Qu’est-ce donc cette « Pipat « ? Encore un dérivé sur base Panhard ? Presque…

En fait, c’est le nom donné à la Dolomite de Jean-Pierre PIN, le frère de Michel que j’ai eu le plaisir de rencontrer et dont je vous ai raconté l’aventure au volant de sa D.B. Cyclope.

Dans ce contexte, Panhard figure en bonne place puisqu’il a rendu hommage à notre marque doyenne et a possédé un DB dit « cyclope » avec lequel il a participé à quelques rallies, voiture et bonhomme dont je vous ai raconté ses aventures dans un article du 14 avril 2014 et que vous retrouverez dans la rubrique « Les Voitures »  –  « D.B. » (lien direct :
Panhard Racing Team: LE DB CYCLOPE DE MICHEL PIN (panhard-racing-team.fr) .

Aujourd’hui, c’est donc à l’histoire de la Dolomites de son frère  que je consacre cet article à travers sa présentation.

Pour plus d’authenticité (selon ma philosophie), je vais laisser la place à Michel Pin pour nous raconter avec son vocabulaire, l’histoire de cette voiture.

A toi, Michel …

« Rendons hommage au passage à la courageuse et généreuse initiative de la doyenne des marques qui mettait des châssis équipés de leur mécanique à la disposition de carrossiers, préparateurs et même amateurs, en vue de les carrosser.

Par la suite, le véhicule était présenté aux techniciens de la maison, qui homologuaient le modèle dans la série du type d’origine lorsqu’ils le trouvaient convenable.

Des numéros de série étaient retenus à cet effet et n’apparaissaient pas dans le catalogue es catalogues où l’on trouvait un blanc à leur emplacement dans la série.

 C’est pourquoi ces voitures spéciales portaient le nom du type et de la marque de l’avenue d’Ivry et qu’il est parfois difficile de les identifier dans les listes d’engagés aux courses et concours d’élégances.

On n’imagine pas cela aujourd’hui, comme cette Junior transformé en coupé par Pichon et Parat.

DOLOMITES

Pourquoi au pluriel ? Bernard Pichon et André Parat y tenaient, car le nom de cette chaine de montagne qu’ils avaient choisi pour ce modèle l’étai en référence à ses routes vertigineuses et s’écrit au pluriel, tout comme les Alpes ou les Pyrénées ce qui constitue une exception à la règle selon laquelle, dans notre langue, un nom propre s’écrit toujours avec une majuscule et au singulier.

Alors, si nous prétendons nous comporter en réels amateurs, fidèles et rigoureux, nous avons le devoir de respecter leur volonté.

« LA PIPAT » : LA DOLOMITES DE MON FRERE

Avignon en 1962. Au hasard de mes promenades, je découvre une petite voiture de sport qui m’intrigue beaucoup.

Extrêmement basse ( elle mesure 1m16 de haut, de petite taille, aux formes simples et lisses, elle est exposée à la vente sur un refuge de croisement, devant un garage de la route de Marseille.

Elle est manifestement construite sur une base Panhard, dont je reconnais les roues caractéristiques avec leurs débordants. Nous découvriront plus tard qu’il s’agit d’une œuvre du carrossier Pichon et Parat.

J’en parle à mon frère ainé, Jean-Pierre, et nous allons la photographier à défaut de pouvoir l’acheter.

Un an plus tard, Jean-Pierre en ayant enfin les moyens, me fait part de son désir d’acquérir une voiture de sport réellement sportive.

Nous faisons le tour des garages, sans trouver ce que nous cherchons. C’est alors que je me remémore le petit coupé.

« Tu crois qu’il y est encore, après tout ce temps ? »

«  On peut toujours aller voir… »

Et nous voici à nouveau devant le garage de la route de Marseille.

La voiture n’est plus sur son refuge bien sûr.

Nous nous y attendions et tristement, nous scrutons la façade du garage.

A notre grand étonnement, nous apercevons tout juste visible, le dessus de son toit apparaissant au bas d’une fenêtre.

Emus, le cœur battant, nous attendant à nous entendre dire qu’elle était vendue depuis longtemps, nous entrons dans l’établissement.

