Dans le monde des panhardistes et de la course automobile, qui ne connaît pas Jean-Pierre Allain ?

Rempart de notre passion, il est pourtant plus connu sur le circuit de la Sarthe où il a été pendant de nombreuses années, chef de piste, responsable des commissaires et de la sécurité.
D’un caractère entier, meneur d’homme, il a la passion de la rigueur.
C’est au nom de ces deux mots qu’il ne veut pas que l’on parle de lui.
Pourtant cet homme remarquable de courage et d’abnégation, fidèle en amitiés, est le symbole même de rares valeurs qui tendent de plus en plus à disparaître dans notre société.

Ses amis sont triés sur le volet, il n’aime pas les faux-fuyants et les rouleurs de mécanique.

Parisien d’origine, il nait en pleine guerre au plus profond boccage normand.

Après des études paisibles, mollement attentifs aux exploits intellectuels de Verlaine ou d’Einstein, il cherche à intégrer l’Ecole Technique de Construction Automobile.
Mais ce sera l’exode vers Erquy, petit port de Bretagne réputé pour ses succulentes coquilles St Jacques.

La motivation est d’aider sa grand-mère à tenir « La Maison de la Presse » qu’il transformera en véritable petite PME forte de huit salariés. Une telle réussite n’est pas compatible avec un régime de 35heures assorti de RTT. Jean-Pierre est debout à 2h du matin, chaque jour ouvrable et pendant des décennies, fier d’avoir fait vivre quelques familles d’Erquy.

Et puis, ce souvenir des exploits en mer de son marin de grand-père qui fut le dernier commandant de bord d’un trois-mâts dix sept fois Cap Hornier.

Enfin, les plages là-bas seront d’excellents terrains de jeux pour ses enfants.

Comme la plupart des gamins de cette époque, il est attiré par l’Automobile et par la compétition en particulier.

Déjà, à 17 ans, sans permis, il achète sa première auto : un cabriolet Dyna X85 rouge.

Il est vrai que son père fut longtemps attaché à la concession Panhard de La Madeleine près de Lille.
Dans diverses compétitions, il côtoie Jean Berha qui devient son professeur pour la conduite sur la neige à l’Alpes d’Huez.
A l’époque, il écume les circuits.
Les compétitions ne manquent pas et Monthléry est bien évidemment son circuit de prédilection.

Son nom figure sur aucun palmarès : il utilise le pseudonyme de Glapion. « J’avais été emballé par une pièce de théâtre intitulée l’effet Glapion, celui que tout le monde a ressenti un jour, mais n’a jamais pu expliquer. Cela m’allait très bien ».

Il se frotte aux pointures de l’époque dont Henri Grandsire.

Mais ses affaires ne peuvent être menées de pair avec sa soif de podium.

Alors, pour encore respirer cette odeur de gomme et d’huile brûlée, il décide de monter une écurie de course dans la région. Il se rapproche de Marcel Lecoq alors Président départemental de l’ACO pour l’aider à monter cette écurie et un rallye national.
Jean-Pierre voit déjà grand.
C’est ainsi que l’Ecurie d’Armor et le rallye du même nom voient le jour. En 1967 cette épreuve sera intégrée au Championnat de France des Rallyes

Puis, en 1968, ce sera la course de côte de Saint-Gouémo au plus profond de la Bretagne intérieure pour laquelle il fera passer le Tour Auto !
L’épreuve est homologuée dès 1969 et attire 110 concurrents. Peu après, elle est intégrée au calendrier du Championnat de France, puis à celui du Championnat d’Europe. Les plus grands volants s’y trouvent.

Il œuvre aussi au Critérium de Touraine et au Rallye du Maine.

Ses qualités de meneur d’homme, d’organisateur et sa rigueur sont reconnues par l’ACO.
Peu à peu, il gravit les échelons et se trouve bientôt membre du Comité Directeur.

Il commencera par être commissaire de piste des 24H du Mans (il restera 10 ans au virage Ford).
Il participe à l’élaboration du règlement avec Jean Bernardet, puis rejoint le PC opérationnel, rattaché au Directeur de course.
Il devient ensuite Directeur de course, côté circuit. C’est la qu’il rejoint le Comité Directeur des 24H du Mans.

Jean-Pierre ne transige pas sur la sécurité. AUDI en saura quelque chose en 2006, en demandant à l’équipe allemande d’équiper leurs autos diésel de durites et tuyaux type aviation. Parce que si une fuite d’essence ne pose pas de problème en s’évaporant sur la piste, une fuite de gas-oil génère une trainée visqueuse qui peut se transformer rapidement en patinoire.

Mais ses enfants d’Erquy ne sont pas oubliés. En effet, Jean-Pierre en parle peu, pourtant il est à la tête d’une véritable colonie de Panhard.

Il suffit de repérer le drapeau Breton qui flotte sur la Panhardière, ancien hangar à cochons reconverti en caverne d’Ali Baba, mais aussi en bloc opératoire pour des opérations mécaniques à cœur ouvert ! Il est doté des dispositifs d’hygiène et de sécurité digne d’une salle blanche.

Même si on y trouve quelques Renault de compétition, les Panhard dans tous les états, sont majoritaires. Surtout des Dyna X déclinées dans toutes leurs versions.

Mais la mécanique Panhard de compétition et d’exception ne sont pas oubliés que ce soit sous la forme la plus magnifique d’un DB HBR Super Rallye de 1959 ou d’un bestial monstre de 1954 carrossé par Pichon-Parat sur la base d’un châssis X86.

Il fut l’un des fondateurs de l’Amicale DB.

Son coup de volant sur ces petites routes de Bretagne qu’il connaît bien, a de quoi faire sombrer son passager dans la frayeur ! Ajouté à cela, un exercice de jambes croisées qui fait monter d’un cran une adrénaline déjà à son paroxysme !

En 2010, j’ai eu l’immense plaisir de partager un podium avec lui au GP d’Angoulème :

Où il pilotait une rarissime Devin aimablement prêtée par Jean-Luc Renard.

Mais ce qui m’a toujours impressionné c’est son courage et sa formidable envie de vivre guidés par une passion intacte basée sur des projets toujours nouveaux.

Grâce à son courage et à sa ténacité, un peu à l’image de son grand-père, il tient tête à Dieu en luttant contre une terrible maladie depuis quelques années. Il mène sa vie comme il conduit ses Panhard : toujours à fond et à la limite, mais sans jamais sortir !

Racontes nous Jean Pierre ton village d’Astérix !

Charly RAMPAL