ALLEMANO
La carrosserie Allemano date de 1928. Basée à Turin, Serafino Allemano destinait son officine à la réparation mécanique.
En 1935, cependant, il oriente ses efforts vers la carrosserie. Ses activités seront suspendues pendant la période que va durer la deuxième guerre mondiale.
A la fin des années quarante, il redémarre sous l’impulsion de Ferrari qui lui commande une interprétation de sa 166 en collaboration avec John Michelotti.
Puis, c’est le début des années cinquante où cette décennie voit Allemano travailler sur des bases de Fiat et de Lancia, comme par exemple son célèbre coupé et cabriolet Lancia Aurellia en 1954. Même réalisées en très petites séries, ces voitures auront un remarquable succès.
Cette reconnaissance déborde alors le cadre de la péninsule italienne, pour se pencher sur notre Dyna Panhard de750 cm3 dès 1951.
Outre les bonnes qualités mécaniques, les voitures françaises du début des années cinquante étaient considérées en Italie comme laides et mal finies.
Il est exact que, à part la Lancia « Ardéa » et la Fiat 1100, les autres voitures italiennes sont plus élégantes que les nôtres.
La Citroën produit un effet lamentable, la 203 parait dater de plusieurs années. En revanche, la 4cv est sans conteste la voiture française la plus appréciée tout comme la Frégate qui y fait une excellente impression.
Quant à notre pauvre Dyna X, les italiens levaient les bras au ciel en la contemplant. C’est pourquoi beaucoup de carrossiers italiens se sont penchés sur elle, ne gardant que les bonnes choses : c’est-à-dire tout sauf la carrosserie !
C’est ainsi qu’Allemano ne pouvant supporter plus longtemps ce spectacle indigne des énormes qualités de la voiture, prit le taureau par les cornes, la Dyna par la main et l’a amenée se faire habiller dans ses ateliers. Résultat un magnifique cabriolet façon Simca Sport avec une très bonne finition.
Elle sera présentée des 4 au 15 avril 1953 à Turin au salon International de l’Automobile.
Puis, il réalise un magnifique coupé 4 places dont la production ne dépassera pas les 6 exemplaires.
C’est grâce à un panhardiste japonais, Kunio Okada, collectionneur de voitures prestigieuses que j’ai pu avoir ces magnifiques photos de la sienne, impeccablement restaurée dans les règles de l’art.
Cette voiture faisait partie de l’écurie compétition Ital-France-Milano dont je vous ai parlé au cours de mon récit sur les Mille Miles 1952 avec Marc Gignoux.
C’est un très joli coach à phare central comme il était de mise à l’époque. Certes la ressemblance avec les Fiat de cette époque est sans conteste, mais avouez qu’elle a de la gueule !
3 barquettes en ont été dérivées et ont participé aux Mille Miles 1952.
La voiture de Kunio Okada est restée dans sa version compétition avec ses accessoires d’origine.
Dans le compartiment moteur, la boite et le groupe propluseur ont été restaurés par Claude Piquet ancien Président du Fan Club dont Okada faisait parti.
Equipé d’un double allumage, ce moteur a été vitaminé. On remarque la présence de deux carburateurs Weber juste à l’entrée des cylindres. De curieux cornets, qui n’ont rien de trompettes, les coiffent.
Il n’y a pas de ventilateur et le démarreur est momentanément absent.
Sur le passage de roue avant gauche un numéro de carrosserie est frappé : 475807, juste au dessus de la plaque Panhard avec les mentions : type X86 et de nouveau le numéro 475807.
Le réservoir d’essence a été reporté à l’extrême arrière de la voiture avec une ouverture rapide propre à ces années là.
Dans sa livrée bleue roi, la voiture est magnifique, le petits butoirs rappellent la vocation sportive de la voiture.
Le gros sourcil chromé qui parcourait l’extrémité avant du capot moteur, a disparu ainsi que les enjoliveurs de roues typiques aux Dyna X, donnant plus de légèreté à l’ensemble. Mais Okada les remettra pour des présentations officielles.
Actionnons la poignée de porte noyée dans la carrosserie pour découvrir l’intérieur.
Le tableau de bord, en tôle peinte, est totalement dépouillé.
Un compteur de vitesses en demi-lune est positionné juste en face du conducteur et visible entre les branches supérieures du « Y » du magnifique volant bois, fierté des italiens.
Un compte-tours (d’époque ?) a été rajouté sous le tableau de bord en face du passager.
L’ambiance sportive est encore soulignée par la commande d’ouverture des portes à partir d’une simple tringlerie des plus rudimentaires et les vitres sont bien sûr coulissantes.
Le dessin de la voiture est parfaitement équilibré, rondouillard, comme on les aime, simplement taillé dans la discrétion.
Les pneumatiques (de vulgaires Michelin X) affleurent les ailes, donnant l’illusion d’une belle assise du plus bel effet. On est loin des carrosseries débordantes (comme sur le Le Mans) qui donnent la désagréable impression d’une caisse trop grande pour le châssis !
La carrosserie est en tôle. Ses formes douces, parfaitement proportionnées valent autant par leur sobriété que par leur élégance.
Elle a lancé de façon heureuse, l’essentiel des attributs esthétiques qui feront la grandeur d’Allemano.
Si elle a conservé le caractère sportif dont elle est destinée, elle demeure l’une des plus remarquables réalisations sur base Panhard des années cinquante.
Bien de petites marques renommées sont nées à l’époque de cette démarche artisanale, singulièrement hasardeuse.
La rentabilité à terme de telles opérations importaient moins que le plaisir d’apposer son nom sur le capot d’une voiture destinée à engranger des victoires plus ou moins significatives.
Cependant, cette réalisation sur base Panhard, ne relève en rien du bricolage, mais d’une conception homogène. Leur légèreté, leur tenue de route et la puissance du moteur Panhard devaient permettre à ces dérivés de réaliser des scores intéressants dans les épreuves routières en Europe.
Ses performances potentielles et ses possibilités routières la destinaient tout naturellement à une carrière sportive internationale.
Puis, c’est au tour de Renault de lui confier la tâche de réaliser une version cabriolet sur base de 4cv et dauphine.
Enfin l’Angleterre de voir des marques comme Jaguar et Aston Martin porter la patte de ce carrossier.
Mais l’Italie n’est pas oubliée, avec Masérati qui lui confie la robe des GT 3000 et 5000 GT : de véritables chefs d’œuvres.
Le succès est lancé. Et Allemano peut s’inscrire dans la lignée des Bertone, Ghia, Vignale, Savio, Pinin Farrina, Michelotti et bien d’autres qui feront de l’Italie, la capitale du design de cette époque.
Charly RAMPAL