée.

En fait, cette voiture ne fut pas livrée neuve à l’abbé Gavois, mais bien à M. Emmanuel Buxtomf, ingénieur mécanicien, 23 rue de Paris à Troyes, lequel sollicita ensuite et obtint de devenir le concessionnaire de Panhard & Levassor à Troyes.

Emmanuel Buxtomf était mécanicien dans l’âme et inventa un certain nombre de dispositifs pour le métier à bonneterie, dont l’industrie était alors en plein développement à Troyes.

Il construisit d’ailleurs une usine qu’il céda par la suite à une autre famille troyenne, qui continuera la fabrication des métiers à bonneterie.

D’après son petit neveu, il était connu pour son tempérament véhément et peu facile à vivre, à telle enseigne qu’étant Maire de la ville à l’entrée dos Prussiens on 1870, il leur on fit tant voir qu’ils le déportèrent en Allemagne.

Ceci nous éloigne un peu de la fameuse voiture achetée le 4 décembre 1891, pour la sots de 3.500 Francs de l’époque, et qui portait le n° de moteur 77, ce qui indique évidemment qu’il s’agissait là du 77ème moteur, bien que la voiture n’ait été que la cinquième livrée.

Quelques-uns des moteurs précédents avaient d’ailleurs été vendus à Peugeot, qui en équipait ses propres voitures et dépendait ainsi directement de Panhard et Levassor dans le domaine de la « production ». C’est en 1895 que l’abbé Gavois achète, en seconde main donc, la voiture qui le rendra célèbre.

Il la paye 1.500 Francs, un peu moins de la moitié du prix d’achat initial, ce qui n’était sans doute pas donné, mais s’avèrera néanmoins un bon investissement puisque son nouveau propriétaire l’utilisera pendant 37 années encore !

Au début de 1911, la rédaction du journal « L’AUTO » s’avise de ce que l’automobile a déjà vingt ans.

Ils se mettent alors en tète de retrouver la plus vieille automobile encore en circulation en organisant le « concours de l’ancêtre ».

Cette initiative permit donc de retrouver l’abbé Gavois.

Bien entendu, l’abbé Gavois et sa Panhard remportent haut la main le concours de l’ancêtre, devant une autre Panhard, datant de 1893, et deux Peugeot.

En 1911, la voiture avait vingt ans, mais, selon les dires de l’abbé lui-même, « son moteur fonctionnait sans avarie depuis son origine,  avec une vigueur juvénile, attelé à une victoria à deux places et l’entraînant aux 3 vitesses de 5, 10 et 16 kilomètres à l’heure, avec des roues qui n’ont jamais connu que les bandages en fer ».

Belle performance assurément, aussi bien pour l’auto que pour son conducteur, quand on connait la fragilité des autos de cette époque où tout était artisanal, et l’état lamentable des routes.

Mais, avec ses mots à lui,  l’abbé Gavois continue dans sa lettre à ‘L’AUTO’, « cette solide vieillesse devrait suffire pour l’imposer au respect des spectateurs.

S’il en est de sages qui savent y reconnaître un critérium de valeur, il en est de sots qui sont toujours portés à plaisanter sur ce qui est démodé.

Ma voiture passe gravement au milieu de ces rires dédaigneux qui ne font tort qu’à leurs auteurs.

Je ne suis pas ambitieux ; je n’aime pas la gloire et je le prouve en préférant ma vieille voiture à une voiture Rochet-Schneider que je possède également et que je laisse reposer dans ma remise.

Tout en laissant les distinctions de côté, je serais bien aise d’avoir une mention, une médaille quelconque qui vengerait ma vieille voiture des injures qu’elle ne mérite pas, puisqu’elle survit à la gloire de ses descendantes, auxquelles elle a frayé la voie ».

Cette médaille d’or de « L’AUTO », l’abbé Gavois et sa vaillante Panhard l’ont évidemment bien méritée, de même d’ailleurs que celle de la maison Panhard & Levassor.

C’est ainsi qu’au cours de l’été 1911, deux représentants de « L’AUTO », accompagnés  de Paul Panhard, débarquèrent d’une rapide 20 CV Sans-Soupapes dernier modèle, devant le presbytère de Rainneville, et convièrent l’abbé à un déjeuner cordial au cours duquel lui furent remises les médailles.

En 1913, l’abbé Gavois eût quelques démêlés avec l’administration fiscale, qui discutait la puissance de l’engin.

Il s’en ouvrit à la société Panhard & Levassor par une lettre que je vous  reproduis en page suivante, et dont toute la saveur nous échappera certainement d’autant moins que les années ont passé, mais que les attitudes du fisc sont restées.

