En cette saison 1958, le plus souvent, le problème du choix de la voiture en fonction du règlement de l’épreuve se posait sous une forme différente : pour un concurrent ne disposant  que d’une seule voiture, celle-ci a-t-elle ou non des chances d’arriver à la victoire ?

Avec un peu d’habitude des compétitions et des divers modèles, ajouté aux connaissances des performances, on arrive très souvent à déterminer à l’avance le type de voiture capable de gagner le classement général, à condition que cette voiture soit conduite par des pilotes valables et qu’aucun incident mécanique ou autre ne vienne troubler le déroulement de l’opération.

Bien entendu, le classement général est le graal de la victoire et la plus médiatisée, mais, plus modestement au niveau de nos Panhard (quoique), il existe un classement par catégorie, et que certains viseront surtout à enlever la catégorie, sans viser d’emporter le classement général, ce qui favorisa les 850 victoires de Panhard à la fin des années cinquante.

LA VOITURE GAGNANTE

Lorsque le classement se fait au temps brut, sans aucune correction et que les épreuves de classement sont surtout des épreuves d’accélération avec de longues portions de ligne droite, et des courbes à grand rayon, il est pratiquement obligatoire que la victoire revienne à l’une des voitures les plus puissantes engagées.

Mais s’il s’agit d’une épreuve, soit de longue durée où la préparation compte avant tout, soit lorsque la maniabilité de la voiture est un facteur essentiel, une petite cylindrée peut s’imposer (ce qui a été le cas de Liège-Rome-Liège, enlevé avec une voiture de 1300 cc seulement).

Ce qui est valable par temps sec pour une voiture d’une grosse cylindrée dans un rallye où le classement est basé sur le temps brut, peut-être totalement remis en question, lorsque les conditions atmosphériques deviennent mauvaises et lorsque le verglas apparait.   

Le début de la saison 1958 a vu le triomphe de deux petites cylindrées françaises dans les deux premières grandes épreuves de l’année : la Dauphine de Monraisse-Ferret au Rallye de Monte-Carlo et la Dyna-Panhard, avec laquelle, Bernard Consten avait gagné les routes du nord.

Dans ces deux épreuves, la vitesse maximale ne servait à rien car il fallait passer sur des routes enneigées et verglacées à 60 de moyenne.

Les voitures les plus puissantes ne pouvaient en aucun cas se servir des chevaux disponibles, car la moindre pression sur la pédale d’accélérateur faisait patiner les roues motrices généralement à l’arrière à cette époque et à moteur avant, donc moins chargées du poids du moteur.

Dans le cas de la Dauphine et de celle de la Dyna, c’est justement l’essieu-moteur qui était le plus chargé et la transmission de la puissance aux roues se faisait de façon correcte.

Malheureusement, le rallyeman qui prend part à une compétition dans une région susceptible d’être verglacée ne sait pas toujours, au moment où il engage sa voiture, quelles seront les conditions le jour de l’épreuve.

LE CLASSEMENT A L’INDICE     

Rappelons pour les non panhardistes, que ce classement a été créé pour essayer d’égaliser les chances des différentes voitures face au classement général que je viens d’évoquer.

Les organisateurs ont créé un classement dit « à l’indice », où l‘on multiplie les temps bruts par un facteur propre à chaque type de voiture.

L’objectif étant de motiver tous les participants et ne de pas laisser au bord de la route les montures les moins puissantes mais d’en récompenser les qualités routières et celles de leur pilote, afin de mettre tout le monde sur un même pied d’égalité.

C’est ce classement qui serait en théorie le plus juste, mais compliqué à comprendre par l’ensemble de la population qui ne voit que celui qui passera en premier la ligne d’arrivée.

Pour déterminer la voiture favorite, il est nécessaire de pouvoir, en fonction des épreuves annexes, calculer les temps probables de chaque type de voiture et, après multiplications par un coefficient correctif, de voir quel temps sera le plus faible.

Il était donc nécessaire de posséder, pour chaque épreuve annexe, des archives portant sur les résultats des années précédentes.

Le rallyeman a donc intérêt à découper et à garder par devers lui tous les résultats des compétitions sportives, même celles auxquelles il ne pend pas part, afin d’avoir l’année suivante, une véritable bibliothèque où il pourra trouver les temps des voitures concurrentes à la sienne.

La constitution de ce fichier est absolument nécessaire si l’on veut pouvoir calculer les chances respectives de chaque voiture, ce qui est aujourd’hui très facile avec les outils informatiques, mais très laborieux en 1958 !

Aujourd’hui des simulations peuvent en quelques clics modifier les paramètres quel qu’ils soient et que l’on a prévu dans le développement du logiciel et donner des résultats instantanés.

