Jusqu’à la fin d la saison 67, et après Reims, les CD tournèrent encore régulièrement sur les pistes d’essais Michelin afin de participer au développement des pneus Racing de la marque, mais dès cet instant, la décision avait été prise d’arrêter :

« Nous n’avions plus d’argent ! Raconte Robert Choulet. Esso nous aidait, mais il aurait fallu que nous trouvions d’autres soutiens pour pouvoir poursuivre l’aventure.

Et,  comme nous ne voulions pas que tout notre travail « parte en fumée » à brève échéance, nous avons résolu de faire un bilan récapitulatif de ce que nous avions appris en matière de dynamique.

Cela  donna naissance à un livre, « la dynamique des véhicules routiers », qui comportait des données de bases d’un niveau mathématique accessible et fut utilisé par la suite dans de nombreux bureaux d’études. »

Les CD66 étaient des voitures fantastiquement pures et belles, certes, mais elles n’ont pas eu de grands résultats. Est-ce dû aux finances, aux pilotes, à la faible cylindrée des moteurs ?

« C’est certain, il nous aurait fallu avoir un budget suffisant pour ne pas nous cantonner aux 24 Heures du Mans, et, à cet égard, il aurait été plus fructueux d’effectuer une saison du Championnat du Monde des Marques complète… sans parler du développement de voitures de Grand Tourisme que nous aurions pu extrapoler des CD64 et 66 à partir de l’expérience que nous avions acquise.

En ce qui concerne nos pilotes, qui n’étaient certes pas très connus, je ne crois sincèrement pas qu’ils ont été pour quoi que ce soit responsables de nos échecs.

Tout était une question de moyens, et le seul regret que j’ai eu à propos des CD66, et que j’ai toujours, d’ailleurs, est de n’avoir jamais pu l’équiper d’une direction plus dure et plus directe.

Notre crémaillère de série, était trop démultipliée, ce qui est néfaste sur la dynamique du comportement car l’inertie du volant prend énormément d’importance.

D’autre part quand une direction est trop douce, il n’y a pas de contre réaction  et on engage excessivement la voiture en courbe, les corrections sont délicates et la lenteur de réaction ne permet que fort difficilement de contrôler un dérapage brutal.

Pour avoir moi-même piloté la voiture, je me suis rendu compte de ces difficultés, et c’est donc par là que nous aurions du commencer les modifications indispensables.

Jean-Pierre Beltoise avait d’ailleurs essayé la 66C juste avant notre renoncement (article de cet essai sera publié sur ce site du PRT), et, au milieu de tout un faisceau de qualités, il lui avait trouvé cet énorme défaut rédhibitoire…

Pour en revenir au côté « pilote », de vrais professionnels auraient peut-être gagné trois ou quatre secondes sur un tour au Mans, tout au plus !

Moi, je voyais avant tout le côté technique de l’aventure, et j’avais besoin de pilotes capables de ressentir quelque chose, d’abord de séparer des impressions, ensuite, et d’analyser et de donner des informations, enfin.

Mais, il existe un écueil fort dangereux à cette relation pourtant idéale ingénieur – analyste/pilote – informateur : c’est que ce pilote, justement, faute d’autres expériences , ou, à tout le moins, d’expériences récentes, s’adapte trop bien à une voiture et à ses défauts, qu’ils ne ressent pas, si bien qu’il finit à la longue par « passer au-dessus »…

Alors, au contraire un pilote « non habitué » et qui court simultanément pour d’autres écuries trouvera une foule de choses inacceptables !

 Et c’est peut-être par là que nous avons pêché car nos pilotes habituels ne « pratiquaient » pas de voitures similaires et ne couraient que pour CD au Mans, une fois par an.

La plupart avaient certes un métier qui les mettait en relation étroite avec l’automobile, conduisaient souvent des GT, mais leur seule expérience de a course provenait de nous ! »

En 1966, les 3 CD-Peugeot étaient pilotés par :

Ogier : pas d’expérience des grandes compétitions sur circuit. Au début des années soixante, il était copilote en rallies chez Citroën aux côtés de Trautman principalement. C’était ses début de piltote en 1966 pour CD !

Johny Rives qui est un journaliste automobile et n’avait aucune expérience en course.

Georges Heligoin :  non plus.

Claude Laurent : est essentiellement un pilote de rallies principalement sur DAF et DKW. Il participait aux 24 Heures du Mans depuis l’année 1960, mais en GT.

