DECLIN DE LA CARROSSERIE TRADITIONNELLE – DEVELOPPEMENT DU STRATIFIE
Dès le début de la seconde moitié du 20ème siècle, l’évolution des mœurs du travail se fait sentir dans tous les domaines.
Celui de la carrosserie traditionnelle fait vite les frais de l’évolution : l’apprentissage est long, il faut travailler et produire vite, cela n’est plus rentable.
Il y a d’un côté les presses à emboutir des grands constructeurs et d’un autre les merveilles façonnées à la main par les carrossiers.
En quelques années, ceux-ci seront balayés du paysage industriel.
Heureusement va apparaître une nouvelle voie pour la construction des voitures en petite série : le stratifié.
Les Chappe vont s’y engouffrer après que Robert Sobeau ait été un des pionniers de ce nouveau matériau. Je ne reviendrai pas sur tout ce qu’a pu réaliser Robert Sobeau, mes articles sur ce personnage hors du commun sont là pour le pérenniser, mais sur quelques autres artisans qui eux aussi ont cru en cette matière.
C’est ainsi qu’Albert Chappe raconte :
« Vers les années 1952, vint l’idée de construire une carrosserie coach et de la monter sur une plate-forme de 4cv Renault.
Jean Gessalin se mit au travail et dessina, en grandeur nature, cette carrosserie.
Après avoir fabriqué la maquette en bois, nous réalisâmes la carrosserie en tôle et elle fut soudée sur une plate-forme de 4cv d’origine.
C’était une voiture convenable pour l’époque, mais qui était trop lourde pour le petit moteur de 4cv.
Il fallait donc faire une carrosserie plus légère pour l’améliorer… Et surtout, on ne pouvait déjà plus à cette époque, trouver une quantité suffisante d’ouvriers formeurs capables de faire une carrosserie.
En plus, ce genre de travail manuel était très long et cela ne pouvait plus être rentable.
Toujours curieux de nouveauté, nous avions appris qu’il existait un procédé pour construire léger, avec une matière plastique qui s’appelait le polyester stratifié.
Cette matière n’était pas connue en Europe, mais nous apprîmes qu’une société importait ces produits depuis l’Amérique : c’était les Ets Arnaud.
Contact fut pris avec cette firme qui nous fournit les marchandises permettant de fabriquer des carrosseries qui seraient légères, comme nous le désirions.
Nous nous sommes donc mis à fabriquer des moules devant permettre de reproduire notre carrosserie.
Ce fut assez laborieux, car nous avions très peu d’indications, c’était la découverte !
Enfin, les moules virent le jour et la production des carrosseries put commencer. »
QUELQUES MOT SUR L’HISTOIRE DU STRATIFIE VERRE-POLYESTER
Au début des années 1900, la priorité des constructeurs automobile consiste à obtenir une fiabilité dont dispose déjà le chemin de fer. Le confort passe au second plan.
En ce qui concerne la protection des passagers, on en est encore à superposer les vêtements les uns sur les autres pour se protéger du froid. C’est l’époque de « la peau de bique ».
Les carrosseries offrent une protection très réduite, elles sont presque toutes découlées des voitures tractées par les chevaux : une ossature bois fixée sur un châssis métallique, le tout recouvert par un revêtement bois ou cuir et bientôt en tôle d’acier.
De son côté, l’aviation naissante bénéficie des progrès accomplis par l’automobile dans le domaine des moteurs.
A l’opposé, sa structure pose des problèmes tellement différents de ceux rencontrés par l’automobile qu’elle cherche et fait progresser des solutions adaptées à ses besoins, en particulier dans le domaine de la recherche d’un poids minimum.
Ainsi, on voit arriver les premières structures d’un avion constitué d’un squelette léger en bois dont les panneaux sont réalisés par des couches de fins tissus (des strates) imprégnées de vernis, afin de les rendre rigides et imperméables.
Il n’est pas déplacé de considérer cette technique de tissus ( à l’époque à base de végétaux) imprégnés de vernis, comme le précurseur du stratifié constitué de tissus de verre imprégnés de résines polyester.
Entre ce que nous avons pris la liberté de considérer comme deux grandes étapes, il y a eu une progression que le magazine « L’Automobile » a résumé dans un article consacré à ce type de carrosserie au milieu des années 60 :
« Les premières tentatives de carrosserie en matière plastique furent effectuées dès 1909 avec une armature en papier enduit de résines phénoliques.
Le véritable promoteur de la carrosserie en matière plastique est un français : il s’appelle Jacques Guérin.
