ETIENNE DE VALANCE
Après la guerre, le sport automobile français est mal en point. Gordini est sur la fin, en proie à des problèmes financiers et à une concurrence de plus en plus féroce.
Seuls Deutsch et Bonnet assurent régulièrement une présence glorieuse avec les fameuses DB, dont il n’est besoin ici (nous sommes entre spécialistes) de rappeler les multiples victoires.
Mais d’autres constructeurs français assurèrent également une présence presqu’aussi prestigieuse : Monopole entre autres.
Le dénominateur commun de ces succès avait un seul nom : PANHARD. Et plus encore le bicylindre créé par Louis Delagarde qui servira de base mécanique à des évolutions diverses mais toujours sérieuses.
Chaque équipe possédait son meneur de jeu, celui qui orchestre tous les débats, catalyse toutes les tendances, oriente les efforts vers un seul but : la victoire.
Chez Panhard, ce Ron Denis, ce Briatore avait un nom : Etienne De Valance.
LES DEBUTS
C’est en 1950 qu’il entre chez Panhard, de façon temporaire. Sortant de l’école de radionavigation, De Valance cherche son premier emploi. Et Grâce à son oncle, qui connaît quelqu’un chez Panhard, réussit à obtenir un stage.
Pas particulièrement porté sur l’automobile, il occupa toutes les positions à l’usine grâce à Paul Panhard qui avait baptisé cette façon de savoir pour comprendre : la grande formation.
Puis, il débute à la livraison des camions neufs chez SUZE à Maison-Alfort.
Il lui arrive aussi de livrer des voitures ay garage Molière que dirige M. Gaillard, dont on connaît la carrière sportive en tant que coureur et constructeur autour du moteur Panhard.
C’est là que le virus de la compétition commença à chatouiller Etienne De Valance.
C’est ainsi qu’il se retrouva au Mans en 1952.
Oh ! son travail est modeste, se limitant au remplissage des réservoirs d’essence des « Tanks » Panhard, mais le doigt est mis dans l’engrenage.
L’année suivante, c’est avec les frères Chancel que l’épopée du Mans prend la forme d’une barquette inspirée du Caudron Rafale étudié par l’ingénieur Riffard. Un 619cc vitaminé par Delagarde qui réussit à tirer 40cv et dont la moyenne en course atteint 125,358 : stupéfiant !
A cette époque, le nom de Panhard résonnait partout sur les ondes de la TSF. Il faut dire que le bicylindre équipait les Monopoles, les DB et les produits de la Maison Panhard.
Pour exploiter les retombées de tous ces succès, De Valance fonda au sein de la Maison doyenne, un service de Presse.
En 1954, le Trophée mis en jeu par « L’Automobile » pour la première voiture de 750cc qui dépasserait les 200 km/h, revint à Pierre Chancel sur un tank à moteur Panhard.
Ce fut le point de départ d’un service compétition enfin structuré. De Valance avec l’aide de Gilbert Pichard, alors chef d’atelier de mise au point, se voit confier l’assistance des participants au Rallye de Monte Carlo. Les moyens de l’époque feraient sourire aujourd’hui devant cette débauche de moyens tant humain que financier !
Mais astuce et courage sont les maîtres mots de la fonction : deux Dyna Z, une berline et une camionnette transformée en atelier ou en navire hôpital selon les nécessités, point c’est tout !
En 1955, le constructeur de la Porte d’Ivry, saute le pas et engage ses propres modèles aux 24h du Mans.
Etienne de Valance devient Directeur du Service Compétition à la place de René Panhard..
Mais, manque de chance, c’est l’année noire du sport automobile français avec la tragédie mancelle.
Paul Panhard est très affecté et préfère revenir à la présence de sa marque par écurie interposée.
C’est Monopole qui portera les couleurs de la Maison, sous le nom de Panhard-Monopole : mariage conclu jusqu’en 1958.
Monopole s’étant retiré, c’est vers DB que Panhard s’associe : l’entente portera le nom de Panhard-DB, pas pour longtemps, puisque le 31 décembre 1961, René Bonnet décide de se tourner vers Renault.
Si sur la plan sentimental, le monde automobile ne peut que déplorer la rupture d’une association qui représentait et défendait avec succès le bleu de France, par contre ce conflit porte ses fruits, puisque nos deux protagonistes allaient montrer individuellement la mesure de leurs possibilités.
1962 : LE COUP DE POKER
Deutsch partait avec les plans du coach qui devait remplacer l’HBR et mit sur pied un programme de recherche pure, systématique.
Il confia les travaux dont il avait dressé les plans, aux laboratoires du Moteur Moderne.
C’est le moteur Panhard qui, tout naturellement, devait être le terrain d’investigation.
Le 20 janvier 1962 tout était en place pour relever le défi posé par Bonnet.
Pendant 3 mois sous la direction de Bernard Boyer côté CD et De Valance / Pichard côté Panhard, on mit les bouchées doubles pour réaliser les quatre protos dont trois prendront le départ de la ronde infernale.
On connaît le résultat : une première place à l’indice de performance, 10ème victoire au Mans, un titre de champion de France pour Gulhaudin.
LA PUBLICITE AUSSI
Le côté compétition n’empêche pas Etienne de Valance de continuer à s’occuper de publicité et du service de Presse.
C’est lui qui dirige l’annonce, en 1955, de la prise du capital de Citroën chez Panhard.
Le travail sur la publicité l’amène à être en contact direct avec les artistes des fameux catalogues : Alex Kow en particulier.
En 1963, trop occupé par la sortie de la 24, Panhard décide de prendre une année sabbatique en compétition.
Là encore, De Valance prend une part active à la sortie de ce modèle vedette.
UNE FIN ANNONCEE
En 1964, l’influence de Citroën se douloureusement sentir, concrétisée par ses intentions d’arrêter toute compétition.
La raison d’être d’Etienne de Valance n’étant plus de mise chez Panhard, il s’en va le 31 décembre 1964, mais continu de travailler chez Deutsch ; qui avait créé sa propre écurie,, jusqu’en 1967.
Mais la chute de Panhard lui donna beaucoup de chagrin, car il avait largement contribué à écrire les plus belles pages sportives de la grande marque française et vécut une expérience formidable même si mouvementée, en étant le coordinateur éclairé de tous ces enthousiastes créateurs et combattants.
C’était l’époque où l’on faisait du sport et non de l’argent.
Pour De Valance, les actes ont été plus forts que les mots, il a prouvé qu’il pouvait être le meilleur en maîtrisant toute la chaîne des paramètres.
DE VALNCE : L’HOMME DE CŒUR
Aujourd’hui, Etienne vieillit gentiment avec quelques petits soucis de santé inéluctables. Mais, le virus est toujours actif, puisqu’il a été commissaire sportif du Mans, puis Directeur de courses en VHC, simplement pour voir se battre le bicylindre sur la piste, comme avant.
Et lorsqu’une Panhard monte sur le podium ou participe à une grande manifestation internationale comme Le Mans Classic par exemple, il est toujours là, à côté de nous qui essayons de maintenir la flamme.
Son visage est clôt et muet, mais son regard se noie sous des larmes de joie et de bonheur : oui, Etienne de Valance carbure aux sentiments et à l’émotion !
Charly RAMPAL