Comme je vous l’avais raconté dans mon article dans la rubrique « COMPÉTITION – RALLIES » , le Rallye des Alpes a acquis ses lettres de noblesse cette année là, en devenant une grande épreuve internationale.

Longue de 3 000 à 4 000 km, elle traversait les Alpes de la France à l'Allemagne, par l'Italie, la Suisse, l'ex-Yougoslavie et l'Autriche.

On se souvient que 7 voitures seulement sur 94 terminèrent, sans pénalisation : Une Jaguar et 6 Dyna-Panhard ! Une belle démonstration pour notre marque préférée.

Mais un incident allait jeter le doute sur 2 des 6 voitures Panhard, celles qui portaient les numéros : 2 – 6 – 9 – 14, étant elles conformes.

En effet, comme c’est prévu dans le règlement, les voitures des vainqueurs devaient se plier à un contrôle technique approfondi afin de vérifier si elles étaient conformes aux règlements que l’Automobile Club Marseille Provence avait édicté.

Sur les 4 voitures Dyna X précitées, il fut constaté que l’alésage intérieur des entrées d’admission sur le groupe cylindre était excentré.
L’écart de l’excentration atteint 1mm à 1mm 5. La moyenne diamétrale est de 32mm plus ou moins 5/10ème.

Hors, il fut constaté que les deux autres Dyna X portant les numéros 3 et 4 ne comportaient pas l’excentration existant sur les autres.
Par contre, l’alésage brut de l’intérieur a été usiné vraisemblablement à l’aide d’une lime demi-ronde ou d’un grattoir.

Le diamètre moyen des alésages d’admission des 2 voitures n° 3 et 4 a été porté à 34mm, plus ou moins 5/10ème.

Pour être complet du point de vue technique, il faut signaler que le diamètre intérieur après agrandissement a nécessité un adouci de raccordement jusqu’aux chambres d’admission.

C’est sur ces constats que les commissaires de l’épreuve décidèrent d’éliminer les 2 concurrents et publièrent les résultats définitifs.

Mais les 2 concurrents éliminés jurèrent leurs grands Dieux qu’ils étaient de bonne foi et que leurs voitures strictement de série n’avaient subi aucune transformation. Ils en avaient pris possession à l’usine Panhard dans l’état où l’expert les avait trouvées.

Le commissaire général du Rallye, afin de parfaire sa documentation sur le point litigieux, demanda à un expert de pousser plus loin son enquête et d’examiner notamment des véhicules des différentes marques afin de pouvoir dire si une différence de près de 3mm entre 2 voitures de série relevait de la tolérance d’usine ou s’il s’agit plutôt d’une transformation.

C’est dons sur 3 marques différentes que l’expert mena son enquête :

- chez Ford Bd Michelet à Marseille. Un moteur de Ford Vedette a été examiné et là, les entrées sont absolument impeccables, conforme à la tolérance d’usine de 1/10ème de mm.
- Chez Renault au Rond-Point du Prado. Là encore, les culasses prises au hasard dans le stock de pièces détachées, on constate que toutes les entrées sont régulières. Tolérance d’usine = 5/10ème. Aucune excentration constatée.
- Chez Simca, fabrication identique à celle des Ets Renault. Culasse coulée en coquille métallique. Tolérance d’usine de plus ou moins 5/10ème.

Désireux de conclure sur une note anachronique, l’expert a examiné une très vieille 5cv Peugeot type 172. Il s’agit d’une voiture sortie entre 1923-24 à une époque où l’outillage moderne et la précision n’étaient pas l’apanage des constructeurs automobile.

L’expert a été surpris de constater que les entrées d’admission et sorties échappement sont toutes absolument impeccables avec une tolérance de 1/10ème.

Et l’expert, revenant sur les défauts qu’il a signalés aux moteurs des Dyna, apporte ces précisions qui ne manquent pas d’intérêt !

