Même si depuis 1962, René Bonnet s’est séparé de Charles Deutsch et de Panhard pour le côté mécanique, pour se tourner vers Renault, il n’empêche que pour nous panhardistes, il restera comme le porte drapeau sportif de notre marque : celui qui « nous » a rapporté le plus de victoires.
Aussi, ce n’est pas parce qu’il est devenu un concurrent pour notre marque qu’il faut oublier tout ce qu’il a accompli comme œuvre automobile et qu’il a été le seul constructeur français qui ait aligné régulièrement des voitures bleues dans les courses internationales. Son palmarès, et par conséquence « le notre », est éblouissant : nous le connaissons tous !

René Bonnet n’a jamais voulu cesser la production de voitures de sport et de course.

En août 1963, il crée le buzz, en présentant un nouveau projet ambitieux : une monoplace à la portée de tous !

Car, jusqu’à présent, les sportifs français désireux de courir en monoplace étaient contraints d’acheter une mécanique anglaise. Si le prix d’achat (hors douane) d’une Formule Junior britannique est, toutes proportions gardées, raisonnable, son entretien et l’achat des pièces de rechange posaient à l’époque de très gros problème à celui qui n’a pas la possibilité de ramener sa voiture en Grande-Bretagne une fois par mois pour la faire réviser complètement.

Rappelons-nous que le tunnel sous la manche était à l’état de projet et que sa construction se déroula du 5 septembre 1987 et le 10 décembre 1993. En 1963, on en était encore loin !
Il n’était pas exagéré de dire que le budget « transport » d’un propriétaire de « Junior » anglaise représente à lui seul la moitié du budget « entretien » de sa voiture, et le total est une somme rondelette qui découragea beaucoup de pilotes.

Cet écueil allait-il contrarier le lancement de la Formule 3 en France ? Il semble qu’en 1963 qu’il n’en sera rien, puisque 2 constructeurs au moins préparent leur monoplace pour la saison 1964.

L’un d’eux est René Bonnet, toujours à l’avant-garde des évènements sportifs, qui va faire rouler son prototype avant la fin de l’année 1963, avant le lancement d’une série de 80 à 100 voitures prévues ( !) .

Nous étions alors à l’aube de la renaissance du sport automobile en France avec l’appui des pouvoirs publics.

Le cahier des charges prévoit une monoplace disponible dans le public à un prix raisonnable qui devait être accueillies avec une très grande satisfaction.

Comme, avec les Monomills, lancé aussi par René Bonnet et DB, cette nouvelle Formule 3 devait, une fois encore, permettre de trouver une nouvelle génération de pilotes qui seront amenés à conduire un jour la Formule 1 française tant souhaitée.

Le prix de cette monoplace oscillera entre 15.000 et 20.000 Francs. De plus René Bonnet avait entrepris de démarches qui l’autorisaient à vendre sa monoplace à crédit aux jeunes amateurs !
C’est donc avec un « maigre » budget que de nombreux amateurs vont pouvoir envisager l’achat d’une voiture de course grâce à René Bonnet et ainsi pouvoir réaliser le rêve de leur vie.

CHASSIS SEMI-MONOCOQUE

René Bonnet a voulu combiner les exigences d’un châssis très rigide, léger et de faible maître-couple avec la facilité de construction, et surtout de réparation indispensables dans une formule de course qui cherche à être le meilleur marché possible afin d’être à la portée des jeunes débutants.
Il a donc choisi de faire un châssis mixte, comme l’était la BRM, avec au centre, une structure monocoque avec, à l’arrière, un treillis de tubes entourant le moteur.

En quelle matière sera faite la partie monocoque ? Bonnet n’ignore pas les déboires de Lotus, qui avait conçu sa « 27 » en matière plastique, mais il estimait que sa très grande expérience dans ce matériau peut lui permettre de réaliser une coque suffisamment rigide.

Des essais vont être entrepris dans ce sens, et s’il parvenait à son but, le faible prix de revient combiné aux facilités de production de son usine de Romorantin, avec son atelier spécialisé dans la matière plastique, lui permettrait de réaliser un châssis de construction très économique et particulièrement facile à réparer.

Les suspensions sont d’une épure devenue maintenant classique.
A l’avant : triangle superposés de longueur inégale.

A l’arrière : triangle inférieur, bras supérieur, deux jambes de poussée.
Les éléments porte-moyeux sont ceux du Djet, en alliage léger coulé à l’arrière.
La suspension s’effectue par des combinés ressorts hélicoïdaux et amortisseurs télescopiques.
On remarque que ces éléments sont reportés à l’intérieur de la carrosserie, à l’avant, comme sur la Lotus, afin de diminuer la trainée aérodynamique.

Les roues de 13 pouces, en magnésium, portent des pneus de 4,5 à l’avant et 5,5 à l’arrière.

Il y a naturellement des freins à disque sur les quatre roues, ce sont des freins Bendix spécialement mis au point, en collaboration avec René Bonnet, pour ses Djets.

Les dimensions de la voiture sont les suivantes :

Empattement = 240 cm
Voie AV = 132 cm
Voie AR = 130
Hauteur HT = 360 cm
Garde au sol = 10 cm
Poids à vide = 400 kg

En les comparant avec celles de la Lotus « 27 », on s’aperçoit que la René Bonnet sera un peu plus longue de 7 cm, que sa voie est presque identique, mais que son empattement est de 12 cm plus long. C’est vraisemblablement à la différence de longueur entre les deux blocs moteurs-boite de vitesses des deux voitures respectives que l’on doit cette différence assez importante.

MOTEUR RENAULT

Le groupe propulseur sera le bloc 5 paliers modifié selon les normes de la Formule 3. Il sera accouplé à une boite de vitesses Renault 4 vitesses à 4 rapports synchronisés.

Comme le préconise le règlement, le moteur sera alimenté par un seul carburateur prélevé sur une voiture de tourisme homologuée. Sa cylindrée sera de 1.000 cm3. Une bride de 36 mm sur 3 mm sera intercalée entre le carburateur et la pipe d’admission.
Tous les roulements et paliers devront être du même type que ceux de la voiture de série.
Sur la René Bonnet, les 75 ch seront atteints et donneraient à cette monoplace la possibilité d’atteindre les 200 km/h, vitesse que les Juniors anglaise atteignaient en 1960.

Une telle voiture serait d’ailleurs tout à fait apte à recevoir un moteur beaucoup plus puissant, un moteur de Formule 2 par exemple.

Le règlement précise que le système de freinage reste libre, mais l’action de la pédale de frein doit s’exercer normalement sur les quatre roues. Ce qui veut dire qu’en cas de défaillance quelconque dans la transmission du freinage, l’action de la pédale doit continuer de s’exercer sur au moins 2 roues d’un même essieu. D’où le double circuit de freinage.

Charly RAMPAL