En 1922, il créait une carrosserie déjà très aérodynamique en résine armée de papier.
La propulsion était obtenue grâce à une hélice.
Les suspensions étaient obtenues à 4 roues indépendantes.
En Allemagne, en 1936, Auto-Union possédait déjà des brevets dans ce domaine et, en 1937, aux salons de Berlin et de Leipzig, fut exposé un véhicule publicitaire en pléxiglas et des portes de voitures en tissus bakélisés.
Originellement, les matériaux utilisés émanaient de la condensation d’amines et de phénol avec de l’aldéhyde formique et le moule était en acier.
Les techniques se perfectionnèrent et l’on simplifia les procédés de fabrication tout en obtenant des plastiques plus durs.
En 1938, aux USA, la presse se faisait l’écho des recherches entreprises par Ford sur une carrosserie en matière plastique d’origine végétale utilisant principalement de la graine de soja !
Ces recherches étaient surtout guidées par des considérations économiques.
En fait, on s’aperçut bientôt qu’expérimentalement le nombre des matières à traiter compromettait sérieusement le bénéfice de l’opération.
Néanmoins, un prototype Ford fut présenté au mois d’août 1941.
Une autre tentative avait été menée en 1940 par un autre américain, M.W.B. Stout de la Graham Paige Corp. Avec une automobile appelée « Scarabée » pour le compte de la firme Kaiser-Frazer qui réalisa un prototype en 1946 avec moteur arrière.
En 1942, en Grande-Bretagne, Vulliners Ltd de Birmingham fabriqua quelques carrosseries en résines armées de papier.
En 1943, en France, Paul Arzens construisait un petit véhicule à 3 roues sorte d’Isetta avant la lettre, munie d’une coque autoporteuse en plexiglas. Seule, la partie basse avait été rendue opaque.
Tous ces essais furent extrêmement encourageants et ces pionniers devaient voir leurs prévisions confirmées par l’éclosion en 1954, d’une génération de carrosseries en polyester. »
La période de recherche et de développement qui a permis la mise au point de la fibre de verre et des résines polyester s’est écoulée des années 20 aux années 40.
Au cours de cette période, les avions sont passés au « Tout alu » et l’automobile au « Tout acier ».
La fin du développement du stratifié verre-polyester se situe dans les années 40 et se passe principalement aux Etats-Unis.
L’Europe était confrontée à des préoccupations qui ont accaparé toute son énergie, la guerre ayant perturbé la première partie de la décennie, tandis que la seconde partie était consacré à résorber les conséquences se cette guerre.
Aux environs de l’années 1950, les premiers producteurs des matériaux de base sont originaires des Etats-Unis et sont prêts pour le début de la commercialisation en Europe.
Le stratifié verre-polyester est l’objet d’informations visant à promouvoir son utilisation.
C’est une technique nouvelle et inconnue, presque tous les premiers utilisateurs se souviennent que ce sont les vendeurs des produits qui ont la plupart du temps joué le rôle de formateurs auprès d’eux.
Le stratifié verre-polyester est essayé ou adopté dans des domaines extrêmement variés : bateau, planeur, canne à pêche, automobile, etc…
Encore aujourd’hui, certains revendiquent le titre de premier utilisateur verre-stratifié dans le domaine de l’automobile.
Sans risque de se tromper, on peut dire que se sont les producteurs de résine polyester qui méritent le titre de pionnier en la matière, pour avoir mis au point ces résines et pour avoir lancé le début de la commercialisation des produits composants.
En ce qui concerne les carrosseries d’automobiles, c’est au cours de la période comprise entre les années 1950 et 1955 que les premières réalisations ont atteint un stade permettant une commercialisation digne de ce nom.
Pour l’histoire, on peut citer quelques marques illustrées par des photos qui valent mieux qu’un long discours :
– aux USA : Glasspar, Wodhill-Wildfire, Chevrolet (Corvette)
– En France : En 52 et 53 : Rosengart (Ariette en 52, puis Sagaie en 53),
Marathon,
Réac,
Stéra,
Darrin (Aurore en France).
– En France en 54 : Darl’Mat,
Génin,
DB (Monomill en 54
et coach en 55)
– En France en 55 : Alpine (Mille Miles),
– Cousy.
Comme dans tous les domaines, une sélection s’est faite, impitoyable comme toujours.
Certaines marques n’ont produit que quelques exemplaires, mais un nouveau matériau était vulgarisé.
Charly RAMPAL (croisement de divers documents d’époque)
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