Si les Panhard de la « belle époque » étaient les reines de la route, l’après-guerre fut pour la marque Doyenne, comme pour beaucoup d’autres, l’époque des records.

Si les 20, puis les 35cv laissèrent des traces dans l’histoire de l’automobile des records, les 10cv « lame de rasoir » furent bien plus discrètes.

Pourtant, comme beaucoup de Panhard, elles étaient aussi révolutionnaires sur certains points.

Conçues et construites entièrement pour la chasse au chronomètre, elles furent les plus malchanceuses des Panhard de records.

La particularité essentielle que le béotien retiendra, c’est ce fameux grand volant de direction, sans branche qui entourait le corps du pilote, qui ne voyait la route qu’en se jetant de temps à autre sur les côté !

L’esprit de la voiture de course moderne se signale par un maître couple réduit à sa plus simple expression. Et bien avant que Colin Chapman demande à Jim Clark de s’allonger dans l’habitacle d’une Lotus XXV, l’ingénieur Breton puis Ortmans avaient expérimenté cette position : Comme quoi…

BIONNIER ENCORE ET TOUJOURS

C’est une nouvelle fois Bionnier qui participa à la conception de ces voitures dessinées autour des mensurations de Breton.

Chaque cycle de vie a ses modes, et dans les années 20, les records étaient le moyen de montrer les qualités d’une voiture et d’en répercuter l’image sur la marque.

Dès le début de l’année 1925, un châssis Sport 25 ch fut cédé au département « Recherches » de la Porte d’Ivry, pour concrétiser ce but.

5 mois après, fin juin, étincelante sous sa carrosserie d’acajou cloutée de cuivre, la 20cv partait pour Monthléry.

Très belle, admirablement proportionnée, cette voiture se présentait comme une fausse monoplace. Le conducteur était décalé vers la droite, la place gauche étant recouverte.

LE TEMPS DES RECORDS

La prestation fut à la hauteur des espoirs placés en elle, puisque l’ingénieur Breton établit 4 records du monde et obtint le meilleur tour de l’anneau de vitesse à 190,324 km/h.

Mais hélas, il échoua dans sa tentative du record de l’heure.
Alors qu’il était en avance sur son plan de marche quand un pneu éclata au bout de 100 km.
La réparation fit tomber gravement la moyenne à 168,9 (le record était détenu par Parry Thomas à la moyenne de 175,564). Le record tenait toujours, mais petite consolation, Breton avait établi un nouveau record pour la catégorie de 3 à 5L.

Bien sur, le moteur 20cv était sans soupapes, procédé en vigueur chez Panhard depuis 15 ans déjà.

Parmi les innovations, notons l’emploi de chemises régulées en acier, minces et légères, qui permettaient d’atteindre les hauts régimes sans fatigues et sans vibrations.

Les orifices d’alimentation avaient été largement dimensionnés et la culasse présentait une forme hémisphérique avec bougie unique et centrale, pour chaque cylindre.

L’année suivante Ortmans, pilote amateur, prenait le relais sur sa 20cv sport et culbutait à sa deuxième tentative, les records de Breton.
Il fut alors adopté par Panhard et allait viser plus haut, en construisant une véritable voiture de records.

Au mois d’Avril, le première « lame de rasoir » fut mise en chantier. Hélas, cette voiture est demeurée toujours mystérieuse, plus encore que sa cadette, la 1500.

On sait en tout cas, que Breton décrocha 2 nouveaux records et il semble néanmoins que ce soit au volant de ce modèle ou d’un modèle en tout point semblable que cet infatigable ingénieur trouva la mort au moment du Salon de 1926, peu après avoir dépassé les 200 km/h.

Cette voiture avait été conçue pour atteindre les 240. Elle couvrit officiellement les 5 miles à 223 km/h de moyenne.

SA CONCEPTION

La carrosserie était en métal léger, la structure était formée de lattes longitudinales placées jointure contre jointure et maintenues par des membrures internes.
Pour que ces jointures entre chaque bord soient parfaites, les tranches supérieures et inférieures avaient été taillées en chevrons.

Les lattes s’imbriquaient parfaitement, ce qui laisse supposer un admirable travail d’ajustage.