Pour certaines épreuves annexes jamais disputées, le problème se pose de supputer les chances de telle ou telle voiture, et il est souvent nécessaire de se rendre sur le terrain pour voir la forme des courbes, mesurer les longueurs des lignes droites et celle des virages, la qualité du revêtement, afin de voir si l’avantage ira à une voiture puissante, ou a une moins puissante mais plus maniable.

Et ainsi pouvoir choisir d’avance ses épreuves où on aurait une chance de bien figurer même à l’indice en ce qui concerne nos Panhard.

Ayant donc pour les épreuves annexes les temps possibles de chaque voiture, une multiplication par l’indice se fait facilement, et de nos jours, le tableur Excel le permet sans faire des nœuds à nos neurones !

Dans certains classements, on multiplie directement par un coefficient en fonction de la classe : par exemple, 1,05 pour les voitures de 1300 à 1600 cc, de cette époque.

Dans d’autres règlements, l’indice est continu en fonction de la cylindrée et se présente sous la forme de la fraction suivante :

C / C + K  dans laquelle C représente la cylindrée en cm3 et K un coefficient déterminé malheureusement trop souvent arbitrairement et variant en général de 100 à 300.

Rien qu’en considérant le chiffre K, on peut déjà avoir une idée de la voiture susceptible d’enlever l’épreuve.

Si K est très faible (de l’ordre de 100), une grosse cylindrée a ses chances.

Si au contraire K est très important (de l’ordre de 300), c’est une petite cylindrée qui sera favorisée.

 Bien entendu, il faut tenir compte du profil des épreuves annexes, et plus les épreuves annexes sont rapides (par exemple le circuit du Mans ou de Reims), plus K doit être important pour équilibrer le chances entre les petites cylindrées et les grosses.

S’il s’agit de courses de côtes moyennement accidentées, tout coefficient K dépassant 250 favorisera obligatoirement les voitures de cylindrée inférieure à 1000 cc. 

On se souviendra mnémotechniquement de cette recette : plus K est fort, plus les fortes cylindrées sont défavorisées.

QUELLES SONT ALORS LES VOITURES VALABLES

Nous venons de voir dans quelles conditions on pouvait diagnostiquer que telle ou telle voiture serait la favorite logique de l’épreuve, voyons maintenant en détail et par classe de cylindrée quelles sont les différentes marques ou les différents types valables.

Il y avait dans les années cinquante pas mal de voitures dites « de série normales » dans les grandes épreuves.

Ces voitures étaient choisies par les débutants pour des classements spéciaux qui leur étaient réservés.

Certains organisateurs persistaient à vouloir les garder car elles représentaient aux yeux du public, leur voiture de tous les jours !

Mais certaines ont eu leur chance dans certains rallies, ce qui fait que même des concurrents chevronnés se sont orientés vers elles.

Dans ces années là, les principaux groupes sont :

  • Moins de 1000 cc
  • De 1000 à 1600 cc
  • Au-dessus de 1600

Dans le groupe des moins de 1000 cc, la DKW fut longtemps la reine.

Son moteur 3 cylindres deux temps lui donne une excellente accélération au départ, sa tenue de route, et le fait qu’elle soit une traction avant lui permettent une bonne maniabilité dans les épreuves très tortueuses.

Mais son freinage très moyen avait été un handicap pour cette voiture.

Logiquement, en série normale et en moins de 1000 cc, elle se heurte à deux concurrentes redoutables que sont nos deux voitures françaises : la Dyna Panhard Z1 et la Dauphine Gordini.

Le première qui dispose d’une coque en aluminium est plus légère que la Panhard Z 12, possède par contre un moteur ancien, sans refroidissement par turbine.

Mais beaucoup par la suite la feront homologuer  avec le dernier moteur Tigre qui la rendra redoutable.

La troisième voiture est donc la Dauphine Gordini qui possède une remarquable boite 4 vitesses et un moteur bien plus puissant que la Dauphine de série qui ne s’est jamais imposée.

Dans la catégorie 1000 à 1600, une seule voiture est valable : la Berline Giuglietta, série normale qui a bien entendu éclipsée les 203 et les Arondes de même cylindrée.

On peut aussi regarder les Borgward TS et la Volvo dont les qualités de robustesse ne sont plus à prouver mais qui trainent un volume et un  handicap d’un poids trop important.

Il y eut aussi les Sunbeam 1500, mais leurs performances est bien inférieure à la Berline Giulietta.

En catégorie supérieure à 1600 cc domine sa concurrente du moment l’Alfa 1900, bien moins agile et plus lourde que ses sœurs cadettes les Giulietta.

LES SERIES SPECIALES

C’est la formule qui aura le plus d’avenir en France, car elle permet, en interdisant les modifications de carrosserie, de diminuer le prix de la préparation : ces voitures restant  plus à la portée de l’amateur que les « grands tourismes ».

