DB 1961 PART 3
BARQUETTE DB 1961 A MOTEUR CENTRAL PARTIE N° 3
LA TROISIEME VIE
L’épopée de la « troisième vie » a été amorcée dans mon récit précédent quand la parole fut donnée à son propriétaire d’aujourd’hui : Robert Grisi.
Pour ce dernier récit, je laisse la place aux écrits de Roland Roy qui m’avait envoyés à l’époque sur ses relations avec cette auto.
« Je dois tout d’abord préciser qu’il s’agit pour moi d’un incident de parcours. Mon but original étant exclusivement de faire au 1/43ème la maquette de cette superbe voiture.
En effet, collectionneur de miniatures auto au 1/43ème un peu plus fou que la moyenne, je réalise entièrement si besoin est, les modèles qui m’intéressent et n’existent pas dans le commerce.
Les différents thèmes de ma collection vont des historiques aux marques. C’est ainsi que j’ai la collection de tous les vainqueurs des GP de France depuis l’origine en 1906, des 24h du Mans depuis l’origine en 1923, du Tour de France Auto, de la Targa Florio et du Rallye de Monte-Carlo depuis leur reprise après la guerre de 39 / 45.
Côté marques, je ratisse large avec Ferrari, Masérati, Abarth, Porsche, Lotus, Chaparall, Cuningham, Matra, Citroën, Panhard… DB… etc…
DB est ma marque préférée. Elle a été oubliée trop longtemps : on n’avait qu’une barquette moteur avant « Le Mans 59 » réalisé par Solido.
Déjà bien belle, c’était en fait un mélange 58/59. En 1980 ou 81, grâce à JP Gauthier, le réveil de DB au 1/43ème est amorcé sous la forme d’un très beau kit résine du coach HBR5 phares escamotables sous la marque MRF (j’achète même la vraie voiture,, à phares bulles, après qu’elle ait servi de modèle).
Dans la foulée, ce même original a été « décliné » en différentes variantes par Provence Moulage.
Dans tout ceci, manquait toujours notre fameuse barquette moteur central n°45 des 24h du Mans 1961, à mon goût, la plus belle…
En 1982, j’ai décidé de m’y attaquer.
LA RECHERCHE DE DOCUMENTS
Je disposais de peu de documents la concernant (quelques vues de ¾ avant dans le compte-rendu des 24h de « l’Automobile » de juillet 1961 et dans « les 24h du Mans de 1949 à 1973 » de Christian Moity. C’est bien peu pour réaliser une maquette !
De plus, je ne disposais d’aucune dimension ! aucune idée de la forme de l’arrière, ni de la façon dont l’air, indispensable au refroidissement du moteur, pouvait bien pénétrer dans la voiture…
Commence alors une longue chasse dont voici les étapes « clé ».
Classant mes « Albums du Fanatique » en les feuillant tous « des fois que… », je tombe en arrêt sur une petite annonce agrémentée d’une vue de face de la bête : un garagiste belge s’en séparait….
L’article avait plusieurs années, mais je sautais sur le téléphone pour savoir où j’avais des chances de la revoir ! J’appris ainsi que, rentrée en France, elle aurait changé de main pour se retrouver à Nice.
Recherches et contacts téléphoniques avec l’heureux propriétaire niçois, Robert Grisi, lui aussi très atteint de « panhardisme » et « Débéiste » convaincu.
Je lui expliquais qu’étant désireux de réaliser cette voiture au 1/43ème , j’aimerais la voir pour relever ses côtes et en prendre des photos… surtout de l’arrière…
– « Mais mon pauvre Monsieur, c’est qu’elle n’a plus son capot arrière ! Il a été détruit dans un accident de la route en revenant des 24 heures du Mans et je n’ai aucun document qui pourrait vous montrer comment il était. »
Néanmoins, rendez-vous fut pris pour se rencontrer à une expo rétro (Auto bien sûr) à Fréjus où nous avons tous les deux à nous rendre.
Répondant à une autre petite annonce, j’achète une collection de la revue « L’Auto-Journal » . Dès sa réception, je me précipite sur le compte rendu des 24h du Mans 1961 !
