Depuis sa victoire dans la première course automobile de l’Histoire, Paris-Bordeaux-Paris de juin 1895, le constructeur de la Porte d’Ivry s’est beaucoup impliqué dans la course automobile.

Si, aux éliminatoires françaises de la Coupe Gordon-Bennett courues au mois de Mai, la voiture de Teste qui arbore un nouveau radiateur en coupe-vent, connait d’importants problèmes de surchauffe :

PL-GORDON-BENNETT-1904

on retiendra deux victoires marquantes cette année :

- D’abord, au circuit des Ardennes, couru cette année sur 590 km ce qui correspondait à 5 tours d’un circuit de 118 km, où une impressionnante équipe formée de Farman, Heath, Tart et Teste se déchaine,

TESTE-ARDENNES-1904

- les deux premières places revenant à Heath, suivi de peu par Teste qui a crevé juste à la fin.

FARMAN CIRCUIT ARDENNES

- Ensuite pour la Coupe Vanderbilt, qui se court à Long Island aux Etat-Unis au début de l’automne, et où la marque a engagé 3 voitures conduites par Teste, Tart et Heath.

PL-1904-COUPE-GORDON-BENNETT-VANDERBILT

Parmi les 18 concurrents, on relève une armada de Mercèdes et évidemment plusieurs voitures américaines.

Si malheureusement Teste doit abandonner au 3ème tour, alors qu’il était en tête, suivi par Tart au 8ème tour, Heath remporte à nouveau une brillante victoire, cette fois devant la Clément-Bayard conduite par Albert Clément. Unanimement salué par la presse française, elle tombe évidemment on ne peut mieux au moment où l’Américain Branch vient d’être mise sur les rails !

Quant aux voitures, sans doute s’agit-il des 100 cv dont 4 exemplaires ont été « débités » le 14 septembre au prix faramineux de 27.000 francs l’unité, à l’agence de New-York.

Mais qu’elle était la situation de la société Panhard et Levassor en ce début des années 1900.

PANHARD ET LEVASSOR EN 1904 : SOCIETE ET TECHNICITE

Notre marque Doyenne est en cette année au coude à coude avec Renault et Peugeot pour la première place de constructeur automobile en France.

Elle avait fait son premier pas d’indépendance technique à partir de 1895, avec le lancement du moteur Phénix.

Celui-ci se caractérise par ses culasses rapportées sur les cylindres et par la disposition particulière de l’arbre à cames et des culbuteurs placé à l’extérieur du moteur, qui conditionnent une régulation par les soupapes d’échappement.

On assiste alors à une véritable gamme, avec des moteurs à 2 cylindres de 4 et 6 cv, et des 4 cylindres de 8, 12 et 20 cv nominaux.

En 1902, le commandant Krebs, à la tête du bureau d’études de la marque, après le décès d’Emile Levassor en 1897, a terminé la mise au point du moteur qui doit succéder au Phénix et libérer définitivement le société des redevances à payer sur le brevet du moteur Daimler.

Ce moteur baptisé Centaure, dispose d’un nouveau carburateur « à réglage automatique », c'est-à-dire qu’il dose la quantité de gaz nécessaire au fonctionnement du moteur à un régime stable, faisant disparaitre du même coup tout le mécanisme extérieur des arbres à cames et culbuteurs, les tiges-poussoirs des soupapes d’échappement sortant directement du carter : invention majeure, qui sera d’ailleurs rapidement adoptée par l’ensemble des constructeurs.
Aujourd’hui, on l’appellerait « débimètre », alors géré par ordinateur de bord : on n’a rien inventé !

Ce nouveau carburateur représente un progrès décisif dans la démocratisation de l’automobile en facilitant notablement la conduite : non seulement le chauffeur n’a plus à doser lui-même le délicat mélange entre l’air et l’essence, mais en plus, le moteur bénéficie d’une carburation constante et donc d’un fonctionnement beaucoup plus agréable.

Cerise sur le gâteau, la consommation diminuer dans des proportions évaluées à 15%.

Le nouveau moteur, qui, pour le reste, reprend les cotes de celui des précédents modèles, va complètement supplanter le moteur Phénix des années 1902.

On trouve maintenant chez Panhard et Levassor des 5 et 7 cv à 2 cylindres, et des 10, 15, 16, 18, 20, 24 et 35 cv à 4 cylindres.

Certains de ces modèles existant parfois en 2 versions différentes suivant le type de boite de vitesses.

Grace à cette gamme, Panhard et Levassor de se maintenir en tête du peloton des constructeurs français, devant Peugeot et Renault, avec une production qui dépasse le millier d’unités annuelles.

PL-USINE-VUE-INTERIEURE-GENERALEMETTRE PHOTO « PL-USINE-VUE-INTERIEURE-GENERALE »

Pour faire face à l’expansion continuelle de ses activités, la Société fait l’acquisition, pour la somme de 290.000 francs, d’une usine de 6.000 m2 à Reims, dont elle prend possession le 1er janvier 1904.