Pierre Lelong :  Il a couru 4 fois au Mans : en 1960 sur DB-HBR, puis sur le CD 1962 avec JP Hanrioud, sur le CD-ailerons en 1964 avec Guy Verrier et 1966 avec le CD-Peugeot associé à Alain Bertaut, puisque cette année là André Guilhaudin avait refusé de courir jugeant la voiture trop dangereuse !

Alain Bertaut : journaliste que l’on connait et coéquipier d’André Guilhaudin. Il a couru 5 fois au Mans.

Seul, André Guilhaudin avait un palmarès plus étoffé et à même de juger une voiture, ce qu’il fera en 1966 où il refusera de courir au Mans.

En 1967 : 2 voitures CD-Peugeot au Mans pour Guilhaudin et Bertaut et la seconde pour Ballot-Léna (gros palmarès) et Denis Dayan, ce dernier était une des vedettes de la coupe R8 Gordini et une future étoile, hélas trop vite éteinte à Rouen en 1970.    

« Cela dit, j’ai toujours un peu de regret de ne pouvoir, faute de temps, tenir plus souvent le volant, mais il était difficile de parier ce côté « aventureux » avec le crayon, la règle à calcul, la planche à dessin et même parfois le chrono !

Du côté moteur, il faut bien voir qu’à cette époque, en France, nous n’avions guère le choix : les blocs de forte cylindrée n’existaient pas et dénicher un 1600 relevait déjà de l’exploit…

C’est pourquoi, lors de notre association avec Peugeot nous n’avons jamais envisagé quelques chose d’autre, à moins, bien sûr d’aller « taper » à l’étranger, avec par exemple un Ford ! »

Robert Choulet ne s’étend pas sur le sujet, mais avouons qu’une CD66 avec une coque apte à supporter un surcroit de puissance, des moyens financiers pour la faire rouler, des pilotes pour la conduire et, derrière leur dos, un 4 litres 7, cela aurait sans doute donné quelques chose de fantastique !

Mais revenons au contexte de l’époque, et à une anecdote qui est hélas révélatrice du carcan de plus en plus serré dans lequel l’automobile est tenue prisonnière :

« La totalité de nos CD, à l’exception des dernières années, étaient immatriculées, et donc aptes à rouler sur route si l’envie nous en prenait.

Je me souviens ainsi qu’un jour, avec la 64 à dérives et moteur Panhard, nous devions aller faire un test de roulage chez Michelin.

Elle était à ce moment là chez moi, à Valence, et comme cela ne représentait pas un trajet important, j’avais décidé d’y aller directement par la route !

Me voilà donc parti avec ma « caisse à dérives » et j’y prenais bien du plaisir : il faut dire qu’à cette époque là (oh combien bénite), la vitesse n’étaient pas limitée, et n avait vraiment le droit de tout faire, à condition de respecter le code de la route et de se plier aux limitations en agglomération.

J’attaquais donc assez fort, et, en haut d’un col, deux motards me voient tout à coup surgir !

Intrigués par l’allure peu ordinaire de l’engin, ils ne font ni une ni deux et se lancent  ma poursuite.

Dans la descente du col, je me suis livré à fond, sauf dans les petits villages que nous traversions et dans lesquels un sorte d’accord tacite, les motards et moi, respections la vitesse imposée, et à la longue, avec mon petit 851cc et mes dérives, j’ai fini par les semer !!!

Je suis bien certain que si j’avais eu le loisir de rencontrer « mes » deux motards  après qu’ils aient abandonné la poursuite, ils se seraient montrés bons perdants…

Bien entendu des expériences comme celles-ci appartiennent définitivement au passé… »

Quant aux CD, elles ont survécu : la 53 est au Musée du Mans,

une des 66 (la 52) est chez Peugeot et l’autre repose au Musée de Châtellerault.

Mais personne ne les a oubliées, loin de là !

C’est ainsi que lors du Week-end Le Mans-Classic en 2016, nous avons eu le plaisir de revoir le CD-Peugeot 1966 portant le N° 52 (A. Bertaut-P.Lelong), paradait dans un concours au point de remporter le premier prix dans sa catégorie d’âge.

Le prix est celui de la FIVA (Fédération Internationale des Véhicules Anciens) au titre de la préservation du patrimoine, sous le patronage de l’UNESCO.

Un souvenir que le Musée Peugeot avait sorti de ses réserves.

Mais aussi en statique où elle trônait sur le stand de l’aventure Peugeot dans le cadre des rétrospectives des 24 Heures du Mans.

Charly  RAMPAL          D’après les interviews d’époque (Echappement)