La Formule Junior a été proposée par l’Italie à la Fédération Internationale qui l’a officialisée pour 1959. Une fois encore, elle devait faire découvrir de nouveaux talents.
A cette époque, une telle « idée » ne pouvait venir que de cette péninsule dont les pilotes de classe internationale ont tous disparu sur accident, dans les années cinquante.

La Formule Junior n’a pas été créée pour se substituer aux Formules alors en cours (I et II), mais bien pour redonner à des jeunes le gout de la course pure, et pour tenter de faire sortir du rang des futurs Nuvolari, Ascari, Collins, Fangio.

C’est donc une opération à terme, mais qui présente déjà, dans l’immédiat de cette fin des années cinquante, l’avantage de pouvoir constituer des levers de rideau valables en prélude à des Grands Prix Internationaux un peu comme les matches de foot qui ce jouaient en ce temps là, les dimanches après-midi (j’y participais au stade vélodrome sous le maillot blanc de l’OM !).

Elle peut aider aussi à la renaissance des circuits abandonnés par la Formule I, trop rapide.

Deux soucis principaux ont guidé les créateurs de ce nouveau mouvement : l’Economie, en autorisant uniquement l’emploi de moteurs, boites, ponts et freins équipant déjà des modèles de tourisme fabriqués à plus de 1.000 exemplaires, et la Vitesse, en ne jetant l’exclusive sur aucune sorte d’amélioration.

L’allure générale de la voiture doit ressembler à une monoplace de course, type Formule I et II, par l’obligation qui est faite de respecter une largeur de carrosserie maximum et voie minimum. En bref : 1 million d’ancien Franc – 400 kg – 200 km /h – 60 cv.

Plus précisément, le règlement précise les éléments fondamentaux suivants :
- bloc moteur et boite dérivés d’une voiture de tourisme.
- Empattement minimum = 200 cm
- Voie minimum = 110 cm
- Largeur maxi de la carrosserie = 95 cm
- Cylindrée = 1.100 cm3 qui peut être obtenue uniquement par modification de l’alésage (augmentation ou réduction)
- Poids = 400 kg (ou 1.000 cc et 360 kg).
- Freins et alimentation = même système ou même principe que ceux de la voiture à laquelle est emprunté le moteur.

Une Junior utilisant une mécanique Panhard ou Renault ne peut avoir, par exemple, que des freins hydrauliques et à tambours et n’être alimentée que par des carburateurs, à l’exclusion de tout injecteur.
Sont interdits : l’emploi des moteurs à un ou plusieurs arbres à cames en tête, la modification du nombre des paliers de vilebrequin, ainsi que l’emploi du différentiel autobloquant.

La carrosserie doit comporter à l’aplomb du pilote une armature de sécurité protégeant celui-ci contre les risques d’écrasement en cas de renversement du véhicule.

Un tel règlement permet d’utiliser un nombre de moteurs assez important en Europe, une vingtaine au moins. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas l’Italie la mieux placée dans ce domaine.

L’industrie transalpine ne dispose que de deux moteurs pouvant entrer dans le cadre de la Formule Junior : le FIAT 1100 et le Lancia Appia. En Allemagne, on doit compter quatre marques différentes : Goliath, DKW, Volkswagen et Wartburg.

En France, quatre moteurs aussi sont susceptibles d’être utilisés : Panhard, Renault, Simca 1100 et Peugeot (bien que pour ce dernier, s’il est facile de réduire sa cylindrée, son encombrement le rend assez difficilement adaptable).

Seule, la Grande-Bretagne ; bien que Morris, Austin et Standard forment un noyau acceptable, semble ne pas être dans la course.

C’est en Italie que les réalisations sont les plus avancées, car les italiens courent depuis 1958 et le nombre de voitures en ordre de marche atteint la cinquantaine.
Une douzaine de courses sont prévues en 1959. Cette activité devrait stimuler d’autres constructeurs encore.

En Allemagne, où l’on dispose cependant d’un deux-temps particulièrement brillant, le DKW, la construction n’a pas encore débuté, mais DKW travaille déjà fermement sur une monoplace qui devrait faire son apparition en 1960.

De même, le moteur Volkswagen qui avait animé les première Porsche 1100, peut être l’élément de base d’un racer très rapide.