Les organisateurs l’ont divisée en 4 classes :

  • Moins de 1000 cc
  • De 1000 à 1300 cc
  • De 1300 à 2 litres
  • Au-dessus de 2 litres 

En catégorie moins de 1000 cc, là encore deux voitures française : Renault et Panhard qui ont chacun deux éléments de grande valeur = la Dauphine et la Dyna spéciale.

Ces deux voitures se tiennent et dans le TdF de 1958, à l’preuve de Montlhéry, Cotton et Clarou, l’un sur Panhard, l’autre sur une Dauphine préparée par Ferry, tournaient roue dans roue pendant de nombreux tours, jusqu’à l’incident de bougies qui mit Clarou hors course.

Le Renault dispose de roues arrière motrices chargées et d’une boite 5 vitesses bien étagée.

En Revanche, la Panhard, si elle n’a que 4 vitesses, a beaucoup de couple moteur à bas régime (un comble pour un bicylindre !) ce qui pratiquement la dispense d’une boite à 5 vitesses.

Et puis, ses roues avant motrices sont un avantage dans certaines épreuves.

 Entre ces deux voitures, la victoire devient souvent une question d’équipage (Hébert / Consten en sont le meilleur exemple), tellement leurs performances sont voisines : à condition, bien entendu, qu’il s’agisse, pour l’une comme pour l’autre, du meilleur exemplaire disponible, c’est-à-dire pour Panhard celle préparée par l’usine et pour Renault celle préparée par Ferry.

Sur la Dyna Panhard, le moteur préparé usine est du Type « Le Mans » mais avec un seul carbu double corps et des rapports de boite appropriées, d’où cette impression de souplesse à bas régime.

De plus l’accent est mis sur la solidité et peu de Dyna préparée usine ont abandonné sur problème mécanique.

Hélas, l’usine pourrait aller plus loin en réalisant et préparant des Kit comme une « plate-forme » avec deux carburateurs double corps qu’elle vendrait aux amateurs, comme le faisait Ferry. Il faudra attendre DB et CD plus tard et encore…

Je ne m’étendrai pas sur les voitures des autres catégories où les Alfa dominent en 1000 à 2000 cc, même si Trautmann a été stupéfiant avec une ID 19 bien affûtée, préférée à la DS à cause de sa boite manuelle.

Et en catégorie plus de 2 litres, la reine est la Jaguar 3,4 litres dans sa version « Tour de France » et qui atteint les 205 km/h, même si leur poids et leur maniabilité restent un gros bémol.

GALERIE PHOTOGRAPHIQUE DE LA DYNA Z EN RALLIES 1957/1958

Le 14 avril 1957 : la Dyna de Dejoie / Giraud se classe première de sa catégorie au rallye de Printemps organisé par l’AC Lorraine :

Le 12 mai 1957, sur le circuit de Francorchamps, victoire de Berchem en catégorie « voitures de série ».

1957 : Course de côte du Mont Ventoux : la Dyna Z de Meneau escalade le « mur de St Estève » :

Le 12 avril 1958 rallye de la Lavande : victoire au général de la Dyna Z de Saint Auban / Roux :

Au mois de mai 1958, 6ème rallye du Royal A.C. d’Espagne victoire de la Dyna Z1 au général des frères Stanislas et Antonio Reverter.

GP de Spa le 18 mai 1958, victoire de la Dyna du pilote belge Goethals :

Le 29 juin 1958, Course de Côte du mont Ventoux, victoire de la Dyna Z dans sa catégorie de Saint-Auban avec un record à 81,8 km/h : quand on connait le Ventoux, ce record pour une voiture de tourisme de 850 cc prend tout son sens !

En avril 1959, participation d’une Dyna Z au rallye Ile de France :

3ème rallye ACCI à Abidjan en pleine vitesse dans la forêt du Banco :

Rallye des Lions 1955 : victoire de la Dyna Z d’Hebert / Consten

15 et 16 mars 1958 Vème rallye des forets : victoire au général de Bouharde / Graveleau :

Rallye des Routes du Nord 1958 : victoire inoubliable au général de la Dyna Z de Hébert / Consten :

Peu après, le 9 mars 1958 au Rallye des Charentes-Cognac, Jean Vinatier escalade les remparts d’Angoulème sous une pluie diluvienne et terminera 3ème au général derrière une Alfa Giuglia Super et la Porsche de Buchet : excusez du peu !

Au Tour de France auto 1958 : la Dyna Z de Saint-Auban/Quefféléant se joue des virelais des gorges près de Levens !

Mais tout n’a pas été tout rose pour nos Dyna Z : TdF 1958, abandon de celle de Martin / Condriller suite à un accident :

Sans oublier en 1955 au 25ème Rallye de Monte-carlo la brillante prestation de Gillard-Dugat sur Dyna Z : 1er de la catégorie et surtout 2ème au général !

ETC… ETC…

Charly  RAMPAL