« A notre avis, le déport est dû à une mauvaise manipulation en fonderie au moment du démontage de la boite à noyau. Le groupe cylindre droit, comporte en effet, indépendamment de l’excentration, un déport généralisé par rapport à l’axe longitudinal. Ces groupes cylindre paraissent être coulés au sable et deux demi-châssis ont une mauvaise juxtaposition au moment de la coulée.

Il est hors de doute qu’il s’agit là d’une fabrication provisoire.
Une firme comme Panhard devrait normalement mettre au rebus des cylindres dont la coulée est défectueuse.

Nous croyons pouvoir affirmer que techniquement, la fonderie au sable de ces organes est archaïque et que lorsque le constructeur disposera d’un outillage pour exécuter des travaux à la chaîne, ces coulées seront effectuées en coquille métallique. Dans ce cas, elles sortiront absolument impeccables et ne pourront plus être excentrées ni déformées.

Si les voitures n° 3 et 4 comportaient un alésage à 34mm, la vraie raison n’en est pas tant qu’ils désiraient augmenter la dimension intérieure mais uniquement pour éviter la solution de continuité existant entre la tubulure et l’entrée du cylindre.

En effet, l’excentration de l’alésage présente à la veine gazeuse un obstacle qui peut former contre-courant d’ou turbulence. Nous ignorons, n’ayant pas fait d’essai comparatif spécialement sur ces véhicules, si le reflux est gênant ou s’il améliore la carburation.

De toute façon, il est hors de doute qu’un mécanicien consciencieux et qui a pour mission de « gonfler » un moteur devra obligatoirement éviter le redent formé par l’excentration en adoucissant, à l’aide d’une lime demi-ronde, d’un grattoir, ou en alésant 2 à 3mm plus grand ».

Il est évident que ce rapport devait contribuer à asseoir la décision qu’avaient prise les commissaires de l’épreuve.

Cependant, les deux concurrents mis en cause et qui estimaient l’être injustement, décidèrent de faire appel à la commission sportive de l’Automobile Club de France.
Celle-ci, s’entourant à son tour des garanties nécessaires en envoyant notamment un nouvel expert aux usines Panhard à Paris, devait être amenée à casser la décision prise à Marseille et à publier le procès verbal ci-après :

« La Commission Sportive Nationale :
- tout en reconnaissant l’entière bonne foi et l’absolue impartialité des commissaires du 13ème Rallye International des Alpes, qui ont trouvé une différence de cote sur les orifices d’admission d’un cylindre sur chacune des voitures n° 3 et 4 par rapport aux cotes d’un moteur d’une Dyna-Panhard prise au hasard chez un concessionnaire de la maison Panhard ;
- après avoir constaté sur le rapport d’un expert envoyé à la maison Panhard, que de semblables différences se retrouvent sur les orifices d’admission d’un grand nombre de cylindres en cours de montage et que ces différences s’expliquent pour des raisons techniques d’ébarbage après fonderie, sans aucun usinage ;
- estime que les voitures Dyna-Panhard des deux concurrents éliminés étaient des voitures « bona fide », et pour cette raison n’auraient pas dû être mises hors course par l’application de l’article 2 du règlement. »

Bien entendu, l’A.C. Provence, organisateur du Rallye des Alpes, ne pouvait que s’incliner devant la décision de la Commission Sportive Nationale, mais celle-ci vient de créer un redoutable précédent pour les commissaires généraux de Rallyes ayant à appliquer strictement un règlement.

Désormais, il faudra bien admettre que pour certaines usines, deux voitures de série peuvent présenter des différences de cote de l’ordre de 3mm !
C’est au fond, rendre inapplicable la plupart des règlements et autoriser par la même de multiples abus, car on ne peut tout de même pas interdire le départ à des voitures sous prétexte que leur usinage bénéficie en général de tolérances inattendues, sans causer à leur constructeur un préjudice commercial considérable.

Pour nous consoler regardons une vidéo d’époque INA que j'ai monté en me focalisant sur les Panhard principalement :

Charly RAMPAL sur des informations d’époque et des différents rapports de l’ACP et ACF