Cette carrosserie était légèrement moins longue que le châssis proprement dit dont les deux longerons, parallèles sur les ¾ de leur longueur, se rejoignaient sous la pointe arrière.

Quant à la longueur, elle ne devait pas dépasser 55 cm, au droit du poste de pilotage dans lequel le conducteur, on le sait, se tenait à demi couché.

Vue de face, la partie supérieure de l’avant formait un arrondi, la tête du pilote se trouvant dans le prolongement.

Pas question de voir par-dessus. A Monthléry la vision latérale était suffisante sur l’anneau.

Bien qu’il s’agisse d’un moteur de 5 litres, la longueur du capot, malgré les tendances de l’époque, ne dépassait pas le quart de la longueur totale.

Ce capot était percé sur les deux côtés de deux groupes de persiennes et, dans sa partie haute, de deux fenêtres longitudinales.

Le radiateur, du type coupe-vent, avait été fourni par Moreux. Il était pris dans un carrossage en métal poli, épousant lui aussi strictement les formes de la carrosserie.

Pour améliorer la ventilation, on avait même ajouté un carénage en tôle qui formait tunnel de venturi.

Les ressorts avant se trouvaient logés sous les longerons du châssis et étaient carénés.

Le système d’échappement (à l’origine deux conduits de 4 tubes qui se rejoignaient au sortir du capot) courait également sous le longeron gauche.

Quant au fameux volant de direction, il était incliné d’avant en arrière sur la 5 L, il fut placé dans l’autre sens sur la 1500 à la demande de Breton.

Sur l’une comme sur l’autre, le levier de changement de vitesse ainsi que la commande manuelle des freins se trouvaient placés au centre, un peu en avant des pédales.

Pour transmettre le mouvement le volant proprement dit, était fixé à un secteur denté qui l’engrenait à sa base sur le boitier de direction par l’intermédiaire d’un pignon Bendix.

Un mécanisme démultiplicateur était ensuite adapté. Sur la 5 L, la transmission du mouvement s’effectuait finalement par une bielle latérale placée à droite qui attaquait la traverse avant de direction situé en arrière de l’essieu.

Ce dispositif variait sur la 1500 : la bielle était placée entre les longerons du châssis et attaquait une double biellette en équerre, la traverse de direction, l’articulation s’effectuant, là, au centre.

LES MYSTERES DE LA CONSTRUCTION

Un petit mystère plane toujours sur l’essieu avant qui ne se fixait pas au centre des roues mais en dessous de l’axe de rotation.

De cette disposition, on pourrait déduire que les roues avant de la 1500 étaient montées sur des flasques fixes encastrées dans les jantes.

Un second mystère : celui du freinage avant. Le mécanisme de commande pouvait évidemment être placé à l’intérieur même de l’essieu, mais compte-tenu de l’étroitesse des roues, on imagine mal la forme des tambours.

Une certitude en revanche : le freinage arrière s’effectuait en sortie du différentiel.

LA CARROSSERIE DE LA 1500

Les côtes montrent que l’ensemble était de petite taille et la largeur n’excédait pas 45 cm, encore s’agit-il de la largeur maximale calculée à la hauteur de l(habitacle, à un endroit où s’exerce le débattement des codes du pilote !

Vu de dessus, cet étroit cigare d’acier ressemblait en tout point à la carrosserie de la 5 L.
Innovation sur cette voiture : un appui-tête réglable avait été monté. Il a fallu d’ailleurs l’enlever pour que le conducteur puisse accéder aux commandes.
Celui-ci installé, un écrou de réglage permettait de bien caler le … tout !

DANS LES OUBLIETTES

Si cette voiture ne devait jamais connaître les honneurs du palmarès, elle eût quand même le mérite de survivre.

Hélas, après un voyage malheureux en Angleterre et malgré toute la résolution, l’acharnement de Ortmans bien décidé, lui, à poursuivre la mise au point, la firme décida d’arrêter les expériences des « Spéciales ».

La 1500 fut exposée au Salon de Paris 1926 et disparue un an plus tard.

Seul son moteur 4 cylindres aurait survécu au moins jusqu’en 1955 !

Charly RAMPAL (Documents et photos : Archives Panhard et Levassor)