CD-PEUGEOT : ESSAIS + LE MANS 1966
Durant le second semestre 1965, conscients qu’il faut repartir sur des bases nouvelles, Deutsch et Choulet prennent contact avec Peugeot pour la fourniture de moteur.
Un accord est rapidement passé, concernant la livraison de blocs alu 1130 cc dérivés de la 204, d’abord, et afin de bénéficier des services du Moteur Moderne, dirigé par Pichard, pour le développement de ces moteurs, en suite.
L’objectif de cet engagement avec le Moteur Moderne, ne visait pas directement un travail sur l’augmentation de la puissance, mais, plus difficile, une amélioration du couple afin d’avoir une courbe bien remplie.
Mais, pour des raisons de fiabilité, les 24 Heures du Mans 1966 seront courus avec les mécaniques directement livrées par Peugeot, pour des raisons que l’on devine de fiabilité à la vue des délais.
Comme nous l’avons vu dans mes articles précédents, le groupe propulseur était situé en position centrale arrière, comme il avait été testé avec le CD-GRAC en 1965, mais transversalement, et avec un angle de 15° par rapport à l’horizontale.
Le but étant de diminuer le plus possible le centre de gravité de l’ensemble, car lourdement pénalisé par la boite-pont positionné sous le carter, comme sur les 204 Peugeot de série !
Du côté aérodynamique, c’est Choulet qui était à la baguette et il imposa de nouveau les fameuses dérives déjà vues sur le CD-Panhard de 1964.
L’étude de ce projet débuta en juin/juillet 1965 par des essais sur la piste privée de Michelin, tant sur la piste dite « basse vitesse » que sur la piste « haute vitesse ».
Pourquoi Michelin ? Parce que l’équipe CD avait collaboré avec le fabriquant de pneumatique français depuis 1962, année où le CD-Panhard avait couru avec succès, équipé de pneus « X » développés pour les hautes vitesses.
Puis sur le « routier » de Monthléry.
PETIT RAPPEL GENERAL DE LA CONCEPTION
Comme vous avez pu le voir sur les photos du premier article, le châssis se composait de caissons avec des longerons rigides en flexion et des traverses rigides en torsion, réalisé en acier, à la fois pour des raisons de coût et de facilité d’assemblage et qui finalement, ne pesait que 72 kg.
Quant à la suspension, elle reprenait à l’arrière le principe dite « à cinq biellettes » qui avait été inaugurée sur le CD-GRAC.
Les voies avant/arrière étant cette fois de 138/136 et le poids à sec, réparti en 40/60, de 580 kg.
Côté aérodynamique, grâce au carénage intégral du dessous de la coque, le Cx-maquette était de 0,13, et les portances quasi-nulles !
LE MANS 1966
Après les études théoriques et les divers bancs d’essais, c’est le terrain de la dure réalité de la compétition que la validation ou non allait se faire.
L’équipe arriva confiante sur le circuit de la Sarthe avec 3 voitures qu’il fallait préparer : les 51, 52 et 53.
D’emblée, ce fut un succès de curiosité dès leur descente du transporteur :
Pour les premiers essais qualificatifs, il a fallu tout régler à même le sol :
Puis ce sera au tour des freins :
En course, ce sera une catastrophe !
LA COURSE
Bertaut – Lelong partiront avec la CD-Peugeot n°52 : elle devra renoncer avant la deuxième heure sur panne d’embrayage :
Seckler était à la baguette et avait beau faire l’impossible, la voiture ne pouvait pas repartir :
Mais pourquoi cet abandon aussi rapide ?
Pendant les mois de mise au point avant la course, le responsable des embrayages avait ajouté de son propre chef à la check-liste de montage, un produit interdisant le desserrage des boulons du mécanisme.
Mais hélas, il était absent pour la « préparation course» proprement dite, et son initiative, sans qu’on le sache, ne fut pas reprise pour le montage des embrayages destinés aux 24 Heures !
La loi des séries n’était pas terminée et à la cinquième heure, ce fut au tour de la n°51 alors pilotée par Ogier, qui sortait de la route !
Que s’était-il passé ?
La voiture devait partir avec la « longue queue », mais aux essais à Indianapolis, Ogier déjà, parti en tête à queue, détruisit non seulement la partie de cette carrosserie, mais aussi les encoches de fixation de cette queue sécable comme celle d’un lézard : d’où l’impossibilité d’en greffer une autre !
En course à cette cinquième heure, le même Ogier, voulant doubler un concurrent dans la légère courbe des Hunaudières, fut déstabilisé par le déplacement d’air des deux voitures et sortit de la route.
A cette époque, il n’existait pas encore de rail de sécurité à cet endroit et le CD-Peugeot parti en perdition dans la forêt se cognat à chaque rencontre avec un tronc d’arbre !
La voiture fut détruite entièrement et ce fut un véritable miracle qu’Ogier s’en réchappa avec quand même de sérieuses blessures au bras.
Il ne restait plus que la n°53 (Rives / Héligoin) encore en course, mais elle n’alla pas beaucoup plus loin.
C’est entre 23h et minuit, alors que la pluie tombait, Héligoin, alors au volant, s’écarta de sa trajectoire pour laisser passer des voitures bien plus rapides qui le rattrapaient.
Et à la sortie des esses de la forêt, sur cette trajectoire très serrée pour sa vitesse, la voiture fut soumise à un surcroit de contraintes latérales puis à un délestage occasionné par le profil de la piste, décrocha brutalement et partit en tête-à-queue.
Hélas, derrière les deux puissantes voitures qu’il voulait laisser passer, à savoir la Matra-BRM de Jo Schlesser et la Ferrari P3 de Ludovic Scarfiotti, qui avaient déjà amorcé leur dépassement, s’accrochèrent et tout ce beau monde partait dans un carambolage général !
Ou en couleur, pour un peu plus de vie :
Bilan : trois voitures au tapis et pour CD le vide intégral !
CONSEQUENCES
Ce n’était guère brillant, aussi la période de vacances allait être mise à profit pour faire un bilan technique approfondi et définir les évolutions nécessaires.
Au chapitre des qualités, on pouvait y mettre une excellente adhérence idéalement mise en relief dans les virages lents et dans les freinages à basse vitesse.
Dans celui des défauts : une instabilité notoire au freinage à grande vitesse, une douceur de direction excessive et un comportement peu sécurisant à haute vitesse, aggravé par une commande de boite imprécise.
La prochaine course s’annonçait déjà : les 1000 km de Paris en Octobre à Montlhéry : il ne fallait pas tarder…
Charly RAMPAL (sur des informations de Robert Choulet et photos du Moteur-Moderne et PRT)