PL-USINE-VUE-INTERIEURE-CHASSIS

Cette usine commencera à fonctionner dès le 25 mars 1904, mais toute l’année va être mise à profit pour l’aménager, recruter du personnel et mettre l’outil industriel en route, qui va compter 85 ouvriers à la fin de l’année.

PL-USINE-VUE-INTERIEURE-1

LE MOTEUR CENTAURE ALLEGE

D’après les documents d’époque, les modèles 1904 (sauf les 2 cylindres en fin de carrière) devaient disposer de moteurs dits « Centaure allégé », à cylindres séparés les uns des autres, caractéristique qui les distingue des premiers Centaure, qui possédaient des cylindres accolés par groupes de deux.

En réalité, si ce moteur modernisé est présenté au Salon, où il constitue l’autre importante nouveauté, on constate que dans les faits, la diffusion des 4 cylindres allégés n’intervient progressivement qu’en fin d’année.

De ce fait, de nombreux moteurs Centaure de la première génération sont encore livrés en 1904, ainsi qu’il apparait dans les mains courantes.

Les modèles à moteur Centaure allégé à 4 cylindres ne sont d’ailleurs agréés par le service des Mines qu’en 1905.

Les Centaure de la première génération se reconnaissent à la lettre « O » dans le code du type moteur (O4R, par exemple, pour un 15 cv), alors que les Centaure allégés sont codés « S » (S4R pour le 15cv).

Nous avions donc vu que les moteurs sont à 2, 3 ou 4 cylindres et que l’on se dirige vers une disposition à cylindres séparés, qui, d’après le catalogue, permettrait « d’obtenir une régularité de marche encore plus grande en réduisant au minimum les dépenses d’entretient ».

Il parait que le graissage et l’entretien sont « faciles », et que la combustion étant « parfait », le fonctionnement a lieu « sans dégagement d’odeur, ni de fumée ».
Un argument, soit dit en passant, que la marque ne citera plus quelques années plus tard, quand le moteur sans-soupapes sera devenu la règle avenue d’Ivry…

On notera que les cylindres des différents modèles sont en fonte, mais que sur les 24 et 35 cv, on peut avoir des cylindres en acier avec des chemises en laiton rapportés et disposer d’un ensemble plus léger, moyennant un supplément de prix de 2.000 francs.

Seul le modèle de compétition (60, puis 70, 90 ou 100 cv) dispose d’office de ce perfectionnement.

A partir de la 24 cv, la commande des soupapes d’aspiration se fait par un système de cames extensibles, qui permet de régler à volonté le volume aspiré par les cylindres, et, ainsi de ne conserver de compression que ce qu’il faut pour l’allumage, rendant ainsi la mise en marcher plus facile.

Placé à l’avant, ou sous le siège dans quelques cas de carrosseries particulières (coupé, landaulet, cab, victoria et certains utilitaires), le moteur est alimenté par de l’essence ordinaire ou de l’alcool carburé.

Curieusement, on conseille de proportionner le remplissage du réservoir d’essence aux étapes que l’on compte faire habituellement « pour ne pas s’encombrer inutilement ».

Le refroidissement par eau est assuré par un radiateur et un ventilateur.

L’allumage sa fait par une magnéto placée sous le garde-crottes et des bougies.

On notera que la manette de commandes des gaz et de l’avance à l’allumage se trouvent sur le volant.

Les boites de vitesses sont désormais toutes à 4 rapports, et la transmission se fait par chaines.

Côté freins, il existe deux dispositifs : le frein à pied qui agit sur le différentiel par l’intermédiaire des mâchoires garnies de sabots en fonte, et le frein à main commande des tambours installés dans les roues arrière.

Le châssis de tous les modèles est en bois armé, une solution qui, d’après le catalogue « présente sur le châssis métallique l’avantage que, tout en étant aussi léger et plus résistant que lui, il permet de varier, pour ainsi dire à l’infini, ses dimensions en longueur et en largeur ».

Les modèles 10 et 15 cv sont disponibles en types ordinaires « de route » , ou en type « léger » qui se caractérise par son châssis de modèle uniforme de 80 cm de margeur.

Mais la grande nouveauté de cette année 1904, restera la 8 cv à 3 cylindres

LA NOUVEAUTE DE 1904 : LA 8 CV A 3 CYLINDRES

MOTEUR 3 CYLINDRES -PL-1904

Présentée comme « une voiture de ville », la nouvelle 3 cylindres a la charge de remplacer les populaires 2 cylindres de 5 et 7 cv à moteur Phénix qui ont connu un incontestable succès depuis quelques années.

Plus souple que les moteurs 2 cylindres, sans vouloir rejoindre le 4 cylindres considéré comme trop imposant pour une petite voiture, le 3 cylindres semble apporter une réponse tout à fait satisfaisante à celui qui cherche un engin souple, maniable pour des besoins quotidiens en ville.

Mis à part le nombre impair de cylindres, la voiture est d’ailleurs construite suivant les mêmes principes que les modèles plus puissants et possède les mêmes caractéristiques générales.

Notons que le prototype du moteur 3 cylindres avait déjà été exposé au salon de l’Automobile au mois de décembre 1902.

Charly RAMPAL (Photos usine et documentation du Club « les Doyennes de Panhard et Levassor »)