Après juillet 1965, le Bureau d’études de carrosserie Panhard va travailler sur des modifications à apporter à la 24 et, surtout, Louis Bionier et son équipe vont réussir à créer, dans un délai très rapide, une carrosserie destinée à rajeunir la silhouette de la 2 CV Citroën : ce sera, en reprenant un nom déposé par Panhard, la Dyane, lancée en 1967 et dont Citroën produira près d’un million et demi d’exemplaires jusqu’en 1984.

Demandons à André Jouan et Jacques Hérouart d’évoquer leurs souvenirs de cette période de pleine mutation :

« En octobre 1967, le monde monte à Vélizy où se trouve le bureau d’études de Citroën, pour entrer en formation.

Il y avait encore de nombreux carrossiers et modeleurs.

Louis Bionier reste seul à Ivry, s’occupant de problèmes de brevets, et notre nouveau patron est M. Estaque, assisté par M. Larousse.

On travaille sur le G (la GS Citroën, voiture moyenne, qui sera présentée en septembre 1970) et la SM (voiture Citroën sport à moteur Maserati, présentée en mars 1970).

De son côté, Louis Delagarde et quelques-uns de ses collaborateurs du Bureau d’Etudes de mécanique, notamment Roger Cotinot, 52 ans à l’époque, accompagnent, dès l’été 1965, Jean Panhard qui prend la responsabilité des engins militaires Panhard et Levassor dans la nouvelle société SCMPL.

Enfin, le bureau d’études « Utilitaires » Panhard est réuni à celui de Citroën, installé à Puteaux, sous la responsabilité de Claude Barberet, ceci en novembre 1966.

Il est lui-même sous la direction de M. Aligé, auquel il succèdera en juillet 1970.

Enfin, pendant deux années encore, de septembre 1967 à l’automne 1969, les anciens ateliers Panhard vont permettre à Citroën d’usiner des pièces mécaniques de 2 CV, de Dyane et d’Ami 6, et de monter environ 150 fourgonnettes 2 et 3 cv par jour, accompagnées, à partir de juillet 1969, de quelques Ami 8.

LA LENTE DESCENTE AUX ENFERS

Mais ces activités se poursuivent dans des conditions qui se dégradent de plus en plus.

Dans des installations vétustes et qui ne sont plus entretenues puisque la fermeture en est déjà connue du personnel et programmée à délai rapproché, avec des circuits complexes qui vont de l’emboutissage au rez-de-chaussée à la peinture au 2ème étage, puis à « la grande chaîne de l’atelier 85 » au 1er étage, le tout avec des tâches pénibles, éreintantes, passant de la soudure à l’étain, au montage des vitres, à la confection des sièges avant et au transport des caisses dans la cour, l’univers est cruel où 1.200 personnes – dont plus de la moitié sont des travailleurs émigrés - sont encadrés par une maitrise impitoyable.

Au-delà de ces excès de critiques vécus par quelques militants du moment, retenons au moins que ces ateliers étaient en effet condamnés à disparaitre et que Citroën se devait de transférer au plus vite les fabrications qui y subsistaient, faute de mieux, dans des ateliers plus modernes, mieux organisés et plus humains.

Ce sera chose faite à la fin de 1969.

Le montage des fourgonnettes 2 et 3 cv est alors confié à l’usine espagnole de Vigo en Galice, les pièces mécaniques étant reprises soit à Vigo, soit dans d’autres usines du groupe.

ET LA 24 DANS TOUT CELA ?

Officiellement la dernière 24 serait une « B » de couleur bleu Hierro, estampillée du 20 juillet 1967 à 16h (un horaire en rapport avec Le Mans ?)…, avec un intérieur en skaï noir.
Destination, concession de Besançon.

Mais, sur la main courante conservée aux archives Panhard, quelques ventes auront encore lieu, reportant la date finale de vente d’une 24 BT au 21 novembre et qui serait vraiment la dernière vendue.

La disparition de Panhard en tant que producteur de voitures civiles, fera la Une de quelques manchettes de Presse, spécialisée ou non.

Pour une fois, L’Auto-Journal s’en prend à Citroën sur la manière peu cavalière de « tuer » un vieux serviteur.

Europe-Auto, sous la plume de Jean Hureau, verse une larme au passage d’une Panhard, voitures admirables, victimes de leur mauvaise réputation.

Citroën aurait pu continuer à faire vivre Panhard, même de façon marginale sous le logo d’un modèle sportif, comme le bureau d’étude avait tenté de le faire.
Fiat le fait bien avec Alfa-Roméo.

Néanmoins, on peut regretter son aventure tronquée car sous le crayon informatisé de quelques stylistes talentueux et ayant intégré sa ligne intemporelle, elle aurait pu se mettre au gout du jour comme Porsche a pu le faire avec sa 911.

Mais en France, la mentalité n’est pas à l’automobile marginale, voir Peugeot avec Talbot. Ainsi va la vie.

Peu à peu les dernières traces visibles de Panhard vont s’effacer sur le territoire.

Le 22 janvier 1970, des promoteurs immobiliers détaillent devant la Presse la manière dont vont être démolies les usines du boulevard Masséna.

L’usine Panhard avait besoin d’une modernisation presque totale et jamais le permis de reconstruire n’aurait été accordé.

Alors, autant abandonner ce terrain aux besoins grandissant de logement avec l’arrivée des boat-peoples venues d’Asie.

Sur 10 hectares vont s’élever 14 immeubles-tours de 30 étages, totalisant 4.121 logements, après 3 mois de démolition et deux ans pour la livraison des premiers immeubles, achèvement global en 1975.

Le journal L’Equipe titra alors « PANHARD C’EST FINI… 4.000 logements vont être construit sur le site où naquit la première voitures à essence ».

Mais Panhard, en réalité, ce n’était pas tout à fait fini, puisqu’encore en l’an 2000, vivait au 18 avenue d’Ivry, la Société de Construction Mécanique Panhard et Levassor, la SCMPL, qui assumera pendant encore quelques temps avec fidélité la poursuite de la vocation militaire voulue par les dirigeants de Panhard depuis un siècle.

Aujourd’hui, c’est bien fini, si le bâtiment principal en briques rouge semble avoir résisté au renouveau immobilier, il faut avoir bien connu les usines passées pour s’y retrouver.

Peut-être une Panhard s’égarera-t-elle encore en forme de pèlerinage, pour nous en montrer le chemin.

Ou bien descendre au parking intérieur pour encore voir briller nos couleurs.

En effet, le bâtiment a été agrandi à ses extrémités pour former une sorte d’îlot en triangle.

La brique a été utilisée pour s’harmoniser avec le bâti existant.

La lumière est partout et le bâtiment abrite aujourd’hui 22.000 m2 de bureaux, mais aussi une crèche et un centre d’accueil pour les sans-abris nombreux dans le 13ème.

Seul clin d’œil au passé industriel : une Dyna X trône au milieu du bâtiment.

Quant à la 24, elle poursuit sa route dans le cœur des panhardistes et de nombreux exemplaires roulent encore sur nos belles routes de province, comme votre serviteur avec sa 24 BT équipée d’une 4ème à 25,511 km/h aux 1000 tours ce qui correspond au couple des 3.500 tours et qui permettra de respecter la vitesse limite des 80 km/h sans fatigue pour notre berlingot !

Charly RAMPAL (Archives Panhard et Paris Mairie du 13ème)

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