Pourquoi l’Aérodynamique intervient-elle dans le dessin des carrosseries ?

La réponse pourrait-être : parce que la carrosserie se déplace dans l’air, mais sous cette forme trop générale elle ne nous apprendrait rien. Il faut entrer dans le détail.

Le déplacement d’un corps dans l’air entraine des mouvements complexes dans le fluide et des réactions sur le solide dites forces aérodynamiques (sous-entendu de « contact »).
Elles seront analysées, plus loin, mais on sait d’ores et déjà que ces forces se traduisent principalement par une résistance au mouvement.

Cette résistance, communément appelée « trainée », existe toujours mais, comme elle décroit rapidement lorsque la vitesse diminue, on ne s’en soucie vraiment que pour les véhicules rapides dont elle limite les performances d’accélération, de vitesses maximales et de consommation.

Si on s’arrête un moment sur ce dernier point qui est sensible de nos jours avec un prix du pétrole qui atteint des sommets, on constate que la consommation d’un véhicule provient de trois sources principales : l’énergie d’accélération qui est perdue ultérieurement au freinage, la résistance au roulement et, enfin, le travail de la trainée.
Ce dernier a d’autant plus d’importance que le rapport poids sur maitre couple multiplié par la vitesse au carré est plus petit. Le rapport est grand pour les camions, pour les autocars il est déjà plus près de celui d’une berline moyenne.

Voici donc posé un premier problème : réduire au strict minimum la résistance que l’air oppose au mouvement du véhicule.

Mais les efforts aérodynamiques ne se ramènent pas seulement à une force longitudinale opposée au mouvement. Des composantes verticales existent en permanence qui délestent ou surchargent les essieux.

Enfin, des forces latérales se développent aussitôt que la direction du mouvement relatif, par rapport à l’air, n’est plus parallèle au plan de symétrie vertical du véhicule : dérapage, vent transversal ou oblique.

Il est évident que ces forces, si elles ne demeurent pas négligeables devant le poids, influenceront la stabilité, en bien ou en mal.
D’où le deuxième problème : faire en sorte que la combinaison des efforts aérodynamiques avec les réactions du sol favorise la tenue de route à grande vitesse.

Mais ce n’est pas tout. Il existe en général, dans une voiture, des organes dont le principal est le moteur, qui exigent un refroidissement permanent. La chaleur ainsi libérée doit être emportée par l’air ambiant, d’où un troisième problème : ménager dans la carrosserie des passages d’air de refroidissement efficaces sans compromettre la solution des deux problèmes précédents.

Enfin, l’écoulement de l’air autour de la carrosserie réagit fortement sur le confort des passagers et ceci de plusieurs manières : par les bruits aérodynamiques, de niveau très élevé à grande vitesse ; par des changements de pression et de température dans l’habitacle.

Le quatrième et dernier problème s’énonce donc : empêcher que les phénomènes aérodynamiques ne nuisent au confort du pilote et des passagers.

Les relations entre les solutions de ces quatre problèmes, d’une part, et les formes de la carrosserie, de l’autre, sont d’une très grande subtilité et il serait tout à fait vain de tenter de les appréhender par des raisonnements simplistes.
Il n’est pas davantage possible de les négliger si le véhicule n’est pas à la fois très lent et très lourd.
On peut à peine l’admettre pour un camion ; pour un autocar, pour une voiture de tourisme ou, à fortiori, pour une voiture de compétition c’est tout à fait impensable.

En effet les efforts aérodynamiques de toute nature sont sensiblement proportionnels au carré de la vitesse.

Comme il n’en est pas de même pour les autres efforts, à mesure que la vitesse croit, les forces et les moments aérodynamiques deviennent de plus en plus déterminants dans le comportement du véhicule.

Dès 80 km/h, la prépondérance de la trainée sur les autres résistances est assurée pour toutes les berlines de tourisme.

Pour les voitures de course la résistance de l’air consomme couramment en vitesse maximale stabilisée plus de 80% de la puissance motrice.

D’autre part, les forces verticales peuvent produire des délestages d’essieu, principalement de l’essieu avant, et amorcer des oscillations de tangage. Ces phénomènes qui peuvent commencer à 150 km/h dans certains cas, sont évidemment très dangereux.

C’est non seulement la performance qui est en jeu, mais aussi la sécurité.

Bien entendu, les exigences aérodynamiques se heurtent très souvent, mais pas toujours, loin de là, à beaucoup d’impératifs d’ordre pratiques, technologique, esthétique, ou pseudo-esthétique, et financier.

Des arbitrages, des compromis sont nécessaires, comme par exemple l’emploi de tôle fines nervurée ou ondulée permettant de gagner du poids au prix d’un plus grand coefficient de trainée. Le bilan dépend de la vitesse : il peut être favorable pour un véhicule lent et lourd, et défavorable dans d’autres cas.

Pour les faire au mieux, une connaissance approfondie de la question est indispensable car une connaissance superficielle, en cette matière comme en beaucoup d’autre, est tout aussi dangereuse que l’ignorance totale, parfois plus.

Malgré tout, on ne peut rien contre le fait que l’Aérodynamique est un chapitre de la Mécanique des fluides, elle-même branche de la physique. Par suite, sa compréhension implique forcément un minimum de connaissances de base en cette science fondamentale.

Les moyens de mesure dans les années soixante au moment de la réalisation du CD-Panhard, étaient les suivant :

• Essais routiers
• Décélération en roue libre
• Vitesse limite sur pente
• Couple-mètre sur les demi-arbres des roues motrices
• Hampe dynamométrique.

On établit ensuite un programme d’essais qui découleront sur l’interprétation des résultats.

Ces interprétations seront schématisées sur des représentations graphiques.

Une fois le travail dégrossi, s’en suivent des essais en soufflerie sur des voitures réelles ou maquettes en vraie grandeur.

Enfin, pour visualiser les écoulements de l’air sur la carrosserie, on pouvait utiliser :

• des fils de laine

• de la craie liquide

• émettre de la fumée, en soufflerie seulement, bien entendu en amont de la maquette.
• Bulles de savon gonflées à l’hydrogène
• Projection de talc…

Voici posés, en quelques lignes, les principes généraux.

Nous reviendrons en détail sur tous ces points et bien d’autres dans de prochains articles techniques.

Charly RAMPAL ( à partir de l’étude de M. ROMANI)