Nous, panhardistes, limités principalement à nos voitures de série, avons oublié le rôle essentiel joué par les autocars tout au long des années 1950 et 1960 dans le transport des voyageurs entre villes et dans le tourisme naissant et le rôle essentiel du moteur Diésel Panhard 4 HL, dont le rapport rendement/fiabilité avait fait faire un bond à l’innovation mécanique.


Il faut se souvenir des chiffres du nombre d’automobiles pour bien comprendre  les habitudes dans l’immédiat après guerre.

Ainsi, en France en 1953, il y avait 2 millions d’automobiles, le nombre passe à 12 millions en 1972.

L’autocar connaît son âge d’or et devient le moyen de transport préféré dans une France de l’après guerre en reconstruction.

Les gares routières font concurrence aux gares SNCF et l’autocar va dominer jusqu’au début des années 1960, lorsque le marché de la voiture individuelle explose.

Parmi les constructeurs de matériel destiné au transport routier collectif, la Société des Usines Chausson va s’imposer.

HISTORIQUE CHAUSSON

Créés, en 1907, les Ateliers Chausson frères vont se spécialiser dans l’équipement automobile.

Chausson adopte deux ailes comme emblème après avoir travaillé pour l’escadrille des cigognes de Guynemer pendant la guerre 14-18.

De l’usine d’Asnières, sortent tous types de radiateurs, des réservoirs et des échappements, pour les plus grandes marques automobiles.

Dans les années 1930, avec le rachat de marques concurrentes, Chausson va s’orienter vers les pièces de carrosserie et travailler notamment pour Chenard et Walker.

En 1942, les dirigeants de Chausson réfléchissent aux besoins du pays lorsque le conflit s’arrêtera, ils s’orientent alors vers l’autocar et lance le premier modèle, l’AP1.

La Société Chausson va innover en adoptant sur les autocars le principe de la caisse-poutre, la coque composée de tôles d’acier, nervurées et pliées, soudées entre elles, assure la rigidité en allégeant considérablement le poids du véhicule.

Il est ainsi plus performant et beaucoup plus habitable.

Le premier autocar est équipé du célèbre moteur Panhard : le 4HL.

Chausson adopte ensuite un moteur Hotchkiss qui oblige à avancer le capot moteur par une calandre en saillie surnommée « nez de cochon ».

Ce capot se généralisera aux autres modèlesAPE et APH par souci de standardisation de la production donc d’économie.

Au Salon de l’Automobile d’octobre 1951, la Société des Usines Chausson présente un nouvel autocar, plus moderne que le précédent.

Les montants de pare-brise amincis allègent l’avant du car qui adopte une calandre plate, intégrant les phares.

Les bas de caisse sont cannelés, traités en aluminium ou acier peint, ils affinent la ligne.

Mesurant 10,32m de long et avec sa grande capacité de 45 places, soit 10 de plus que la concurrence, il représente alors le véhicule phare de l’industrie française..

L’APH : LA REFERENCE DES AUTOCARS DE LIGNE

En 1950, Chausson a pris bonne note des critiques et suggestions de sa clientèle : le succès des modèles précédents et le développement du marché le décident à revoir en profondeur son modèle. 

C’est dans ce contexte que ce nouveau Chausson fut commercialisé.

La ligne générale reste la même mais les évolutions sont nombreuses.

Le pont arrière et l’essieu avant sont désormais des organes « maison », l’autocar peut ainsi recevoir des équipements en pneus jumelés ou simples à l’arrière.

Chaussé avec les nouveaux pneus extra larges E-20 Pilote X de Michelin, le confort est accru.

La carrosserie évolue esthétiquement : le « nez de cochon » s’orne d’un carénage luxe (en option) qui intègre deux phares anti-brouillard que l’on voit ici au Musée des Transports de Paris (AMTUIR) dans lequel on aperçoit son admirateur : Bertrand Hervouet.

La face arrière reçoit trois baies au lieu d’une, disposition qui restera inchangée jusqu’en 1965.

DIMENSIONS ET POIDS

LES ANCETRES

L’ancêtre du car Chausson APH 47 est l’ AP 1 né pendant la guerre en 1942 lui-même suivi de L’AP 2 à partir de novembre 1945.