Bonheur : 3 photos couleur montrent la fameuse DB qui… sans doute par sa tenue de route douteuse (les fameux ressorts avants) avait attiré l’attention du photographe. Il y a une vue ¾ avant en tête à queue au tertre rouge, une de ¾ arrière où, dépassée par une Ferrari, elle laisse voir un immense échappement central et enfin, une vue de face… ensablée à Mulsane, avec André Moynet couché dans le sable, les deux jambes sur la piste, en train de la dégager à la pelle.
Quelques jours plus tard, je découvre dans un autre Auto-Journal (décembre 61 ou janvier 62), une vue plein arrière de notre barquette. Il s’agissait d’un article annonçant la séparation de D et B et précisant qu’elle préfigurait certainement ce que seraient les barquettes René Bonnet à mécanique Reanault Gordini à venir.
Première rencontre Grisi / Roy à Fréjus, où chacun amène la documentation dont il dispose. C’est là que je découvre la configuration Belge, avec, à l’arrière, un capot avant de Z1 superbement ajusté et en travers de l’avant une bande transversale jaune rappelant les couleurs Belge (une frite quoi !).
Entre passionné, le courant passe vite et de fil en aiguille, j’en arrive à dire… « puisqu’il faut que je la dessine pour faire la maquette, autant en profiter pour faire des plans plus grands et.. pourquoi pas, des coupes en bois pour restaurer la vraie ! C’était mon boulot chez Matra du temps de la compétition).
– Ah oui, et si c’est plus facile, on pourrait refaire le capot en polyester.
– Ah non ! Jamais ! On refait ça pour de bon, comme c’était, donc en alu, ou je me contente de la maquette !
– D’accord, à Nice, je connais un bon tôlier qui est capable de faire ça s’il a un bon support .. sur quoi intervient l’épouse de Robert Grisi, « Dany » (ne jamais dire « Dyna », elle a atteint une certaine dose de saturation Panhardesque !).
– Oui, mais il ne faudrait pas faire cette fente verticale au milieu de l’arrière !
– … il parait que le regard foudroyant que je lui ai adressé alors en guise de réponse l’a convaincue qu’il était inutile d’insister car elle nous le rappelle chaque fois qu’on a l’occasion de raconter l’histoire de cette restauration.
Enfin, rendez-vous est pris pour que j’aille découvrir la voiture à Nice.
Quelques « Safari photos » à Nice où je découvre d’abord que l’air pénètre par une bouche trapézoïdale sous l’avant pour s’engager devant le train avant, dans un conduit en tôle créé au milieu des tubes du châssis et passant entre les sièges pour aboutir, par l’intermédiaire d’un manchon souple, sur le trou de la turbine du moteur Panhard.
AOUT 1983
Rencontre avec J.A. Lapart (fanatique bien connu de tout ce qui a pu rouler avec un moteur Panhard) du côté d’Angers.
Là aussi, échange de documents et surtout, découverte dans les siens, derrière le gros plan d’une Masérati et d’André Moynet, d’une vue de plein côté de la partie arrière de notre fameuse barquette : pointu et haut… Cette fois, c’est bon ! Avec cette vue et l’arrière dans l’Auto-Journal, je suis sauvé et le dessin peut commencer.
NOVEMBRE 1983
Je relève avec précision un quadrillage des côtes de la voiture : à l’aide d’un pont élévateur, un fil à plomb, règles, équerre et trusquin, je mesure les cotes des formes de la voiture tous les 10 cm. Je rentre à la maison avec un tableau comprenant 321 cotes. Le but est de redessiner les lignes existantes et ensuite de les prolonger en imaginant ce qu’était l’arrière, le tout à l’échelle 1/10ème.
DFEBUT 1984
Ne pensant pas pouvoir être assez précis sur les formes que je trace, je réalise en Balsa, toujours au 1/10ème, une maquette en empilant des sections sur lesquelles ont été recalquées les courbes du dessin.
Ceci permet d’orienter la maquette suivant les angles des différentes photos (de plus en plus nombreuses) dont je dispose. Quelques corrections à la lime et à la toile Emery sont ainsi faites qui, une fois la maquette re-démontée, permettront de rectifier les petites différences avec le premier dessin.
MAI 1984
Rencontre avec le… père de la voiture : Jacques Hubert.