Nous la découvrons, manifestement abandonnée, couverte de poussière.

Renseignement pris, elle est toujours à vendre.

Le garagiste nous autorise  nous assoir à son bord.

Assis au sol, les jambes allongées sur le plancher, nous sommes impressionnés par la faible visibilité vers l’avant.

« Comment on fait pour conduire un truc pareil ? »

Si elle est venue jusqu’ici, c’est que c’est possible… »

Irréfutable…

Nous prenons contact avec le propriétaire, expert automobile, que cette voiture effraie :

« Faites attention, c’est une voiture de course ! »

Après quelques tours d’essais sur le parcours du circuit motocycliste des Allées de l’Oule, entre Rhône et remparts, l’affaire est conclue.

UNE LIGNE REUSSIE

Les formes de ce coupé Dolomites sont très personnelles et ne doivent rien aux stylistes à la mode de l’époque, fussent-ils transalpins.

La présence du moteur en porte-à-faux devant les roues antérieures a conduit Bernard Pichon à dessiner une caisse assez haute, qu’il a voulue de forme tendue et aussi simple que possible.

Les impératifs de l’aérodynamique lui ont suggéré, pour effiler les lignes au maximum, à donner au pare-brise une inclinaison étonnante pour l’époque, et pour diminuer la surface frontale (maitre-couple), à concevoir un habitacle extrêmement surbaissé.

Cela donne à l’ensemble une disproportion caractéristique lui afférant un aspect sportif sans concession et réduisant notablement la visibilité vers l’avant, où la hauteur du pare-brise mesuré verticalement n’excède pas une quinzaine de centimètres !

Une véritable meurtrière, encadrée par des montants du toit et ne laissant au conducteur qu’une vision assez restreinte de la route.

Mais l’usage nous apprendra que l’on s’y habitue facilement.

La poupe de cette carrosserie constitue sa partie la plus originale, avec des ailes aux extérieurs arrondis et aux intérieurs formant une découpe qui semble canaliser l’air vers l’arrière.

Les vitrages, s’ils sont de hauteur modestes, n’en snt pas moins abondants tout autour de l’habitacle, avec des custodes aux formes particulières.

Quant au masque avant, avec ses doubles phares superposés et sa minuscule bouche horizontale, il reflète aussi une très forte personnalité.

La Dolomites de Jean-Pierre lors du rallye des garrigues, a été engagée dans la catégorie VEC.

En fait, ce dessin ne fut pas établi du premier coup.

Les premiers modèles étaient dotés d’avant un peu plus patauds, comme aplatis, avec des calandres assez grandes, leurs pare-brises étaient en deux parties planes avec un montant central, et leurs arrières extrêmement courts.

Mais peu à peu, les formes se sont étirées d’un modèle à l’autre et leur maturité est apparue, pour aboutir à cette ligne originale et cohérente qui de doit rien aux artifices de la décoration ou de la mode.

Elles étaient réalisées en tôle d’aluminium posée sur des armatures en tubes d’acier.

L’une d’elle a été montée sr un châssis D.B., à la demande de Marie-Claude Cibié, la fille du fabricant de phares bien connu.

En tout, selon André Parat, une trentaine d’exemplaires furent construits.

TOUT POUR LE SPORT

La Dolomites était destinée à une clientèle sportive pratiquant la compétition.

Elle a participé à la plupart des grandes épreuves.

Sur routes aux Mille Miglia, Tour Auto, Lyon-Charbonnières, Monte-Carlo, Neige et Glace, en courses de côté au Ventoux, en circuits aux 12 Heures d’Hyères, à Montlhéry, où on le vit en justifier le nom dans les Dolomites lors du Marathon Liège-Rome-Liège.

Pichon et Parat laissaient à leurs clients le soin de préparer leur voiture.

Rien de spécial sur le châssis de série Panhard, ni sur la mécanique.

L’Habitacle était spartiate.

Quand on voyait les sportives anglaises ou italiennes et qu’on se retrouvait devant le banal volant en plastique crème et les cadrans de série du tableau de bord tristement plat orné de la tirette de frein à main marqué Dyna et superposant le levier de vitesses qui obligeait à se décoller le dos du dossier du siège pour le saisir, on trouvait tout cela un peu pauvre.

