UNE EXPERIENCE TROP BREVE

Fin 1964, en effet, conséquence d'un règlement impératif, commença l'étude d'un prototype de 1600 cm3 à moteur central arrière de marque Alfa-Roméo qui devait être réalisé en collaboration avec GRAC, le célèbre constructeur de la région de Valence dans la Drome.

Le règlement de 1965 pour les 24 Heures du Mans touchait de plein fouet Charles DEUTSCH et son équipe.

Immédiatement après la participation malheureuse de 1964, on avait chez CD repris le travail aux bancs d'essais pour donner aux moteurs Panhard plus de longévité et si possible plus de puissance.

En rendant impossible l'utilisation de ces moteurs, le règlement du Mans 65 détruisait cinq mois de travail et quelques 3 millions de francs de l'époque.

Sévère dans son délai d'application la décision de l'ACO avait au moins le mérite de contraindre CD à s'orienter vers un moteur plus puissant. Sur ce point au moins, il y avait quelque chose de bénéfique. La fin de Panhard était proche et le bi-cylindre avait tout donné, depuis 20 ans de bons et loyaux services. Les 4 cylindres étudiés par la Maison de la Porte d’ Ivry ne verront jamais le jour, cadenassé comme elle l'était par Citroën depuis les accords signés en 1955.

Mais il était impossible de changer du tout au tout avant les 24 Heures de 1965.

L'équipe CD fut poussée au renoncement.

Robert CHOULET, originaire de la région de Valence, connaissait l'équipe GRAC pour laquelle il avait participait à la réalisation de leur première monoplace.

GRAC, voulait construire un sport-prototype et CHOULET souhaitait les aider à sa concrétisation, à temps perdu.

Il en parla à Charles DEUTSCH. Ce dernier lui donna son accord et pour que projet se fasse dans les meilleures conditions possibles, il délégua une partie de l'équipe SERA à temps partiel. Quand la passion tient, il est difficile de lever le pied !

Le projet devint la CD-GRAC et prit la forme d'un coupé destiné à courir au Mans.

Comme toujours, il n'y avait pas de crédits, mais beaucoup de passion et de courage.

Restaient à trouver d'autres bonnes volontés, des moyens et des éléments mécaniques.
Non seulement tout le travail préparatoire était bénévole, mais il fallait rassembler d'autres concours.

C’est ainsi qu’il se tourna vers la jeune équipe valentinoise pour construire le châssis multitubulaire et la carrosserie...Quand les plans arrivèrent, Serge Granjon refusa de se lancer dans cette réalisation beaucoup trop complexe, d'autant que les plans étaient arrivés beaucoup trop tard pour les délais...

C'est alors que Gilles Péquenot (qui tournait autour de la GRAC depuis un bon moment) releva le défi et se lança dans la construction du châssis avec Jean-Pierre Gouirant pour la carrosserie, pour une folle course contre la montre.

Le plus gros morceau fut évidemment la mise à disposition de l'équipe CD d'un moteur Alfa-Roméo de 1600 cm3 par M. BLANCHET qui, à Clion sur Indre, tendait à devenir le Conrerro français. Ce moteur de 140 ch fût la clé de voûte de la CD-GRAC. Il sera placé au centre et il recevra une boite Hewland MK V.

Le châssis est original, dans la mesure où il possédait des longerons plans, rigides en flexion, et des traverses en treillis, ou tubulaires, rigides en torsion, qui étaient situées sous les genoux du pilote, dans son dos, et au niveau de la boite de vitesses.

Au niveau des suspensions, elles seront, à l'avant, par balanciers : bras inférieur unique et bielle de poussée.
A l'arrière, triangles et ressorts hélicoïdaux. Amortisseurs télescopiques Allinquant sur les quatre roues. Les freins étaient à disque de marque Girling.

Mais, c'est une fois encore, au niveau aérodynamique que la tentative était inédite : pour créer un "effet de sol " ou plus scientifiquement, déportance, le fond de la voiture comportait deux canaux qui remontaient vers l'arrière, et le moteur Alfa, totalement caréné, était installé dans une nacelle au centre.
Cette option eut, par ailleurs, la particularité d'entraîner une innovation supplémentaire : pour que la carrosserie puisse remonter aussi haut, il fallait que le point le plus bas du train arrière soit l'arbre de transmission.

A ce moment là, la technique de suspension en vigueur passait par le triangle inférieur inversé, avec une pointe côté boite.
Ce fut la naissance du système dit "à cinq bielles", qui sera ensuite repris sur la CD 66 et 67, puis qui a été adapté par Matra sur la célèbre MS80, puis par de nombreuses F1.
Le plaisant de l'histoire est que, au départ, dans l'esprit de CHOULET, les avantages de ce dessin étaient uniquement d'ordre aérodynamique!

Matériellement toute l'aide est acquise de firmes fidèles au sport automobile comme Marchal pour l'alternateur et les bougies, Cibié pour les projecteurs et SAFT pour les batteries.

D'autres firmes moins connues dans le monde automobile viendront renforcer le rang des "efficaces".

C'est ainsi par exemple que la construction de la carrosserie sera considérablement facilitée par l'aide de Textiglas, de Plastugli et de Ferro qui ont donné les ingrédients pour faire la coque.
La CD-GRAC fut donc construite à Valence, assemblée à la SERA à Paris, et présentée au Mans.

Hélas, elle n'était pas dans un état de finition suffisant pour pouvoir prendre le départ à la course, et CD dû déclarer forfait...

Les 24 Heures de 65 se sont donc déroulés sans la présence de CD. Pourtant la voiture fut totalement achevée. Restaient quelques finitions aérodynamiques, la voiture devait donc être ramenée à Valence par la route.

LE DRAME

C'est vers 15 heures, sur l'autoroute Vienne-Valence, dans la traversée de Vienne, à hauteur de l’avenue Beauséjour, que la voiture pris soudainement feu, pour des raisons qui ne furent jamais éclaircies : fuite d'essence ou court-circuit.
Conduite par Stéphane SECKLER, un des piliers de l'équipe CD, elle fut détruite entièrement malgré l'intervention rapide des pompiers.

Le coup était dur, surtout pour la SERA, qui avait acheté les participations financières de chacun !

C'est alors que Gilles PEQUEGNOT, le principal artisan, chez GRAC, de la construction de la voiture, se sépara du reste de l'équipe et reconstruisit ce modèle en version spyder.

Il se dénomma alors GP, de ses initiales, puis Guépard et le conduisit pendant plusieurs années en course de côte ainsi qu'en circuit, notamment à Monthléry.

Elle avait simplement perdu son toit et le capot arrière plus plat arborait une immense prise d' air afin d' aspirer l' air au dessus du haut pare-brise.

L’auto était imposante, belle et bien reconstruite.

C'est ainsi que s'acheva l'aventure avec GRAC. Mais elle avait permis de faire phosphorer l'équipe CD, même si celle-ci restait sur sa faim, puisque, outre la construction proprement dite, l'intérêt d'une voiture de course est son évolution, "son développement" , comme on dit. Et sur ce plan la frustration fut immense.

Charly RAMPAL