Ce dernier se voit équipé d’une porte pliante à 2 battants l’avant, déplacée dans le porte-à-faux avant, ce qui améliore considérablement l’exploitation commerciale car les passagers montent directement face au conducteur.

La commande des portes se fait par air comprimé. les AP2(regroupant les APE, APH et AH) sont produits à 63 unités jusqu’en mars 1946

Ensuite, l’AP3 va lui succéder avec un grand succès; c’est ce modèle qui va vraiment vulgariser l’image de l’autocar à « nez de cochon « (2856 véhicules seront produits jusqu’en octobre 1949)

 Chausson battra ces années là, des records de production (1075 autocars sortis d’usine en 1948 soit 29 % de la production nationale de véhicules de transport en commun))

LE MOTEUR 4HL PANHARD

Côté motorisation, il bénéficie de l’augmentation de puissance du moteur Panhard 4HL qui passe à 110 ch,

Le bloc moteur est fondu d’une seule pièce.

Il comporte à droite une plaque de visite de l’arbre à cames et des poussoirs et à gauche une plaque symétrique permettant le détartrage des chambres d’eau.

Les cylindres sont munis de chemises sèches en fonte spéciale amovibles.

Le montage et le démontage de ces chemises doit être fait à l’aide d’un outil à vis car elles sont emmanchées à force.

On constate sur ces photos que l’appareil s’appuie sur quatre goujons du bloc.

Notons que ces goujons comportent, le long de l’une de leurs extrémités filetées, une gorge qui sert à l’évacuation de la graisse ou de l’huile qui peut s’accumuler au fond des forages du bloc, et à empêcher, par conséquent l’éclatement du bloc pendant la mise en place.

Les chemises sont fabriquées par Panhard et ne nécessitent aucune retouche d’aucune sorte après emmanchement.

Mais il peut également recevoir d’autres groupes de propulsion comme le Somua de 150 ch.

Le tout nouveau ralentisseur Telma fait partie des options. 

La boîte à 5 vitesses de marque Panhard occupe la position centrale sous la caisse et la possibilité d’un relais surmultiplicateur améliore encore les performances.

Il sera aussi équipé de la boite Renondin.

Plus élégant, le nouvel autocar comble les désirs de la clientèle qui l’apprécie pour les longs parcours, à travers à la France ou vers l’étranger. 

Sur le marché du transport urbain, en version autobus, il a également connu un beau succès, Comme ici à Toulouse.

Les grands carrossiers de l’époque ne résisteront pas à l’envie d’apporter leur touche personnelle à ce modèle, ce sera le cas de Di Rosa et de Amiot, permettant ainsi de prendre pied dans la catégorie des autocars de grand luxe.

Malgré tout, les autocaristes souhaitent que Chausson sorte un modèle plus moderne pour la clientèle « tourisme ».

Ce qui sera fait en 1952 : le design de ce nouveau véhicule allait s’imposer dans les deux catégories bus et cars.

La saga des « Nez de Cochon » était bel et bien terminée, laissant place aux « Moustaches ».

Le véritable n° 51 des VFD, né le 19 juillet 1951, est présenté au Musée des Transports de Paris (AMTUIR).

Il avait été conduit à Paris par la route depuis la région lyonnaise où il était affecté.

Sous la pression de Bertrand Hervouet, il va commencer sa phase d’une prometteuse restauration.

Après de nombreuses années d’attente en plein air, il n’était que poussière : mais après un bon nettoyage au karcher, sa belle robe vert amade vient d retrouver de sa superbe.

Toute la carrosserie a supporté les affres du temps et le moteur lui-même a redémarré, cylindre par cylindre, après quelques mises au point de base : Bertrand est sous le coup de l’émotion !

Maintenant à l’abri et bientôt sur le pont, le travail de restauration va pouvoir commencer…

Ce sera une autre histoire à raconter…

Charly RAMPAL   (Doc. Panhard, Chausson et Charge Utile, remerciement à toute l’équipe de l’AMTUIR et à Bertrand Hervouet pour son coup de cœur.