C’était le temps où chaque automobile était unique, pratiquement taillée sur mesure pour son future propriétaire.

Ce dernier achetait un châssis et un moteur puis partait faire habiller ce « Meccano » par un carrossier de son choix.

Les possibilités étaient multiples : berlines, limousines, phaéton, tonneau, spider,…

Et pour les productions les plus prestigieuses, les maîtres carrossiers viennent carrément à domicile présenter leur « collection » à la manière d’un grand couturier.

Une mécanique identique peut alors servir indifféremment à une voiture ou à un bateau.

C’est à partir de 1910, que quelques « grands » constructeurs proposent les modèles à carrosserie standard.

C’est le cas de Ford qui fera un premier pas vers la standardisation en proposant son modèle « T » clés en main en 1907.

Mais leur production ne dépasse guère la cinquantaine d’exemplaires par mois.

Une capacité néanmoins suffisante pour une clientèle encore très clairsemée.

Les réseaux de vente n’existent pas et l’acheteur trouve son bonheur directement auprès de constructeurs, chez quelques commerçants visionnaires : armuriers, vendeurs de machines outils ou marchands de cycles.

Au lendemain de la première guerre mondiale, le problème ne consiste plus à fabriquer des automobiles (les cadences s’élèvent désormais à 100 unités par jour), mais à bien les vendre.

André Citroën l’a compris avant ses concurrents. Il est à l’origine des grands magasins de vente et d’exposition.

Inauguré en 1931, celui de la place de l’Europe à Paris, s’impose comme l’un des plus représentatifs : style « art déco », vaste surface lumineuse, cadre luxueux mais chaleureux…

Tout est prévu pour aviver la curiosité du promeneur et l’inciter à franchir le seuil.

En quelques années, il va tout inventer : le crédit, la publicité, un solide réseau, des tarifs fixes, des catalogues de pièces, des réparations à des prix réglementés, l’échange standard, la reprise, les révisions gratuites pendant le rodage et la garantie d’un an…

Traité de mégalomane par ses détracteurs, ce précurseur est bientôt imité et concurrencé sur son propre terrain par ses rivaux.

Dès les années 30 toute l’architecture du commerce automobile tel qu’on le connaît aujourd’hui est déjà en place. Le client est roi, mais son règne sera bref…

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, tout manque… sauf une formidable envie de vivre, de rattraper le temps perdu.

Pour la majorité des français, l’automobile demeure un rêve lointain, d’autant que la pénurie des matières premières allonge de façon surréaliste les délais de livraison.

Pour patienter, on s’évade au fil de quelques pages de catalogues.

Des objets alors aussi précieux que rares, où le graphisme se joue souvent du réalisme et des dimensions.

Et puis pour vendre et faire rêver, il y a ce formidable rendez-vous annuel que sont les Salons Automobile.

D’abord lieu de rencontre de la profession, ils deviennent d’immenses vitrines à rêves.

Le Salon de Paris est devenu à l’aube des années 50 le terrain de chasse favori des acheteurs.

Ceux-ci peuvent visualiser l’ensemble d’une gamme en un seul lieu, prendre date pour un essai, tomber sous le charme d’exquises hôtesses et finalement se laisser convaincre.

C’était le temps où chaque constructeur présentait au Salon SA nouveauté qui parmi d’autres , devenait la reine d’un jour.

Ainsi la Dyna Z1 ou la DS19 eurent-elles ce prestigieux honneur.

Avec la formidable croissance des années 60, où les voitures se vendent comme des petits pains, bien de mauvaises habitudes vont voir le jour au sein des concessions : le vendeur est désormais roi…

En dépit des crises, des récessions et du phénomène écologique, l’automobile a la vie dure.

Mais il de suffisait pas de vendre, il fallait accompagner la voiture et l’acheteur tout au long de sa vie.

SON ENTRETIEN

Avant elles, les chevaux, c’était simple. Cela faisait des siècles que l’on savait comment s’en occuper.

Il suffisait de s’arrêter au bord du chemin pour les laisser brouter l’herbe.

Un cours d’eau ou un abreuvoir apaisait leur soif et, en cas de problème, le maréchal-ferrant du village se faisait fort de changer un fer.

Pratique et écologique avant la lettre !

Avec l’automobile, tout change.

Les premiers voyageurs sont des aventuriers qui peuvent déjà s’estimer heureux de trouver sur leur route de l’essence, de l’huile et des pneus.

Plus ou moins au point, leurs voitures n’en finissent pas de faire des caprices, quand elles ne tombent pas carrément en panne.

Les plus fortunés peuvent compter sur les « talents manuels » de leur chauffeur, tandis que les autres doivent s’improviser mécaniciens ou tout au moins bricoleurs et savoir lire un plan technique pour poursuivre leur trajet.

A partir des années 20, les réseaux de marques s’implantent un peu partout dans l’hexagone, mais avant qu’une véritable toile d’araignée ne soit tissée, l’automobiliste doit encore se débrouiller tout seul et rivaliser d’astuces pour se sortir d’un mauvais pas.

Il peut néanmoins s’en sortir grâce aux cours pratiques de mécaniques donnés par les constructeurs lors de l’achat du véhicule.

Si la fiabilité devient nettement moins aléatoire au fil du temps, les opérations d’entretien demeurent toujours exigeantes.

Les huiles perdent rapidement leur pouvoir lubrifiant, le liquide de frein s’encrasse très vite quand il ne s’évapore pas, les radiateurs fuient ou se bouchent…

Enfin, point essentiel, les automobilistes ne peuvent se passer d’un graissage fréquent de leurs organes. Dans les années 50, les stations services se développent offrant à l’automobiliste un service de proximité.

Les plus importantes disposent de ponts élévateurs hydrauliques pour les opérations de vidange et de graissage, mais aussi les premiers portiques de lavage automatiques venus tout droit des Etats-Unis.

Ainsi, pendant des décennies, les mécaniciens du dimanche sortiront leur boite à outils pour se charger des opérations les plus courantes : vidange, changement des garnitures de freins, des bougies, et pour les plus doués ou optimistes, des interventions sur le moteur ou la transmission.

Avec les années 60 de forte croissance économique, l’automobile entre dans l’âge d’or.

Les constructeurs, en pleine euphorie, se livrent pourtant à une concurrence sévère.

La différence se fait déjà au niveau des services.

Ainsi, chaque grande concession se doit de posséder des ouvriers très spécialisés, peintres, électriciens ou encore artisan carrossier.

A cette époque où l’échange standard d’éléments de carrosserie coûte une fortune, ce dernier était capable de véritables petits miracles avec quelques outils et beaucoup de savoir-faire.

Aujourd’hui, tous ces petits métiers disparaissent, les contraintes sont réduites au strict minimum ; l’électronique remplit nos capots, l’ordinateur ordonne et interdit pratiquement toute intervention mécanique.

Un gage de longévité, mais aussi et surtout de rentabilité pour les servies après-vente des constructeurs, seuls possesseurs des codes d’accès.


Et ce n’est pas fini puisqu’on nous promet la télémaintenance comme en F1 grâce à votre téléphone mobile !

L’entretien  se résume aujourd’hui à une simple vérification des niveaux et de pression des pneus !

Est-ce un bien ? Sûrement pour nos générations futures pour lesquelles l’automobile n’est qu’un objet de déplacement ou de vitrine sociale.

Fini les parties de mécaniques entre amis et les mains sales les lendemains de week-end de retour au bureau.

Heureusement que nos Panhard ont encore besoin de toute notre attention ajoutant au plaisir de les comprendre pour rouler… !

Autre temps, autres mœurs…

Charly  RAMPAL