C’est aux mains du pilote et journaliste belge Paul Frère que notre petite Dyna X, fraîchement sortie en production, allait déjà montrer ses qualités, non seulement sportives, mais de fiabilité.

Voulant participer à cette épreuve de 24 Heures dont son pays en avait fait écho, Paul Frère avait eu du mal à convaincre quelques usines de participer à cette épreuve ou bien à cause du règlement qui rejetait des modèles trop récents et donc pas encore homologués.

C’est finalement, Panhard qui avait répondu à cette demande, voulant ainsi élargir son marché à la Belgique et à ses pays limitrophes.

Et si ce risque pouvait se terminer en succès ? La marque de la Porte d’Ivry, avait toujours cru à la portée médiatique des compétitions plutôt qu’à des publicités de pacotilles sur papier glacés : là au moins, c’est du concret !

L’association pilote / voiture ainsi validée, la Maison Panhard avait envoyé en toute hâte et en plus de la voiture, deux moteurs de série rodés au banc et soigneusement mis au point, prouvant ainsi tout l’intérêt que Panhard portait à cette épreuve.

La voiture fut confiée à Paul Frère 3 jours avant lé début des essais, afin qu’il puisse s’y habituer et comprendre son comportement, ce qui se fit assez rapidement.

Il s’agissait de la dernière version de la Dyna X, c’est-à-dire celle équipée du 750 cc, dont la puissance au frein était comprise entre 32 et 35 ch, ce qui peut paraitre faible, mais sur un véhicule la performance est lié au rapport poids / puissance et là, avec un poids de 580 kg, on tourne autour des 15 ch par kilo, ce qui est extraordinaire pour une voiture de tourisme de petite cylindrée.

LES PREMIERS ESSAIS

Arrivée le vendredi sur le circuit de Spa-Francorchamps, la Dyna, sans autre préparation que l’enlèvement du filtre à air et le remplacement d’un gicleur 115 en lieu et place de celui de 105 originel du Solex 32 PBI, pour minimiser les risques d’échauffement excessif des soupapes d’échappement, s’avéra immédiatement être la plus rapide des petites voitures jusqu’à 1.100 cm3, réalisant un tour à 98,7 km/h de moyenne, sans forcer dans les descentes.

Après ces premiers tests, Paul Frère avait acquis la certitude de pouvoir tourner au moins à 100, après quelques mises au point.

Il avait aussi compris et appris qu’avec la maniabilité extraordinaire de la voiture et de son étonnante tenue de route, il y avait moyen de faire tout le circuit, y compris avec un peu d’entrainement et un cœur bien accroché, de passer le virage en S de l’Eau Rouge, le pied à fond sur l’accélérateur, mais pas au virage de la Source, bien entendu, où les gaz étaient coupés pendant 2 à 3 secondes que durait le freinage.

La seule limite était purement mécanique : dans la descente vers Burnenville, les soupapes commençaient à « s’affoler » lorsque le compteur tutoyait les 135 !

D’où une prudence était de mise obligeant à Paul Frère à lever le pied pour éviter une rencontre entre soupapes et tête de piston !

Il en conclue de ce premier entrainement et reconnaissance de la piste et de la voiture, que pour tenir l’heure de course, il fallait garder le moteur le plus froid possible.

Le circuit de réchauffage du carburateur fut donc coupé, ce qui devait en même temps assurer un gain certain de puissance par l’augmentation de la densité de la charge, et toute possibilité d’auto-allumage fut écartée en utilisant des bougies prévues pour la courses : des Champion LA 11.

A jouté à cela 20% de benzol à l’essence.

Complément de préparation, Paul Frère demanda qu’on lui monte un silencieux à absorption (venu de Bruxelles) au lieu de celui à chicanes et mettre un gicleur de 120.

Ce complément devait augmenter encore un peu la puissance pour permettre à la voiture de ne pas perdre sa vitesse dans la montée de Stavelot et dans la côte de Burnville : car pour qu’il y ait des descentes, il faut des montées !