« Monsieur le Directeur,

Le contrôleur actuel de Rainneville, qui épluche minutieusement les rôles des contribuables, discute la force du moteur de l’ancêtre reconnu et déclaré jusqu’alors d’un cheval sur un titre sorti de votre maison et présenté il y a 15 ans à la Préfecture.

L’intervention de cet agent du fisc est d’imposer plus de charge que de gloire encore à votre vieux serviteur.

Je lui ai livré les données suivantes pour qu’il puisse les comparer au tableau des coefficients de rendement établi par l’administration :

– 6 centimètres d’alésage

– 14 centimètres de course

– 700 tours à la minute (régime normal moyen)

Pour mettre fin à son étonnement en face d’un moteur dont on ne voit plus d’exemple aujourd’hui (le moindre moteur réalisant plusieurs chevaux), j’ai insisté sur le petit nombre de tours à la minute et le faible alésage.

On ne discute pas ma bonne foi, puisqu’à l’époque ou j’ai sollicité de vous la lumière sur la force de ce moteur, je n’avais pas intérêt à dissimuler (les voitures auto étant imposées comme des voitures à 4 roues sans égard à la force en chevaux).

Je tiens à vous dire le sens de ma déclaration. Pour que dans le cas peu probable où vous seriez interrogé par le fisc vous ne la démentiez pas par d’autres données.

En justice, les vieilles voitures comme les vieilles gens devraient jouir d’une certaine immunité.

On n’arrive pas à la fin d’une longue carrière sans avoir perdu de ses forces.

S’il a plu à votre bienveillante attention de rendre la jeunesse à la doyenne des voitures, il est ridicule à l’administration qui ignore ce fait  de ne pas tenir compte de la longévité et de spéculer sur la bonne mine d’un vieillard qui a fourni pendant tant d’années sa part de contribution.

La faiblesse du moteur développée par un service prolongé au-delà de toutes limites, voilà la considération qui s’impose aux investigations du fisc.

Faites la valoir au besoin, je vous prie, et vous mériteriez encore une fois de l’ancêtre et de son conducteur reconnaissant et ravi de son bon fonctionnement.

Agréez, Monsieur le Directeur, mes respectueuses salutations et mon meilleur souvenir.

L’ABBE GAVOIS »

Après une sérieuse révision, intervenue en 1912 la voiture reprit du service pour vingt ans encore, puisque c’est on 1932 qu’elle fut cédée à l’Automobile Club de Picardie.

Principales Caractéristiques 

La voiture de l’abbé Gavois est équipée du moteur 2 cylindres en V construit sous licence Daimler, type P2C, de 817 cm) et développant 1 CV )/4 à 750 tours/minute.

L’alimentation se fait par un carburateur situé à coté du moteur et utilisant de la gazoline ou essence légère de pétrole.

Grâce à sa réserve, le carburateur donnait à la voiture – qui consommait environ un litre à l’heure – une autonomie d’une heure et demie.

Le réservoir proprement dit contenait 6 litres et pouvait alimenter le carburateur au moyen d’une petite pompe en caoutchouc.

L’allumage se fait par des tubes à incandescence en platine, qui devaient être chauffés au rouge par des tailleurs à essence, comme on le voit faire ci-dessous par l’Abbé lui-même.

Au bout de deux ou trois minutes, le chauffeur (terme bien nommé) pouvait lancer le moteur à l’aide d’une manivelle.

A noter que ce moteur, refroidi par eau, se trouve à l’avant, disposition nouvelle pour l’époque.

La transmission est assurée par une seule chaine située au centre, avec embrayage à brosse métallique et boite trois vitesses.

La commande de direction se fait par un levier appelé « queue de vache ».

Il existe un double système do freins, l’un actionné par une pédale, l’autre par un grand levier… à employer seulement dons les descentes rapides ou pour les arrêts subits.

Dimensions principales :

Longueur : 252 cm ;

Largeur : 152 cm ;

Hauteur : 176 cm ;

Poids : 650 kg en ordre de marche.

Vitesse maximum : 16 km/h en 3ème.

Prix : 7.500 F net, auquel s’ajoutait la somme de 96,60 F d’accessoires supplémentaires suivant le décompte ci-dessous :

– 1 tube en platine muni de son écrou : 35 F

– 2 brûleurs : 16 F

– 1 réservoir à pétrole muni de sa tubulure et de son bouchon : 20 F

– 1 bout de tuyau caoutchouc : 4 F

– 30 litres de gazoline à 68c : 21 F 60

Charly RAMPAL à partir des documents prêtés par Bernard Vermeylen alors en possession des archives Panhard et Levassor)