Deux sièges baquets bien dessinés étaient simplement boulonnés sur la plancher, et du skaï collé à même la tôle  faisait office de garniture.

Les glaces latérales coulissaient à la main et se verrouillaient sur une crémaillère, système ultraléger et jamais en panne !

Tout cela pour alléger le poids et le prix de vente.

Lorsque mon frère a acheté cette voiture, son moteur était équipé d’un surpresseur Maag sensé augmenter notoirement la puissance (40% ?), ce qui portait la vitesse maximum à 175 km/h au régime de 7.000 t/mn.

Mais attention aux coups de chalumeau sur les pistons, dus aux néfastes prises d’air à l’admission.

Jean-Pierre n’avait pas une âme de collectionneur.

Si il a pris contact avec André Parat pour découvrir l’origine de sa voiture, il n’a jamais trop cherché à en connaitre l’histoire particulière et n’a pas hésité à la faire évoluer pour en tirer le maximum de satisfactions.

Mécanique de 24CT équipée de deux carburateurs double-corps verticaux Zénith, préparé par le spécialiste Chanchou de Villeneuve-les-Avignons.

Résultat : un bon 185 km/h avec la boite de 24 développant 26 km par 1000 t/mn en 4ème au lieu des 25 des Dyna.

Une commande de boite fixée au plancher venant d’une PL17 comme sur les D.B. ce qui donne une grille tournée à 90° par rapport à la normale : première vers soi, seconde contre la cuisse de la passagère, troisième et quatrième de même, vers l’avant (le genou) .

Freins Alfin, instruments de bord de D.B., petit volant gainé de cuir ramené en fraude d’Italie (il y a prescription).

 UN BEAU JOUET

La voiture est assez fraiche, peinte d’un pimpant bleu Saviem.

Son moteur équipé d’un surpresseur est dépourvu d’hélice de refroidissement.

Son réservoir nous parait énorme, pouvant contenir 80 litres, puisés par une pompe électrique.

L’impression à bord est spéciale.

Je la qualifierai de trépidante.

On sautille sur les inégalités de la route, dans le bruit caractéristique du bicylindre à plat du moteur Panhard, qui imprime au ralenti son inimitable balancement.

Quand on accélère, une odeur d’essence et de mécanique chaude envahit l’habitacle, séparé du moteur et de la transmission par une simple tôle d’aluminium dans laquelle chaque utilisateur a percé quelques trous pour son usage personnel.

L’auto est étonnamment vive à l’accélération.

On la sent très légère (elle pèse moins de 500 kg).

Sa tenue de route et son freinage sont exceptionnels pour son époque.

Nous avons adopté pour elle le nom de « Pipat », contraction de leurs deux noms que Pichon et Parat avaient inventés pour un kart qu’ils avaient conçu.

LES IMPRESSIONS

La Pipat… Circuler à bord de cet engin pétaradant nous amusait au plus haut point.

L’impression de vitesse était décuplée par la proximité de la route, la présence du moteur que l’on sentait au bout de ses pieds et les images tressautantes que nous laissait apercevoir le minuscule pare-brise, comme un film accéléré.

Pourtant, nous ressentions en même temps un fort sentiment de sécurité, tant la Dolomites était stable, virant à plat et semblant collé à la route.

Et le modèle était inconnu du public.

Il surprenait toujours, attirant des regards curieux et admiratifs.

J’entends encore ce Gendarme faisant la circulation au mont Ventoux après la course de côté, alors que nus descendions doucement, moteur arrêté, crier avec son accent méridional inimitable à son collègue posté plus bas : « Emilo, laisses passer la Lotusso qu’elle est en panne !».

Et cet érudit qui expliquait à ses amis « L’Alpine M63… » ou encore ces enfants émerveillés penchés sur l’habitacle : « c’est peut-être une voiture pour les enfants « 

Quelle joie de leur apporter cet instant de bonheur !

De merveilleux souvenirs…

Charly  RAMPAL  (reproduction et montage du texte et photos de Michel PIN)