Côté pneumatique, Paul Frère fit monter des Englebert 135 x 400 au lieu des 145 x 400 pour aller plus vite dans les descentes.

Résultat de tout cela : un gain de 20 secondes au tour !

Un fait intéressant : une fois le réchauffage du carburateur rétabli, le réglage de la carburation adopté pour Francorchamps était nettement trop riche et les performances inférieures à celle réalisées avec le filtre à air et le gicleur principal standard de 105 et qui comprennent des accélérations de 0 à 80 km/h en 15,5 sec. Et de 0 à 100 en 39 secondes.

Le premier de ces deux chiffres correspond aux accélérations d’une voiture moyenne de 2 litres de cylindrée.

Par ailleurs, Paul Frère avait vu aux entrainements la plupart des conducteurs à l’œuvre, il avait la conviction que le pilotage jouait un rôle déterminant sur les moyennes réalisées par les différentes voitures en piste.

Certaines étaient à la limite de leur performance comme l’Odsmobile de Van Wetter, les Ford des deux Warnotte et la Peugeot de Georges.

Par contre certaines étaient en dessous de leurs possibilités.

Ce qui est un peu décevant, d’ailleurs, c’est qu’à part le fils Warnotte, qui a manifestement été à la bonne école, aucun talent réellement nouveau ne s’était révélé.

Rappelons que Van Wetter était déjà, avant la guerre, un coureur motocycliste de talent qui fit une rentrée unique mais victorieuse en 1946, Georges reste un vétéran d’innombrables 24 Heures et Warmotte père, également un habitué des compétitions : ceci explique cela !

LA COURSE

C’est le dimanche en course que Paul Frère caressait l’espoir de dépasser la cap des 100 km dans l’heure.

Sa course fut sans histoire. La Tatra qu’il avait dépassée au moment du départ, le devança aux deux tiers de la côte de Burneville, pour laquelle la 3ème de la Dyna était trop basse et la 4ème trop haute.

Mais Paul Frère resta collé derrière elle profitant de son aspiration à près de 130 réel (6.000 tours) dans la descente jusqu’après Malmédy, et il ne fut que peu distancé jusqu’à Stévelot, puis, dans la remontée vers la Source, les 1.220 cm3 supplémentaires de son concurrent firent valoir leur droit.

Ils avaient fait le trou depuis Stévelot et personne dans le rétro !

6 tours s’écoulèrent ainsi sur le même rythme sans que Paul Frère vit de poursuivants, sauf deux concurrents plus rapides, mais tombés en panne, lui permettant de gagner deux places facilement.

Il restait donc devant la Peugeot, la Volvo d’Attilio Pizzimenti et la Tatra.

Au 7ème tour Paul Frère vit s’évanouir ses espoirs de ne pas être doublé par Georges menant avec brio sa 203 à deux carburateurs, terriblement rapide, mise au point par ses soins.

 Par contre, il eut la satisfaction de doubler l’une des petites Renault puis la seule voiture autre que sa catégorie : la Morris Minor.

A l’arrivée, les fleurs couvrirent littéralement la Dyna qui, en une heure, avait abattu plus de 103 km.

La plupart des voitures qui la précédait, la Volvo dont la prestation fut remarquable, avait 1.410 cm3, soit près du double de sa cylindrée !

Durant cette épreuve, Paul Frère n’eut qu’un souci tout à fait relatif : le niveau d’essence !

En effet, il avait finement calculé sa consommation pour limiter au maximum le volume de carburant emporté afin d’en réduire le poids au maximum, mais après l’arrivée, il s’aperçu, qu’il aurait pu faire encore un tour !

Voilà un mois d’août 1950 où la petite Dyna aura montré au peuple belge, non seulement ses qualités de performance et de   fiabilité mais aussi d’économie de marche : la Belgique était maintenant pleinement ouvert à la petite dernière de Panhard.

Charly  RAMPAL    Propos tirés d’un article de Paul Frère dans la revue « Belgique Automobile «  d’août 1950.