En France et plus particulièrement à Champigny chez DB, on a l’habitude de penser jeune.
Les Monomills que René Bonnet avaient créé en furent la preuve. C’est donc par définition que la Formule Junior intéresse cette maison.

Cependant, René Bonnet pensait que pour ne pas dépasser les 1.300.000 francs de l’époque et pour être compétition face aux italiens, il fallait mettre en chantier une série de 20 voitures au minimum. Mais qui les achètera, si les acquéreurs ne sont pas sûrs de pouvoir courir, au moins 5 ou 6 fois en France ?

D’autre part, peu d’organisateurs ont inscrit « les Juniors » à leur programme faute de pouvoir compter fermement sur un nombre suffisant de concurrents. C’est donc un cercle vicieux !

Ceci n’empêchera pas Bonnet de préparer un Junior.

Côté pilote, l’avis de Claude Storez, champion de France 1957 est lui aussi intéressant en mettant l’accent sur le bond en avant des performances prévues par cette discipline.
Elle permettra en effet à des jeunes qui n’ont jamais dépassé les 160 km/h d’atteindre le seuil mythique des 200 km qui est le point critique pour leur apporter des sensations nouvelles de monoplace à cette vitesse pour un prix avantageux à côté des 3 à 4 millions d’une Porsche ou d’un Alfa pour atteindre de telles vitesses.

Côté organisateur, le bien connu Raymond Roche, considère que la Formule Junior n’est pas adaptable à tous les circuits. A Reims, par exemple, même en lever de rideau, une course de monoplaces ne dépassant pas 190 km/h en pointe serait ennuyeuse pour tous, pilotes et spectateurs.
Elle irait en outre à l’encontre du but recherché : 200 km sur un circuit aussi rapide que celui de Gueux ne constituent pas pour le pilote un test de pilotage valable. En revanche, à Monaco, Pau, Albi, sans oublier Clermont-Ferrand, les « Juniors » peuvent constituer une course d’appoint intéressante.
Mais cette formule ne deviendra spectaculaire que si plusieurs nations sont représentées sur la ligne de départ avec des mécaniques différentes.
Il souhaitait en outre stimuler l’ardeur des pilotes et les inciter à présenter des mécaniques au point, en remboursant purement et simplement les frais de déplacement et en attribuant des prix substantiels.

Quant à la FFSA (Fédération Française du Sport Automobile), elle convoqua immédiatement les constructeurs et organisateurs français pour prendre leur avis. Simca, Renault et Peugeot ont décliné l’invitation en précisant que cela ne les intéressait pas.
René Bonnet et la Maison Panhard ont manifesté très peu d’enthousiasme pour ce projet.
Avec ces avis négatifs en main, leur réponse fut naturellement défavorable face à ce projet qui n’en était encore qu’au stade de l’expérience.

Comme on le voit, tous les avis sont dans la nature, mais seuls les italiens y croyaient vraiment.
Ils réalisèrent quelques belles monoplaces comme la Stanguellini,

la Taraschi,

la De Sanctis,

la Morini.

En France, 3 voitures furent réalisée : la DB à moteur Panhard (bien connu de nos panhardiste),

la Ferry à moteur Renault

et la B.M.D. (Barillet-Molteni-Delery) à moteur Simca 1100.

Néanmoins quelques courses en France purent avoir lieu, comme à Monthléry ou à Albi les 30 et 31 Mai, dans laquelle DB avait engagé un DB Monomill gonflé pour Paul Armagnac et l’unique Junior conduite par Paul Blavet.

Armagnac finira 6ème et premier français.

On le voit ci-dessous au départ en deuxième ligne à gauche.

Mais, c’est surtout en Angleterre que cette formule se développera à partir de 1960 et atteindra ses lettres de noblesse auprès de très nombreuses marques.
La Formule Junior s’est ainsi développée en championnat nationaux.

De 1958 à 1963, elle remplira son rôle en révélant des talents exceptionnels comme Jim Clak, John Surtees, Jochen Rindt, Mike Spence, Von Trips, Gerhard Mitter, Lorenzo Bandini,..

Vous constaterez que la bouderie envers cette formule entrainera la désertification de nos pilotes français durant cette période. Il faudra attendre le renouveau du sport automobile français après 1963 avec René Bonnet (encore), Alpine … et plus tard, la R8 Gordini, et en monoplace : les Formules bleue et France.

Charly RAMPAL