J’obtiens ses coordonnées par JP Humbert, Président du Club « Djet-jet » . En effet, J. Hubert est aussi le père du Djet de René Bonnet auquel il était resté fidèle. L’entrevue ne démarre pas en fanfare du fait qu’il est d’abord surpris par l’arrière effilé, se souvenant plus d’un cul plat . On comprend vite qu’il confondait avec les barquettes DB traditionnelles de 1958/59/60/61 également dessinées par lui avec un arrière effectivement plat.
Bref, enfin le courant passe là aussi et les détails reviennent à l’esprit.. c’est bon, il reconnaît l’enfant !
ENTRE NOEL 1984 ET LE JOUR DE L’AN 1985
Ma femme eut la patience de supporter une table de salle à manger transformée en table à dessin. Je m’y installe en effet pour tracer l’arrière seul, en grandeur nature cette fois, avec pour base le dessin corrigé au 1/10ème.
FEVRIER 1985
Je prends un peu de congé pour calquer les formes tracées à l’échelle 1 sur de grands panneaux de contre-plaqué, découper les couples obtenus et assembler le tout avec des équerres de façon à obtenir un ensemble démontable qui puisse être facilement emporté à Nice en voiture.
Présentation des couples sur la voiture à Nice (02/85)… une petite merveille ! De crainte de m’être un peu « planté » entre relevé sur la voiture et dessin à petite échelle multiplié ensuite par 10, j’avais laissé un peu de marge autour du tracé de mes 2 sections en bois les plus avant… de peur que ça ne raccorde pas bien sur la voiture.
Mais je peux reprendre la scie et couper pile au trait, c’est bon. Les photos montrent que ça donne déjà bien les lignes de la voiture. Comme il n’y a rien à refaire, je laisse le tout à l’ami Robert.
La suite de la restauration à lieu à Nice, dans l’atelier du carrossier Alquier où, Georges, l’artiste du marteau, conforme la tôle d’alu avec les calibres en bois et les photos d’époque.
Panneau par panneau, il refaçonne ainsi tout le capot arrière.
Il fait même un petit outil pour recréer les deux rangées de 19 ouïes de ventilation situées en haut du capot, dans le creux destiné à libérer le champ de vision arrière du rétroviseur.
Au cours de ce minutieux et long travail qui dure une grande partie de 1985, une visite de Jacques Hubert permet à tous de s’imaginer un peu dans les ateliers de Champigny 24 ans plus tôt !
Il reprécisera bien à cette occasion les positions et formes des cloisons solidaires du capot car elles sont également à recréer.
Pendant que la carrosserie finit sa remise jusqu’à la peinture finale (la teinte d’origine sous l’apprêt du bleu actuel), je reprends en polyester l’empreinte de l’immense pare-brise. C’est toujours celui d’origine qui était monté sur la voiture, mais avec quelques fêlures recousues avec du fil à pêche (authentique !).
Voilà donc encore quelques week-end d’Août et début septembre 86 (cette fois) passés au moulage, démoulage (sans casse) et… polissage de la surface.
Le thermoformage du plexi neuf est réalisé par un maître en la matière à Marseille, puis ajusté sur la voiture à Nice fin septembre 86.
ENFIN, LE 3 OCTOBRE 1986
Sur une remorque derrière un fourgon de Nice-Pneus de Robert Grisi, nous montons la barquette à Champigny, guidés depuis Viry Chatillon par un Jacques Hubert rayonnant de revoir complète cette superbe voiture qu’il avait dessinée.
Le 4 octobre 86, elle se trouve aux places d’honneur à côté, entre autres, de la barquette 60/61 à moteur avant du Musée du Mans, de la « Camionette » du Musée de Reims, pour le 50 ème anniversaire de DB organisé par Dominique Perruchon.
Dans une autre salle, en compagnie de Pierre Monteil, nous alignons une grande partie de l’histoire de la marque… au 1/43ème.
Dans le lot, une maquette à peine esquissée, faute de temps, de la barquette moteur Panhard central des 24h du Mans 1961. Elle sera produite au début de 90 par Provence Moulage : ceci étant le but initial. »
Voici la vidéo qui résume les travaux de re-fabrication du capot arrière et la fin de cette épopée.
Roland ROY